Internet, Chavez et Cuba : dix médiamensonges
Rosa Miriam Elizalde
Dix mensonges de La Vanguardia : l' Internet au Venezuela,
selon Pasquali
Laissons à Antonio Pasquali, auteur du livre Comprendre
la communication, le bénéfice du doute. Supposons qu'il n' ait
pas eu du temps ou qu' il n’a pas eu la place pour incorporer une
partie de l' information qui a été éludée dans cet
article . De ce fait, ce qui y figure est non seulement faux, mais parfois contradictoire
et indéfendable. Quelle que soit la manière dont on la prend,
la thèse fondamentale que défend cet article dans son premier
paragraphe est calomnieuse :
" après la nationalisation par le président Hugo Chávez
de la compagnie téléphonique CANTV, au Venezuela un processus
de « cubanisation » des télécommunications qui sans
doute augmentera le contrôle des conversations, des transmissions de données
et de la capacité d'écoute, s’intensifie."
Voyons certaines de ces affirmations :
1. Il est inquiétant qu' un câble sous-marin
de fibre optique de 1.552 kilomètres de longueur soit tendu entre la
Guaira (Venezuela) et Siboney (Cuba) .
Que trouve-t-il à redire? Pourquoi Pasquali a oublié,
ou le journaliste qui le citait, de dire qu'à Cuba toute la connexion
à Internet se fait par satellite, beaucoup plus lente et plus chère
que la fibre optique , du fait de l’embargo étasunien qui affecte
l'île ? Cuba ne se bloque pas elle-même et ne bloque personne. Ce
sont les administrations étasuniennes successives qui ont empêché
Cuba d'être reliée au réseau mondial de fibre optique sous-marin
qui possède huit points dans des territoires très proches de l'île
dans les Caraïbes et qui optimiserait extraordinairement la communication.
Le système Arcos (Americas Region Caribbean Optical-ring System) relie
par fibre optique les USA, le Mexique, l’Amérique Centrale, l'Amérique
du Sud et les Caraïbes, et offre un service ADSL de très haut débit.
Mais Arcos est la copropriété de 28 fournisseurs de la région
et est dirigé par New World Network, actionnaire étasunien majoritaire
qui a une participation de l'ordre de 88.2%.
2. (Le Venezuela fournira à Cuba) une capacité
monstrueuse de 160 GIGAbytes/seconde, sans application possible dans une île
qui accuse un grand retard technologique.
Le Venezuela fournirait à Cuba, à travers un
accord bénéfique pour les deux pays, le droit légitime
de jouir et d'être relié au Réseau de Réseaux (2).
Les documents officiels étasuniens eux-mêmes expliquent pourquoi
Cuba est entré tardivement sur Internet, avec une infrastructure faible
qui a la charge additionnelle d'être payée à prix d'or parce
qu'aussi le blocus interdit la vente à l'île de technologie étasunienne,
qui comme nous le savons, domine l'industrie du hardware et du software.
3. Cuba ne dispose que de 124 mégabytes/seconde en
descente par satellite et de 65 mégabytes/seconde en montée, un
chiffre ridicule.
-Là, il a raison : c'est ridicule, mais il a oublié
d’ajouter que cela est imposé par les USA qui décident quel
est le type de débit auquel l'île peut prétendre. Tout hôtel
ou café internet qui n'est pas situé dans l'archipel cubain jouit
d'un ADSL égal ou supérieur à celui dont dispose tout Cuba
pour ses transmissions par Internet. Pourquoi Pasquali a-t-il oublié
cette donnée ? Pourquoi oublie-t-il de dire que chaque mégabyte
coûte à Cuba quatre fois plus cher qu' au reste du monde et
que ce pays doit le batailler ferme pour l’obtenir? L'île a pu disposer
d’une navigation internationale seulement à partir de 1996, assortie
de conditions politiques : cela faisait partie du train de mesures de la Loi
Torricelli (1992) (3) pour "démocratiser la société
cubaine". Cette loi décrète aussi - et elle est en vigueur
aujourd'hui - que chaque mégabyte (rang de vitesse de connexion) acheté
auprès d’entreprises étasuniennes ou leurs filiales doit
être approuvé par le Département du Trésor (US).
