Le partenariat stratégique russo-chinois vu de Cuba

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Manuel Alejandro Hernández Barrios (note et traduction de Danielle Bleitrach pour Histoire et société)
le 26 octobre, 2017
publié le : 23 Août, 2018

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L’alliance stratégique entre deux grandes puissances, la Russie et la Chine, est un phénomène qui affecte toute la dynamique de la politique internationale. La question de ces relations, leur histoire, les bases sur lesquelles elles se sont édifiées et leurs perspectives a été abordé dans l’émission télévisée de ce mercredi 25 octobre.

Moscou et Pékin ont signé plus de 20 accords de coopération dans différents domaines en 2017. Et les deux nations ont initié une manière de développer une coopération étroite et de renforcer les échanges en monnaies nationales en évitant les paiements en dollars, ce qui contribuera à renforcer les liens économiques en réduisant au minimum la pression de l’Occident. Ce qui témoigne du fait que dans cette relation, les deux nations défendent leurs intérêts nationaux. Lors du dernier renforcement des relations, un accord a également été signé sur l’utilisation pacifique de l’énergie atomique.

Sur les origines de cette relation et le contexte international qui a conduit ces pays à unir leurs forces au sein de la situation géopolitique mondiale, le chercheur Santiago Pérez Benítez, directeur adjoint du Centre de recherche pour la politique internationale (ICIP), a déclaré qu’il s’agit d’une relation basée sur les intérêts nationaux de ces deux puissances qui partagent des frontières et ont eu une relation complexe à travers l’histoire.

Il a rappelé que les Chinois mentionnent souvent ce qu’il définissent comme le siècle de l’humiliation, quand les puissances occidentales, y compris l’empire russe, ont infligé une présence négative en Chine, mais la Révolution d’Octobre et la Révolution chinoise ont transformé la donne. Au milieu des années 1950, les relations étaient très intenses, mais les relations se sont tendues à cause de différends idéologiques et géopolitiques au cours de la période dite de la guerre froide, en permettant aux états-Unis de mettre en œuvre la soi-disant diplomatie du ping pong.

Cependant, après la chute de l’Union soviétique, un processus de blocus de la Chine par de nombreuses puissances occidentales commence, en particulier en matière militaire. C’est à partir de là que commence à se tisser un nouveau type de relation. Depuis 2012, Vladimir Poutine et Xi Jinping ont eu plus de 20 rencontres de haut niveau en moins de cinq ans.

Il a souligné que dans toutes leurs stratégies de sécurité nationale, les états-Unis ont toujours comme ligne qu’il n’y ait pas d’autres puissances qui remettent en question l’hégémonie américaine, soit séparément, soit unies. En 1996, la Russie et la Chine signent un important accord de partenariat stratégique. En 2002 a émergé Organisation de la coopération de Shanghai. En 2004, ils ont résolu le problème des frontières. C’est ainsi qu’a été créé ce qu’on appelle l’esprit de Shanghai, qui est l’embryon de la création d’un nouveau modèle de relations internationales dans lequel ni l’unipolarisme ni l’interventionnisme ne prévalent plus.

Il a ajouté que la crise de 2008 offrait une opportunité aux deux nations car si les Etats-Unis et la plupart des pays d’Europe traversaient une crise énorme, ce n’était pas le cas des économies de la Russie et de la Chine. La Chine a connu un développement émergent important et la Russie a rebondi grâce à la hausse des prix du pétrole. En conséquence, les BRICS ont émergé. A partir de 2012, lors du deuxième mandat d’Obama, Poutine étant président pour la troisième fois, est intervenue la crise en Ukraine ; l’hostilité des Etats-Unis envers la Chine a débouché sur le réarmement des troupes dans la mer de Chine méridionale, sur la péninsule coréenne, au Japon, et le renforcement de l’OTAN.

Eduardo Regalado Florido, du Centre pour la recherche sur les politiques internationales (CIPI), a expliqué que la Russie et la Chine ont évolué dans la construction de relations étroites. Ils ont d’abord parlé d’un partenariat stratégique, après un partenariat stratégique de coopération, suivi d’une association de coordination stratégique, et actuellement le terme qu’ils utilisent est le partenariat stratégique intégral de coordination.

Il a expliqué qu’avec cette conceptualisation, ils essayent de définir leur niveau d’association sans pour autant conclure d’alliance, parce que le terme alliance a une autre connotation dans les relations internationales. Quand on parle de l’alliance, on parle d’engagements spécifiques entre deux pays concernant la menace d’un tiers. Ils ont affirmé n’avoir aucun engagement concernant la menace d’un tiers l’un envers l’autre et ont ainsi créé chacun leur propre mécanisme d’autodéfense qui leur permet de conserver leur autonomie dans la relation avec le tiers [En fait il s’agit d’une doctrine chinoise qui récuse la notion d’alliance, NDLT].

