Le couteau sans manche Qui a perdu sa lame ou Que faire du Parti communiste

Francis Combes

Cette élection présidentielle aura été celle d'une exceptionnelle occasion gâchée. La hantise de ne pas voir se reproduire le 21 avril 2002 et la volonté, à gauche, de faire barrage à Sarkozy l' ont emporté sur toute autre considération. Mais à cela s'ajoute l' incapacité des forces de la gauche ami-libérale à se mettre d'accord sur un candidat unique. La combinaison. de ces deux éléments a conduit à la marginalisation de toute la gauche anti-capitaliste. Incapable de se présenter unie et porteuse d'une alternative, non seulement cette gauche s'est. elle-même disqualifiée, mais elle a fait, à son corps 'défendant, le jeu de la bipolarisation qu'elle entendait combattre. Dans ces conditions, c'est Bayrou qui a pu apparaltre, aux yeux d'une partie des électeurs qui veulent que ça change, comme le véritable trouble-fête de ce jeu politique dans lequel beaucoup de Français ne se reconnaissent pas. Cette situation est d'autant plus rageante qu'il aurait ~ans doute pu en être autrement. Sur la lancée de la victoire du Non, et sur celle du mouvement contre le CPE, on aurait pu à bon droit espérer que les choses se passent différemment. D'autant qu'à travers les collectifs antilibéraux, un éventail de forces assez large, allant du PCF à la LCR en passant par les alter écolos, avait réussi après plusieurs mois de discussions et un processus d'élaboration consensuel à se mettre d'accord sur une plate-forme politique unitaire avancée: la Charte anti-libérale.
Cet échec interroge bien sûr quant au rôle des partis. Quarid des partis qui ont pour objectif proclamé la révolution ou la transformation sociale, font passer leurs intérêts particuliers avant l'intérêt général, qui est celui du rassemblement, on peut légitimement se demander s'ils ne sont pas devenus des obstacles à cette transformation sociale. De moyens pour l'action, ils semblent se comporter comme s'ils étaient devenus fins en soi, cherchant avant tout à maintenir leurs positions acquises ou à s'affirmer aux dépens des autres. Cela vaut pour le PCF comme pour la LCR.
y a-t-il là une fatalité de la vie des organisations?
Peut-être pas, mais toute l'histoire du mouvement ouvrier et socialiste montre qu'il s'agit d'une tendance naturelle.
La LCR est un petit appareil, mais il a aussi ses intérêts d'appareil. Au-delà des divergences réelles avec le PCF à qui la direction de la LCR reprochait son manque de clarté sur ses rapports avec le PS, il semble bien que cette direction n'ait pas résisté à la tentation de remporter un succès électoral, succès sans doute modeste mais qui le place devant le PCF. Mais les raisons pour lesquelles son candidat, Olivier Besancenot, est manifestemem plus populaire que la candidate du PCF devrait faire réfléchir celui-ci. Cela tient sans doute à sa personnâlité, sa jeunesse, mais surtout à son discours, plus clair et plus radical, et au fait qu'il est reconnu par la frange la plus combative des salariés comme l'un des leurs (on l'appelle d'ailleurs familièrement « le petit postier ») et non comme un permanent de la politique ou un notable.
Quant au Parti communiste, après que sa candidate a obtenu moins de 2% des voix, il est placé devant le problème de sa survie. Il risque en effet, lors des élections qui viennent (législatives, municipales et cantonales) de perdre l'essentiel de ses positions électives, et donc à la fois la base de son influence et les moyens économiques du fonctionnement de son appareil.

