Syrie : un débat s'ouvre sur les positions du pcf

publié le : 25 Février, 2013

Nous publions ci dessous un article de Jean-Pierre Dubois "Syrie : La direction du PCF contre une issue pacifique". Il nous a semblé intéressant de le soumettre à Jacques Fath Responsable des relations internationales du PCF en lui posant une première question : S'il est incontestable que les problèmes de la Syrie sont d'abord le résultat des contradictions économiques ,sociales et politiques de ce pays que penses-tu de l'implication du Qatar, de l'Arabie Saoudite, de la Turquie, de l'OTAN et de la France dont on peut penser qu'elle a servi de détonateur (fourniture d'armes, appui logistique aux insurgés etc.) ?

Cette publication ne clot pas le débat ceux qui désirent donner leur avis peuvent envoyer celui ci à Polex pour publication.

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Syrie : La direction du PCF contre une issue pacifique

Lors d’un débat à la récente fête de L’Humanité, Jacques Fath, responsable des relations internationales au PCF, a déclaré : « Pour que la paix soit possible, il faut que Bachar al-Assad tombe, c’est l’unique solution ». [1]

Cette prise de position range la direction du PCF dans le camp de ceux qui s’opposent à une issue pacifique du conflit qui ensanglante la Syrie.

Le départ de Bachar al-Assad, c’est ce que ne cessent de revendiquer l’administration Obama, le gouvernement Hollande-Fabius et les monarchies réactionnaires du Qatar et d’Arabie saoudite. Le camp des « ultras ».

Pourtant cette exigence n’a jamais été un préalable dicté par les instances de l’ONU, en particulier elle ne figure pas dans la résolution de l’Assemblée générale adoptée en février 2012.

Par ailleurs, le mandat de médiateur confié à Lakhdar Brahimi est clair : « Faire cesser toutes les violences et violations des droits de l'homme en Syrie, ainsi que de promouvoir la recherche d'une solution pacifique au conflit qui sévit dans le pays ». C’est à ce titre qu' il a rencontré Bachar al-Assad dont il n’est pas chargé de demander le départ.

La position de la direction du PCF repose sur une fiction qu' elle entretient depuis les premiers mois du conflit syrien : tout faire reposer sur un « soulèvement contre un régime dictatorial ».

Elle persiste dans cette « explication » alors que les preuves s’accumulent de la présence sur le sol syrien de milliers de mercenaires étrangers, entraînés et armés par l’OTAN et ses vassaux locaux.

Ce complot impérialiste, que dénoncent la gauche latino-américaine et nombre de partis communistes et ouvriers de par le monde, reste inexplicablement ignoré par la direction du PCF.

[1] http://www.humanite.fr/syrie/syrie-la-paix-semble-lointaine-504037

Jean-Pierre Dubois


L'intervention de Jacques Fath

Tu me sollicites sur la question de la Syrie en me demandant mon avis sur l’implication du Qatar, de l’Arabie Saoudite de la Turquie, de l’OTAN et de la France. Je suis souvent questionné sur la nature et l’évolution de cette crise majeure. Il est fort logique que l’on cherche à connaître les positions des forces politiques françaises et en particulier celles du Parti communiste. Il faut cependant que le débat soit honnête (et je te remercie de me solliciter). Je suis cependant informé que plusieurs sites, que je ne connais pas, se sont permis d’instrumentaliser ce que j’ai pu dire en espérant probablement pouvoir discréditer la politique du PCF. Ce qui est avancé dans ces sites est assez fantaisiste et très faible.

On me demande régulièrement (et je le comprends) ce que pourrait être l’issue de la crise syrienne. C’est la principale question qui m’a été posée lors de la Fête de l’Humanité. Ma réponse est que l’on ne peut pas savoir... Parce que le rapport des forces «sur le terrain» de la confrontation armée ne permet pas de le dire. Parce que l’opposition syrienne est très divisée. Parce que les protagonistes de cette crise, précisément, ne semblent pas vouloir de solution politique négociée. Parce qu' il ne s’agit pas seulement d’un conflit syrien - une forme de guerre civile - mais d’une crise géopolitique régionale et internationale. On voit bien l’affrontement de puissances en cours - y compris avec les Etats-Unis et la Russie - qui traduit des intérêts stratégiques diversifiés et importants. Je répète cependant qu' une partie des forces d’opposition estime qu' une solution politique est possible à la condition d’un compromis entre une partie de l’opposition et une partie du pouvoir actuel. C’est l’objet de négociations actuellement.

Une réunion s’est d’ailleurs très récemment tenue à Damas dans cet esprit à l'initiative du Comité de Coordination pour le Changement national et démocratique. Voilà quelques faits rapidement résumés. Evidemment, malgré les obstacles considérables, le PCF est favorable à une solution politique et totalement opposé à une intervention militaire extérieure. Nous n’avons cessé de le répéter. C’est aux syriens de décider et de trouver les conditions d'un processus politique. Il est évident, selon nous, qu' une telle solution ne peut aboutir qu' à un changement de pouvoir.