Le chercheur a ajouté qu’il n’y a pas de domaine de coopération entre les deux pays qui n’ait connu un développement extraordinaire, y compris le commerce, les investissements, l’armée et la sécurité. Ils se sont associés parce qu’ils ne pouvaient défendre seuls leurs intérêts nationaux contre l’agressivité américaine.

Il a dit qu’au milieu de ces relations, la question de la complémentarité prévaut, c’est-à-dire que les éléments qu’un pays possède ne sont pas en concurrence avec ceux de l’autre pays. La plupart des éléments et des ressources dont la Chine a besoin pour maintenir son taux de croissance se trouvent en Russie, l’énergie étant la plus fondamentale d’entre elles. En Russie, il y a aussi la technologie dont la Chine a besoin surtout dans l’aspect militaire. La Russie profite de la forte demande de ressources naturelles telles que le gaz et le pétrole et de la vente d’armements. Avec cette relation économique, ils ont atteint un certain degré d’indépendance vis-à-vis d’un monde instable, en crise et face aux sanctions.

Il a mentionné que le dynamisme de l’économie mondiale se déplace de l’Ouest vers l’Est. On dit que ce sera le siècle de l’Asie et surtout de la Chine, une économie qui génère très facilement la technologie. La Russie avec toutes les sanctions européennes a réorienté ses intérêts économiques vers la Chine.

Il a annoncé que d’ici cette année 2017 l’échange commercial entre la Russie et la Chine s’élèvera à environ 80 milliards de dollars. En 2020, les deux pays ont proposé 200 milliards de dollars. Une relation économique qui naît dans un climat de confiance, de coopération et de volonté politique des deux pays.

Complémentarité et coordination

La Russie et la Chine ont tenu des exercices militaires en juillet de cette année, celles-ci deviennent de plus en plus fréquentes. à cet égard, l’analyste de la politique internationale Santiago Pérez Benítez a commenté que la Chine a émergé dans les années 1990 avec des armes plutôt obsolètes et la Russie a émergé avec une grande crise économique, mais avec une industrie militaire développée.

Il a dit que la Chine va commencer à acheter des SU-35 à la Russie, l’avion de chasse le plus perfectionné du monde, ils vont également acheter le système antiaérien S-400 qui va leur permettre d’affronter le bouclier antimissile américain. Les exercices militaires entre deux nations sont fondamentalement politiques. Lénine a dit que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Dans les projections de sécurité de ces deux pays, le terrorisme et le séparatisme sont fondamentaux, de sorte que la coopération militaire et le renseignement ont augmenté.

Il a annoncé que, entre les deux pays, il y avait aussi une convergence diplomatique significative, il est donc important que les deux soient des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est pourquoi nous parlons d’un modèle de relations de type nouveau entre des pays qui pensent de la même manière.

Eduardo Regalado Florido a ajouté que, bien que le regard soit le même ou similaire sur un sujet, ce qui est derrière c’est la coordination non seulement dans la relation unilatérale, mais aussi dans la relation multilatérale. Cette relation coordonnée se produit au plus haut niveau des personnalités politiques, entre les ministères et les diplomates.

Parmi les objectifs des deux pays il y a le fait que les membres de l’Organisation de Coopération de Shanghai ne permettent pas aux états-Unis d’installer des bases militaires dans l’Asie centrale ou dans la zone d’influence chinoise. Il a souligné que le projet chinois de la route de la soie est attirant mais le plus important est qu’il associe. Pour sa part, la Russie a créé l’Union économique eurasienne. Les deux projets ont interagi dans la construction de l’infrastructure nécessaire, les ponts, les ports, les routes, ce qui est nécessaire pour le développement des pays. 50% de l’échange a à voir avec l’énergie, qui entre principalement par les ports ce qui est un problème de sécurité pour la Chine.

Santiago Pérez Benítez a affirmé que les deux nations font face à un défi médiatique qui a motivé de nombreuses causes du rapprochement entre ces pays. Il n’en est pas moins vrai que c’est une relation avec ses complexités comme n’importe quelle relation. La manière dont la Russie est diabolisée comme les vues négatives de Trump sur la manière dont la Chine manipulerait la monnaie témoigne de l’existence d’un haut niveau de nervosité géopolitique.

Eduardo Regalado a ajouté que cette relation Russie-Chine est l’axe de contestation le plus fort et le plus actif contre l’hégémonisme américain. C’est l’association qui construit le plus fortement un monde multipolaire. On dit que la grande erreur géostratégique d’Obama était de laisser cette relation se développer ,ce que Trump a entrepris de détruire et de corriger.

Santiago Pérez a ajouté que la relation a généré un niveau d’institutions réelles dans la projection d’un monde différent dans le domaine économique et la politique internationale. Ensemble, ils ont opposé leur veto à l’agression militaire américaine contre la Syrie aux Nations Unies.

Source :https://histoireetsociete.wordpress.com/

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