Que faut-il donc faire du Parti communiste

Nombreux sont ceux qui doivent se poser la question. À commencer par les communistes eux-mêmes, car c'est d'abord d'eux que dépend ce qu'il adviendra ou non du Parti communiste. Ainsi, la bonne question n'est-elle sans doute pas « que faut-il faire du Parti communiste? », mais « qu'est-ce que les communistes doivent faire de leur propre parti? » Et à cette question, c'est évidemment à eux de répondre. Mais cette question ne concerne pas que les communistes..
Bien sûr, ce parti n'a jamais été en mesure de « faire la révolution », ce qui est un problème (et même le problème), mais il a néanmoins joué un rôle utile et parfois décisif dans l'histoire nationale (en 36, dans la Résistance, à la Libération, dans les luttes anticoloniales et les luttes sociales sous la Ve République.. .).
Or il paraît auj ourd'hui dépourvu d'efficacité et même d'utilité. il est comme le couteau sans manche auquel manque la lame dont parle Lichtenberg dans un de ses aphorismes. Le manche, en l'occurrence, si on veut filer la métaphore, c'est l'influence « dans les masses », parmi les travailleurs, c'est l'organisation, le réseau de cellules qui autrefois lui permettait d'être présent dans les quartiers populaires et dans un certain nombre d'entreprises (la condition de l'efficacité).
Quant à la lame, c'est bien sûr la théorie, la doctrine, qui faisait sa différence, qui lui permettait de « trancher» sur les autres partis et qui a contribué pendant tout un temps à lui assurer une influence intellectuelle. (Qui a à voir avec son utilité, sa « raison d'être »). Or, ce parti a méthodiquement, au cours des dernières années, abandonné l'essentiel de ses références théoriques (la défense des intérêts de la classe ouvri~re, le rôle de l'ayant-garde, l'attachement à l'indépendance nationale, l'internationalisme, l'objectif du socialisme, la référence au marxisme.. .), sans avoir réussi à substituer à ces formulations sans doute anciennes une théorie plus efficace pour aujourd'hui, c'est-à-dire pour l'époque de la mondialisation. Ce qui a beaucoup contribué à le priver non seulement d'efficacité mais aussi d'utilité.
En fait, l'utilité première des partis communistes (partout où ils ont su acquérir une audience de masse) a été de promouvoir la classe ouvrière comme sujet historique de l'action politique. Non pas seulement dans l'ordre de la théorie, mais sur le terrain pratique de l'histoire réelle. C'est ce qui fait la différence avec les nombreux groupuscules d'inspiration marxiste, dans divers pays capitalistes, qui existent et ont une activité le plus souvent rhétorique, c'est à dire sans influence réelle sur le cours des choses.
Dans la plupart des pays capitalistes les plus développés, le système a en effet réussi à mettre les forces anti-système hors système, à les exclure de la vie politique. Par divers moyens qui combinent la répression - McCarthysme, nazisme etc. .. - et l'intégration de la classe ouvrière à un mode de vie et un système de consommation rendus possibles par la puissance économ!que des principaux pays impérialistes. Ce que Marcuse avait clairement diagnostiqué en observant l'évolution du capitalisme américain.
Il en a été un temps autrèment en Europe oçcidentale, en particulier en Italie et en France, où existaient de grands partis communistes, avec une influence de masse. Mais il semble bien que le système ait réussi, là aussi, à éliminer pour l'instant toute alternative au profit d'une simple alternance, à travers le jeu d'une vie politique bi-partisane réduite à un affrontement médiatique entre champions qui, malgré leurs oppositions réelles, acceptent d'un côté comme de l'autre de ne pas toucher aux fondementS du système, c'est-àdire .à la propriété du capital.
En Italie, l'ancien Parti communiste qui a rallié l'internationale socialiste, est en train de se fondre dans un nouveau parti avec le centre-gauche de Prodi, type « parti démocrate ». Et même le parti de la Refondation communiste semble aspiré par l'exercice du pouvoir.
Et en France, le PCF, après avoir, dans un gouvernement dit de « gauche plurielle », accepté une politique en grande partie contraire à ses principes (guerre en Yougoslavie, privatisations, etc...), paraît en passe d'être éliminé de la scène.

comment en est-on arrivé la?