Les USA ont établi de limiter cet accord et ont décidé
de sanctions extraordinaires – des amendes de 50.000 dollars pour chaque
violation - pour ceux qui favoriseront, à l'intérieur ou hors
des USA, des échanges marchands électroniques ou favorisent un
avantage économique même minime pour l'île par le réseau.
Les câbles sous-marins de fibres optiques contournent tous Cuba.
4. Le nouveau câble vénézuélien
multipliera de plus de 2.500 fois la capacité de communications de Cuba.
Cet investissement reste un mystère : la densité téléphonique
cubaine est une des plus faibles au monde.
-Mais ce sont d’excellentes nouvelles pour les Cubains
et à la fois, une contradiction dans l'information que donne Pasquali.
Il reste donc ridicule que Cuba ait un ADSL si faible – il semble dire
que ce n’est pas une décision gouvernementale -, et deux lignes
plus bas, il s’inquiète parce que les Cubains veulent multiplier
leur capacité de connexion et augmenter leur densité téléphonique.
On ne comprendrait pas une formulation semblable, si l'intention de Pasquali
n'était pas de glisser un sous-entendu : "l'île satanique
accédera aux technologies pour surveiller les autres." Il veut nous
faire croire, sans que nous ayons toutes les données sur la table, le
paradoxe de tout roman noir : la victime est en vérité le criminel.
5. Le nombre de connexions à Internet est le plus
faible d'Amérique latine (0,9/100hab). Que cache-t-on en étendant
la capacité informatique de Cuba si la population n'a pas accès
à internet ?
-Toujours la même chose, voici comment on fabrique l’opinion,
en manipulant les données. Cuba a dû construire un projet d'accès
social et intensif à l’informatique, de sorte que 90 pour cent
ou plus des ordinateurs soient utilisés par plus d’un individu.Cela
tombe sous le sens. Si vous devez distribuer la capacité de connexion
d'un hôtel pour 12 millions d'habitants, vous ne pouvez que faire deux
choses : le donner à un petit groupe de personnes ou chercher une alternative
qui garantit l'emploi plus vaste et rationnel de cette ressource. C’est
ce qui a été fait. On donne la priorité aux universités,
aux centres culturels et de santé, aux médias et au Jeune Club
d’informatique- plus de 600 locaux qui fonctionnent dans toutes les points
du pays, 24 heures à jour et qui offrent des cours pour tous les âges
dans lesquels on apprend à utiliser ces technologies -. Un million de
personnes ont été diplômées dans ces cours, tandis
que dans toutes les écoles il y a des infocentres, avec une moyenne de
20 étudiants par ordinateur. A Cuba, il y a 146 salles de classe dans
des endroits reculés, des montagnes, auxquelles assiste seulement un
enfant et qui sont assurées par un enseignant et plusieurs instructeurs,
dont un d'informatique. Pourquoi pays un sous embargo et pauvre, investirait-il
des millions de dollars à former à l'informatique ses enfants
dès le plus jeune âge? Si le gouvernement avait intérêt
à limiter et à censurer l'accès à Internet, pourquoi
formerait-il à l'utilisation d’ordinateurs les plus modernes plus
de 2 millions d’enfants et d’adolescents, y compris ceux qui vivent
dans des endroits perdus des montagnes ? Pourquoi fait-on taire cette vérité,
facilement vérifiable ?