C’est à la fois incontournable et nécessaire. J’ai dit à maintes reprises, notamment à la Fête de l’Humanité, que nous soutenons les progressistes et les démocrates syriens (comme nous soutenons ces courants dans d’autres pays). C’est à dire que nous soutenons ceux qui agissent pour les libertés, la démocratie et un véritable Etat de droit civil et laïque en Syrie et donc pour un véritable changement démocratique. Cela signifie la fin du système dirigé par Bachar El Assad, son clan, ses "services", la direction du Parti Baas…Il s’agit, en effet, d’un régime policier, ultra-répressif et criminel qui a immédiatement tiré a vue sur les civils de Deraa et d’autres villes dès le début des grandes manifestations populaires, en mars 2011.

A cette période là il n’était pas encore question d’une militarisation de la crise et les choses commençaient un peu comme en Tunisie et en Egypte. La militarisation de la confrontation a conduit à une mutation de cette crise et à la guerre civile en cours qui sert les visées tant du régime lui-même que celles des forces de l'islamisme politique y compris le plus radical. Est-ce qu' on peut dire aujourd’hui qu' un progrès démocratique est au bout de la confrontation actuelle ? Personne ne peut croire que l’archaïque dictature de l’Arabie Saoudite et le Qatar, avec l’aide active de la Turquie, soutiennent, financent et arment les courants islamistes les plus extrémistes, afin de favoriser la démocratie…

L’obsession de ces alliés précieux de Washington est de briser l’axéè Syrie, Iran, Hezbollah et de transformer durablement les rapports de force dans la région. On peut même souligner à quel point les menaces permanentes d’Israël sur l’Iran nourrissent cette politique dangereuse qui s’inscrit dans des ambitions néo-impérialistes globales et évidentes. Voilà en quelques mots quelques aspects (seulement) de notre analyse.

La question n’est pas, n’est plus, simplement de savoir si on veut que Bachar reste ou s’en aille. Il faut mesurer que cette crise est en fait au cœur de la confrontation stratégique internationale actuelle. Elle est liée à cette autre crise, celle sur le nucléaire iranien et même à la question de Palestine. Tout le monde (ou presque) comprend d’ailleurs maintenant qu' une intervention militaire occidentale en Syrie aurait des conséquences potentiellement catastrophiques pour le Liban et pour toute la région. Pour cette raison, et pour d’autres qui tiennent à la campagne des présidentielles aux Etats-Unis, la perspective d’une guerre de grande ampleur, avec intervention militaire occidentale sous mandat de l’ONU (ou pas), semble, pour l’instant en tous les cas, abandonnée.

Même les projets de zones protégées poussés par la France - que nous avons condamnés parce qu ‘ils mènent à la guerre - ne peuvent pas se concrétiser dans un tel contexte. après la Libye, l’Afghanistan, l’Irak…la démonstration très concrète est faite que les interventions militaires des pays de l’OTAN - que nous avons chaque fois condamné - se traduisent par des déstabilisations internationales majeures (voir ce qui se passe dans la zone sahélo-saharienne) et des problèmes aggravés...

Ce qui se passe en Syrie montre à quel point ces politiques de puissance et de domination, avec les limites qu' elles révèlent, doivent être mises en cause et combattues dans une bonne compréhension des enjeux et des complexités.

Nous en avons discuté avec l'ensemble de nos partenaires communistes et progressistes: avec des partis du monde arabe, d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine… Nous avons eu, en juillet, une passionnante rencontre avec le Forum de Sao Paulo à Caracas qui a montré un vrai débat et des différences d'approche chez nos partenaires latinos-américains… comme cela existe ailleurs dans le monde. Cette rencontre a témoigné de la forte crédibilité des analyses du PCF et de l'écoute dont nous bénéficions parce que nous sommes - en quelque sorte - très proches historiquement et géographiquement du Proche-orient… Ce qui me choque le plus dans cette affaire, ce n’est pas que la politique du PCF et ses analyses soient contestées, c’est le fait que devant de tels enjeux mondiaux certains puissent en rester à des approches un peu trop simplistes qui ne permettent pas de comprendre. Je crois qu' il faut prendre de la hauteur. C’est un moyen pour être crédible.

Jacques Fath Responsable des relations internationales du PCF le 26 09 12

Pour compléter votre information sur la politique internationale du PCF se reporter à la Lettre des relations internationales du PCF.


 

Cette question n'auras pas de suite puisque la réponse de Jacques Fath est très complète. Elle ne lève cependant pas les interrogations que l'ont peut avoir.

Sur certains aspects de politique fiction quand à l'issue possible et une sous estimation des enjeux internes : réduire la confrontation a El Hassad et son clan à l'opposition est trop court et je renvois pour celà à deux articles que nous publions par ailleurs. Une analyse de la situation en Syrie d' Alain CHouet et Une analyse de la crise syrienne de Fréderic Pichon ainsi qu'aux autres articles du dossier Syrie. J'attire l'attention sur une Interview de Bassam Tahhan par Frédéric Saillot publié par Sylvia Cattori et une lettre ouverte aux Médias, aux Elus et aux Candidats à la Présidence de la République Française du collectif pour la Syrie qui reste plus que jamais d'actualité et devrait amener à nuancer quelque peu l'appréciation de la réalité syrienne.

Sur une sous estimation des enjeux internationaux. Il est clair que la Chine et la Russie sont convaincues - a juste titre - d'être visées en dernier ressort avec les dangers de déflagration mondiale que celà implique. Enfin par une sous estimation de l'implication directe de l'OTAN et de ses membres par services secrets interposés et fournitures d'armes. voir Frappe contre la Syrie – cible : la Russie

Jean-Louis Bertrand

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