En France comme en Italie, les partis communistes avaient conquis des positionsélectives et institutionnelles qui leur ont permis d' exercer un pouvoir. Mais, paradoxalement (alors que ces partis ont eu des stratégies différentes et un positionnement différent à l'égard de l' URSS) dans ces deux cas, en s' emparant de parcelles de pouvoir, ces partis ont fini par se faire prendre par le pouvoir. A conquérir des pouvoirs dans la société sans changer la société, ces partis ont fini par être changer par la société. Faute de révolution, ces partis ont dû pratiquer le réformisme et ce réformisme a fini par les réformer. Le « réalisme» l'a emporté sur l'idéal, et l'électoralisme s'est substitué aux « principes» (qui jouèrent un rôle si important dans ces partis, justement pour éviter qu'élus et dirigeantS se comportent comme des notables coupés du peuple). Partis ouvriers, révolutionnaires et de masse, ces partis ont malgré tout fini par devenir des partis d'élus, légalistes et enfermés dans la gestion. Les révolutionnaires professionnels ont cédé la place aux fonctionnaires et aux techniciens de la « chose publique ». Ainsi, des partis anti-système, sont-ils devenus des éléments du système.
Cette tendance à l'institutionnalisation et à la sclérose des structures politiques censées faire la révolution est un phénomène universel dont l'expérience du « socialisme réel » nous donne de nombreux exemples. Là aussi, après avoir pris le pouvoir, les révolutionnaires ont fini par se laisser prendre par le pouvoir, la gestion a fini par l'emporter sur la révolution et les moyens (que devaient être l'État,le parti, la dictature provisoire du prolétariat, l'industrialisation...) ont tendu à s'ériger en leur propre fin.
Ajoutons à cela que le mode de fonctionnement spécifique des partis communistes, et le tabou jeté sur les divergences et les tendances, a beaucoup contribué à scléroser la pensée et à favoriser la promotion des suivistes, toujours d' accord avec la ligne du moment.ment.
Le corollaire étant (en dehors des périodes de guerre où le courage personnel devait prendre le dessus)à écarter les personnalités les plus fortes. Ce qui est pour beaucoup dans l'appauvrissement humain de ces partis et, partant, dans leur affaiblissement.
Faut-il en déduire que la seule attitude sage consisterait à renoncer à l'exercice de tout pouvoir? Cultiver son jardin, se transformer en ermite bouddhiste? Et laisser le monde plongé dans sa misère...
Autrement dit, la dégénérescence des partis est-elle une fatalité?
Peut-être pas, si l'on sait repérer quels som les antidotes efficaces dont l'histoire nous fournit aussi quelques exemples et, dont elle nous livre même la composition.
Le premier antidote, ce sont justement ces « principes », l'idéal, la flamme ou si l'on veut encore ce que personne n'appelle plus la« morale communiste». Antidote qui a pendant longtemps prémuni beaucoup de militants et d'élus contre la corruption et l'alignement pur et simple sur les mœurs politiciennes ordinaires.
Le deuxième antidote, déjà évoqué, est la démocratie interne (qui pose la question toujours taboue du droit de tendances et de l'organisation de l'unité dans la diversité).
Le troisième antidote est dans le rapport à ce que les communistes appelaient autrefois le ou les mouvements de masse.