6. Cuba est un des 13 pays qui censure le plus Internet.
Où sont-elles les preuves ? Jusqu'à présent
la seule preuve qui étaye une pareille affirmation est le martèlement
incessant de cette phrase. Les plus féroces acteurs de cette campagne,
cités heureusement dans tous les rapports du Département d'État
étasunien, ont essayé de le prouver et ont utilisé pour
cela des méthodes illégales. Reporters Sans Frontières
a clandestinement envoyé en octobre 2006 une journaliste française,
qui a vécu un mois dans l'île et a présenté par la
suite le résultat de son travail d'espionnage, sous le pseudonyme de
Clarie Voeux. Le Miami Herald l'a interviewée et a rendu compte des résultats
de la recherche, qui selon elle "avaient été surprenants".
Les cafés Internet dans les hôtels et les bureaux de poste permettaient
un libre accès au réseau, même ceux considérés
comme subversifs. « J’ai été surprise de pouvoir visiter
tous les emplacements web... Il s'agit du contrôle de l'accès,
non de censure », a-t-elle dit au journal. (4) Et, effectivement, le rapport
existe, mais personne n’a fait attention à lui ; curieusement.
7. Un Cubain normal ne peut pas utiliser Internet.
Faux. Personne ne peut en effet utiliser pour lui seul un canal
si étroit de navigation, même s'il possède tout l'argent
du monde. Si le pays laissait à quelques-uns ce spectre de liaison satellitaire
si réduit, il empêcherait l’accès au réseau
pour des centaines de milliers de Cubains qui y sont reliés actuellement.
Le canal de fibre optique qui reliera Cuba et le Venezuela est pour nous un
grand espoir. Non seulement il améliorera la qualité de la navigation,
mais il donnera la possibilité d'étendre ce service dans chaque
foyer, ce qui est pour les Cubains, un rêve beaucoup plus ancien que ce
que nous pourrions supposer. En 1969 on a créé au Cuba l'Institut
Central de Recherches Numériques (ICID). En relisant les interventions
publiques du président Fidel Castro à cette époque on peut
y lire: "Nous sommes un pays sans ressources naturelles, mais avons une
ressource très importante, l'intelligence des Cubains. L 'informatique
permet cela et je suis convaincu que chaque Cubain pourra disposer dans le futur
de ces machines "(5). Quel autre objectif pourrait avoir un pays qui forme
des millions de personnes à l'utilisation de l’informatique ?
8. Les touristes peuvent relever leurs courriels dans les
hôtels s'ils sont disposés à payer des tarifs très
élevés.
Je n'ai pas encore vu de scandale à cause des
prix de l'accès à Internet dans les lieux où se rendent
les touristes en Europe, incroyablement plus chers que ceux des hôtels
de l'île, et on n’en fait pas un drame comme pour ici. L’on
découvre alors une autre information en creux: ce que payent les touristes
sert à financer une petite partie des coûts de l'accès social
à Internet. L'île paye chaque année dix fois plus pour ce
réseau de 124 Mb/s, que ce que paye un des hôtels Hilton de Miami
pour le même service, avec de meilleures prestations parce qu' il
ne subit pas le retard de la transmission du satellite, ni l'extra que l’on
retient pour tous ceux qui s’y relient en dehors des États Unis.
9. « A quoi cela servira-t-il ? Je crains le
pire. Avec une dixième partie de la capacité de ce câble
(celui de la Guaira à Siboney) on pourrait dévier à la
Havane toutes les conversations téléphoniques vénézuéliennes,
fixes et mobiles, pour les filtrer et les épier. »
Autre spéculation absurde. Ce type de technologie d’exploitation
de données hautement sophistiquée est la propriété
presque exclusive des USA. Il y a assez de documentation qui prouve que les
USA sont le seul pays ayant la capacité de traiter chaque année
9000 milliards de courriers électroniques, des milliards d'appels sur
des mobiles et autant sur les fixes qui passent par les serveurs de ces pays,
où l’on contrôle 90 pour cent des transmissions par Internet.
The New York Times a expliqué que les USA peuvent le faire "grâce
au fait que l'Agence de Sécurité Nationale a une influence énorme
sur les entreprises de télécommunications, qui sont obligées
de coopérer dans des affaires de renseignement En toute discrétion
et grâce à des ordres présidentiels au nom de la guerre
contre le terrorisme, les fonctionnaires di renseignement étasuniens
accèdent aux grands noeuds de transit de la communication de toute la
planète." (6) Un expert comme Pasquali doit être parfaitement
informé de cela.
