PLUS DE TROIS MILLIARDS DE PERSONNES DANS LE MONDE CONDAMNÉES
À MOURIR PRÉMATURÉMENT DE FAIM ET DE SOIF
Fidel Castro
Je n’exagère pas ; je serais même
plutôt prudent. J’ai beaucoup réfléchi là-dessus
après la réunion du président Bush avec les fabricants
de voitures étasuniens.
Ce lundi 26 mars, l’idée sinistre de convertir les aliments en
carburant a été définitivement établie comme un
des grands axéès économiques de la politique extérieure des Etats-Unis.
Une dépêche de l’agence de presse étasunienne, AP,
qui parvient à tous les endroits du monde, affirme textuellement :
Bush a soutenu une réunion avec Rich Wagoner,
président du Conseil d’administration et P.D. G. de General Motors
Corp., Alan Mulally, P. D. G. de Ford Motor Co., et Tom LaSorda, P.D. G. du
groupe Chrysler de Daimler Chrysler AG.
Tous les quatre ont discuté de mesures destinées à soutenir
la fabrication de voitures à carburant alternatif, d’essais de
produire de l’éthanol à partir de sources telles que le
gazon et la sciure, et d’une proposition de réduire la consommation
d’essence de 20 p. 100 d’ici dix ans.
Les discussions se sont déroulées alors que les prix de l’essence
ont monté. L’étude la plus récente de l’organisation
Lundberg Survey signale que le gallon d’essence (3,78 litres) a augmenté
de 6 centimes en moyenne dans le pays ces deux dernières semaines pour
atteindre 2,61 dollars. »
Je pense que réduire mais aussi recycler tous les moteurs à électricité
et à essence est une nécessité élémentaire
et urgente pour toute l’humanité. L’idée tragique
n’est pas de diminuer ces dépenses d’énergie, mais
de convertir les aliments en carburant.
L’on sait aujourd’hui exactement qu' une tonne de maïs
ne peut produire que 413 litres d’éthanol en moyenne, selon les
densités, soit 109 gallons.
Le cours moyen du maïs aux ports étasuniens est de 167 dollars la
tonne. Il faut donc 320 millions de tonnes de maïs pour produire 35 milliards
de gallons d’éthanol.
Selon la FAO, la récolte de maïs aux USA a été de
280 200 000 tonnes en 2005.
Bien que le président Bush parle de produire du carburant à partir
du gazon ou de la sciure, n’importe qui comprend qu' il s’agit
de phrases absolument irréalistes. Calculons bien : 35 milliards, c’est
35 suivi de neuf zéros !
On nous sortira ensuite de beaux exemples au sujet de la productivité
par homme et par hectare qu' atteignent les agriculteurs expérimentés
et bien organisés des USA ; du maïs converti en éthanol ;
des résidus de ce maïs convertis en aliments pour animaux à
26 p. 100 de protéine ; des excréments du bétail utilisés
comme matière première pour la production de gaz. Et ce, bien
entendu, après de gros investissements à la portée seulement
des entreprises les plus puissantes où tout fonctionne à l’électricité
et au carburant. Appliquez donc cette recette aux pays du tiers monde et vous
verrez combien de personnes parmi les masses affamées de notre planète
cesseront de manger du maïs. Pis encore : prêtez donc des crédits
aux pays pauvres pour qu' ils produisent de l’éthanol de maïs
ou de tout autre type d’aliment, et il ne restera pas un seul arbre pour
défendre l’humanité des changements climatiques !
D’autres pays du monde riche ont prévu d’utiliser non seulement
le maïs, mais encore le blé, les graines de tournesol et de colza
et d’autres aliments pour produire des carburants. Il serait rentable
pour les Européens, par exemple, d’importer tout le soja du monde
afin de réduire la consommation d’essence de leurs voitures et
de nourrir leurs animaux avec des résidus de cette légumineuse
spécialement riche en tous types d’acides aminés essentiels.
A Cuba, les alcools étaient un sous-produit de l’industrie sucrière,
après trois extractions de sucre du vesou. Les changements climatiques
portent déjà préjudice à notre production sucrière.
De grandes sécheresses alternent avec des pluies record, ce qui permet
à peine de produire du sucre pendant cent jours avec des rendements adéquats
durant les mois de notre hiver très modéré, de sorte qu' il
manque toujours du sucre par tonne de canne ou de la canne par hectare à
cause des sécheresses prolongées à l’époque
des semailles et de la culture.
Je crois savoir qu' on utiliserait l’alcool au Venezuela non pour
l’exporter, mais pour améliorer les effets qualitatifs du carburant
sur l’environnement. Aussi, indépendamment de l’excellente
technologie brésilienne de production d’alcool, son utilisation
à Cuba pour produire directement de l’alcool à partir du
vesou ne constitue qu' un rêve ou un délire de ceux qui s’illusionnent
sur cette idée. Dans notre pays, les terres consacrées à
la production directe d’alcool peuvent être bien plus utiles à
la production d’aliments pour la population et à la protection
de l’environnement.
Tous les pays du monde, riches et pauvres, sans la moindre exception, pourraient
économiser des milliards de dollars en investissements et en carburants
rien qu' en substituant à leurs ampoules à incandescence
des ampoules fluorescentes, comme Cuba l’a fait dans tous ses foyers.
Cela signifierait un répit qui permettrait de mieux résister aux
changements climatiques sans tuer les masses pauvres du monde de faim.
Je ne qualifie pas, on le constatera, ni le système ni les maîtres
du monde. Les experts en information et les hommes de sciences socio-économiques
et politiques honnêtes qui abondent dans le monde et ne cessent de fouiner
dans l’actualité et l’avenir de notre espèce savent
le faire excellemment. Il suffit d’un ordinateur et des réseaux
croissants d’Internet.
Nous sommes face aujourd’hui, pour la première fois, à une
économie vraiment mondialisée et à une puissance dominante
sur le terrain économique, politique et militaire qui ne ressemble en
rien à la Rome des empereurs.
Certains se demanderont pourquoi je parle de faim et de soif. Je réponds
: il ne s’agit pas du revers de la médaille, mais de plusieurs
face d’une autre pièce, à la manière d’un dé
à six faces ou d’un polyèdre à encore plus de plans
Je m’en remets en l’occurrence à une agence de presse officielle
fondée en 1945 et généralement bien informée des
problèmes économiques et sociaux du monde : TELAM, qui affirme
textuellement :
Ici conclut la dépêche de TELAM.
Je me garde de signaler ici d’autres faits importants, comme le dégel
au Groenland et dans l’Antarctique, les dommages causés à
la couche d’ozone, et les quantités de mercure croissantes que
l’on trouve dans de nombreuses espèces de poissons de consommation
habituelle.
Je pourrais aborder d’autres questions, mais je ne prétendais faire
qu' un simple commentaire sur la réunion du président Bush
avec les P.D. G. des compagnies d’automobiles étasuniennes.
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