Le parti n'est rien sans le mouvement

On pourrait aujourd'hui se reposer la question que posait Rosa Luxemburg sur le rapport parti et mouvement des masses. Cette dialectique est universelle et spécifique à tout mouvement d'émancipation politique. Rosa plaidait pour que soient reconnues par les révolutionnaires l'autonomie et la primauté du mouvement des masses. C'est d'ailleurs pourquoi elle a soutenu la révolution spartakiste alors même qu'elle jugeait que les conditions de la victoire n'étaient pas réunies. Ce point de vue, qualifié de « spontanéiste », a vite été marginalisé dans les partis de la IIIème Internationale. La codification du léninisme par Staline a imposé l' idée que l' une des conditions essentielles pour que se produise une révolution socialiste était que s'exerce le rôle dirigeant du Parti communiste.
Or l'histoire concrète des révolutions est un peu différente. Tout d'abord elle montre qu'il n'y a jamais eu de,révolution chimiquement pure. Aucune révolution ne s'est donné d'emblée l'objectif du socialisme.
Ce sont toujours contre les effets de la vieille société et pour des objectifs immédiats et urgents que les « masses » se sont mises en mouvement : contre la guerre, pour la paix et la terre, contre l'occupation étrangère ou contre la dictature. Ce n'est qu'ensuite que s'est affirmé le caractère socialiste.
De plus, aucune révolution n'a été le fait de partis installés et institutionnalisés.
En 17, le parti bolchevik n'était pas un parti de vieux apparatchiks, mais une formation jeune, composée de militants formés dans la clandestinité et qui ne reculaient pas devant l'affromement idéologique, dans les luttes de fraction au sein du parti social démocrate, comme dans les cercles d'études marxistes parmi 1es ouvriers. En Chine, après l'écrasement de la révolution dans les villes, le Parti communiste s'est reconstitué au cours de la longue marche, au sein de l'armée populaire, comme un mouvement d'éducation et d' encadrement des masses. À Cuba, le mouvement a d'abord commencé sans le Parti communiste, lequel se méfiait des guérilleros. Et c'est Fidel qui a refondé le PC, une,fois la révolution faite.
Si la révolution d'Octobre n'a pas été le putsch que dit l'histoire officielle d'aujourd'hui, c'est bien parce qu'elle a été lé fait d'un mouvement de masse dans Iequel les soviets d'ouvriers et de paysans, et les jacqueries paysannes ont joué un rôle de premier plan.
Le mérite de·Lénine n'est pas d'avoir fomenté la révolution, mais d'avoir eu l'intelligence politique de prendre des initiatives qui ont changé le cours des choses et, à plusieurs reprises, sauvé le mouvement.
La réécriture post-léniniste de l'histoire a sans doute contribué Cette conception me paraît plus nécessaire encore doute contribué à consolider le pouvoir du parti mais en réduisant à rien ou presque le rôle des'soviets, elle hypothéqué le socialisme.
après avoir aboli la contradiction capital-travail, le socialisme du XXème siècle semble bien avoir échoué sur la question de la contradiction gouverrtants-gouvernés.
aujourd'hui. Et pas seulèment parce que les partis sont très affaiblis. Ou, plus exactement parce que l'affaia blissement des partis est aussi le signe qu'ils ne peu vent plus prétendre résumer à eux seuls l'organisation politique anti-capitaliste.Tout le monde s'accorde à dire que là où le bât blessait, c'était en matière de liberté et de démocratie. En substituant le parti au mouvement autonome des masses, sous la forme par exemple des soviets, le socialisme qu'on pourrait dire despotique reproduit, et parfois aggravé, l'aliénation politique. En fait, le pouvoir du peuple s'est traduit en pratique par l'impuissanèe du peuple. Ce qui explique l'absence de mobilisation pour défendre la propriété collective quand celle-ci a été remise en cause par les dirigeants eux-mêmes. Le ralliement de ces mêmes dirigeants au modèle occidental de la démocratie (qui repose sur la délégation de pouvoir) n'a pas conduit à « démocratiser le socialisme », mais, comme à l' ouest, à écarter plus encore le peuple des décisions.
En fait, la conception révolutionnaire de la démocratie est celle qui met au premier plan le mouvement conscient et autonome du peuple, la puissance du peuple, laquelle doit s'exercer même face au « pouvoir du peuple ». La démocratie socialiste pourrait se définir comme celle où le peuple peut être à lui- même son propre contre-pouvoir... Et où les dirigeants dirigent en ne perdant pas de vue qu'ils sont pour la disparition des dirigeants.
L' idée de la révolution comme auto-organisation du peuple, conduit à relativiser le rôle des partis, lesquels n'ont de raison d'être que dans la mesure ou ils aident à ce que s'affirme le mouvement.
Cette conception me parait plus necessaire encore aujourd' hui. Et pas seulement parce que les partis sont très affaiblis. Ou plus exactement parce que l' affaiblissement des partis est aussi le signe qu' ils ne peuvent plus prétendre résumer à eux seuls l'organisation politique anti-capitaliste.