Notes:
1) http://www.lavanguardia.es/lv24h/20070613/imp_51361962309.html
2) Pour l'ingénieur Julio Durán Malaver, président de TELECOM
Venezuela, la contrepartie vénézuélienne de l'organisme
cubain TRANSBIT dans la constitution de l'entreprise mixte pour la construction
de ce câble, cette première connexion physique de l’Alternative
Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) - initiative intégrationiste
promue par le président Hugo Chávez, antithèse du projet
annexioniste des USA, ALCA -, ce sera un des piliers fondamentaux d'un réseau
latino-américain qui garantira l'indépendance dans les télécommunications
des nations appartenant à cette convention. Le câble aura deux
bifurcations, une près de Cuba, et une autre près du Venezuela,
qui permettront l'interconnexion avec d'autres pays des Caraïbes et d’Amérique
latine, lesquels pourront ainsi accéder à des services de télécommunications
meilleur marché que ceux qu'offrent les opérateurs privés.
Lilliam Riera : "La connexion avec fibre optique favorisera l’augmentation
de la collaboration"
3) Cette Loi a été approuvée dans le cadre d’ une
autre loi plus étendue et d'une plus grande portée : la Loi d'autorisation
et de défense nationale pour l'année fiscale 1992, ou comme on
l’ a définitivement appelée : Loi d'autorisation de défense
nationale pour l'année fiscale 1993. on peut la télécharger
sur le site du Département du Trésor américain, sous le
titre "amusant" de Loi pour la Liberté de Cuba
4) Frances Robles: 'Cuba a recours à des avertissements pour réguler
l’Internet ' The Miami Herald. Octobre 20, 2006
5) “Nous autres Cubains nous avons une intelligence spéciale pour
apprendre l’informatique”.
6) James Risen. State of War: The Secret History of the CIA and the Bush Administration,
Simon & Schuster; Free Press, January 2006.
7) Consulter : http://www.cubavsbloqueo.cu/Default.aspx?tabid=775
8) Il s'agit de l'entreprise Information and Technology Enterprise (INTESA),
qu'intégrait Pétrole du Venezuela (PDVSA) et la transnationale
étasunienne Applications International Corporation (SAIC), pour contrôler
toute l'information de l'entité étatique vénézuélienne.Ce
fut un projet promu par ceux qui faisaient partie de que l’on appelait
«La liste suprême» de PDVSA et elle a mis entre les mains
de SAIC, quii est une façade pour un organisme de sécurité
US, toute l'information de la plus grande entreprise pétrolière
du monde. Son capital initial a été apporté par le Venezuela,
qui a seulement eu, toutefois, droit à à 40 pour cent des actions.
Pour justifier pareille"affaire", l’on a dit que dans ce cadre
les coûts d’informatique diminueraient drastiquement; mais cela
n’a pas été le cas. SAIC a demandé à son partenaire,
PDVSA, environ 80 millions de dollars chaque année. INTESA non seulement
contrôlait toute l'information vitale de PDVSA, mais de plus l’utilisait
et pouvait intervenir à volonté et sans scrupules. Ses serveurs
hébergeaient toutes les données financières, techniques,
budgétaires et d'affaires de l'entreprise. Pendant le lockout pétrolier
de 2002-2003, INTESA a été le principal acteur dans le sabotage
de l'industrie pétrolière. PDVSA a décidé de ne
pas renouveler le contrat à son terme et SAIC a porté plainte
pour expropriation, ce qui a été ratifié par l'OPIC, mais
a été rejeté par le gouvernement vénézuélien.
Voir: “Caso INTESA: Preguntas y respuestas”.
URL de cet article : http://www.tlaxécala.es/pp.asp?reference=3069&lg=fr
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