Le développement du système d'exploitation capitaliste qui ne se borne plus à l'exploitation du travail mais touche tous les domaines de la société et en vient à menacer l'existence même de la vie sur Terre a pour effet de rendre plus universelle combat contre le capitalisme, mais aussi beaucoup plus diversifié. Des luttes a ouvrières, aux combats écologiques, en passant par les mobilisations contre la guerre, le féminisme, les luttes des sans-papiers ou les mouvements culturels comme les associations anti-pub, la contestation du système est multiforme.
Aujourd'hui moins encore qu'hier aucune formation, quelle qu'elle soit, ne peut « incarner » à elle seule la diversité de ces combats qui ont besoin, pour se développer, d'organisations spécifiques.
Nul ne peur donc prétendre avoir le monopole de l'anti-capitalisme et de l'action révolutionnaire. Et l'unification pratique des luttes ne peut pas être le fait d'un parti seul, mais passe par la formation d'une sorte de front, une convergence anti-capitaliste. Le mouvement des collectifs unitaires anti-libéraux, malgré leur faiblesse, pouvait être un embryon de ce rassemblement. La question de l'heure est en effet non pas la « révolution socialiste » mais le rassemblement contre les politiques ultralibérales de déréglementation, de privatisation, de remise en cause des souverainetés nationales et des acquis sociaux au nom de l'impératif catégorique de la compétitivité dans le cadre de la concurrence mondialisée.
après s'être beaucoup discrédité, par ses reniements successifs et ses atermoiements stratégiques, le Parti communiste avait là une possibilité de « reprendre du galon », en participant franchement et loyalement à ce rassemblement dans lequel il aurait joué naturellement un rôle charnière.
La pantomime qui a abouti à l'incapacité de désigner un candidat unique montre que la direction du Parti communiste, qui a officiellement abandonné toute ambition « d'avant-garde » n'a pas renoncé aux vieux réflexe de « parti dirigeant ». Semblant ignorer que son poids numérique lui donnait des responsabilités particulières pour préserver ce cadre unitaire, il a tenté de l'instrumentaliser en sa faveur pour faire adouber sa candidate par ces collectifs. Du coup, il a aggravé son discrédit et son isolement...

Le mouvement a besoin des partis

Pourtant, les communistes ont beaucoup à apporter au mouvement. Loin de disparaître dans le rassemblement, c'est dans ce bain unitaire qu'ils peuvent trouver une raison d'être et une force. C'est aussi dans le mouvement avec les autres que peuvent s'affirmer de nouvelles personnalités Est-ce à dire que les communistes vont continuer d'exister, mais qu'il faudra se passer du Parti communiste, comme ont l'air de l'imaginer beaucoup de ceux qui se définissent aujourd'hui comme des « communistes unitaires» ? Au moment même où le PCF est menacé de disparaître, beaucoup (y compris parmi ceux qui le critiquent) sentent que sa disparition affaiblirait tout le mouvement. Le mouvement n'est pas tout et les partis rien. Le mouvement a en effet ses limites, taht du point de vue de la capacité d'organisation que du point de vue du débat démocratique.
L'expérience de ces derniers mois suffit pour s'en convaincre.

Si, dans certaines circonstances, les partis peuvent faire obstacle au rassemblement, le rassemblement a besoin des partis.
Malgré leur faiblesse, ils ont une rôle essentiel à jouer d'élaboration et de formation. Ce qui a fait la force du Parti communiste, c'est sa capacité à faire partager un savoir spécifique. Une théorie sans doute contestaeble sur bien des points mais vivante et nourrie par le marxisme. Le PCF a ainsi a été l'outil et le lieu de la promotion intellectuelle de dizaines de milliers de cadres ouvriers. Ce rôle d'éducation populaire peut paraître modeste, mais il est essentiel à la démocratie. Pour que celle-ci ne se nie pas elle-même en se transformant en son contraire, (le spectacle démagogique, dominé par l'audimat, dont la vie politique actuelle nous donne l'exemple), il faut des citoyens et des militants informés et formés. La vraie démocratie, disait Brecht, c'est la souveraineté des arguments. En clair, plus décisif dans doute que le maintien de ses positions électives est pour le Parti communiste la question de savoir s'il peut renouer avec cette fonction pédagogique, dans l'esprit d'un marxisme moderne et combatif.
Dans cette optique, la question du renouveau idéologique du parti, de la capacité des communistes à se redonner une théorie révolutionnaire, un savoir marxiste pour aujourd'hui, est donc devenu la question décisive. Se retrouver « du Côté du manche » a coûté cher au Parti communiste. Il lui faut aujourd'hui retrouver une lame. Et c'est à cette condition qu'il pourra peut-être retrouver son propre manche.

Francis Combes

sommaire