Sri Lanka: la dÉfaite des Tigres, encore un revers pour
l’empire
Ernesto Carmona
En trois décennies de guerre, les Tigres Tamoul pour la libération
du Eelam (LTTE en anglais) ont gouverné 25% des 65.000 km² du pays de 22 millions
d’habitants. Avec artillerie, tanks, navires et avions ils contrôlent pistes,
dépôts de combustibles, fabriques d’armement, centres administratifs, police
et tribunaux. ,
proclamait le président Mahinda Rajapakse le 19 mai devant le parlement. « Quand
j’ai gagné les élections présidentielles en 2005 - ajouta-t-il - au nord et
à l’est il y avait des postes de police et des tribunaux des Tigres Tamoul :
il leur manquait juste un parlement ».
On aurait tendance à sympathiser avec les guérilleros. Généralement
se sont « les bons ». Mais dans
le cas du Sri Lanka définitivement ce sont « les
mauvais ». Le LTTE bénéficia de la propagande et de la désinformation
de la grande presse, de la sympathie de la France, de l’Angleterre et des U.S.A
qui voudrait là une base de la 7ème Flotte. Les U.S.A cherchent aussi une base
de l’OTAN dans l’Océan Indien, leurs forces étant déjà dans le Golfe Persique.
Le Sri Lanka a une position clé car située dans l’un des principaux couloirs
maritimes de l’Océan Indien, sur ses routes transitent 70% du total du trafic
maritime mondial de produits pétroliers et la moitié du trafic de containers
du monde.
Ceylan est devenue une République en 1972 (le 22 mai) et changea
de nom reprenant l’ancienne dénomination de Sri Lanka.
Depuis son indépendance de l’Angleterre, en 1948, le Sri Lanka a eu des gouvernements
pro-occidentaux de droite, le Parti National Uni (UNP), maintenant dans l’opposition.
Ce parti a gouverné peu de temps après l’indépendance et jusqu’à 1956, et ensuite
à nouveau entre 1977 et 1994.
« C’est pour ça que, en 1987, l’Inde insista
sur l’échange de lettres entre les deux chefs d’état dans lesquelles le Sri
Lanka s’engage à ne pas permettre une présence militaire étrangère au Sri Lanka »,
affirma à Argenpress Tamara Kunanayakam, ambassadrice du Sri Lanka à Cuba.
Aujourd’hui le Sri Lanka se définit comme une république
démocratique socialiste.
Le Sri Lanka a reconnu la révolution cubaine en juillet 1959,
alors qu’il s’appelait Ceylan et qu’une coalition nationaliste de gauche gouvernait,
conduite par le premier ministre S.W.R.D. Bandaranaike, cofondateur du Mouvement
des Pays Non Alignés. Le 7 août 1959 Che Guevara arriva à la tête d’une mission
spéciale.
L’ambassadrice Kunanayakam dit : « Le gouvernement est
une alliance de centre gauche de divers partis, où le principal est le Social
Démocrate du président [Rajapakse], et dans cette coalition on trouve aussi
le parti Communiste, le Trotskiste et le Socialiste, ainsi que d’autres partis
de gauche et nationalistes ».
Et elle souligne que la priorité « est de préserver notre
souveraineté, indépendance et intégrité territoriale, ainsi que de replacer
les 260.000 déplacés par le conflit. De même, la priorité du gouvernement est
maintenant aussi la réhabilitation, la reconstruction de l’économie, des réservoirs
d’arrosage et de l’infrastructure, renverser la perte de moyens de subsistance,
la restauration des institutions démocratiques, les élections provinciales dans
le nord et l’initiation d’un dialogue plus ample entre les peuples de toutes
les communautés à la recherche d’une solution politique durable de la question
nationale ».
Histoire progressiste
Le Sri Lanka octroya le droit de vote aux femmes en 1931,
avant son indépendance. Aucun gouvernement n’a jamais accepté de bases étrangères,
engagement consacré -en plus- dans un traité de 1987 avec l’Inde, qui oblige
même le Sri Lanka à vérifier régulièrement que les installations de radiodiffusion
autorisées à la Voix de l’Amérique des U.S.A et à la germanique Deutsche Well,
soient utilisées seulement pour des desseins civils, jamais avec des buts militaires
ou de renseignements.
Les symptômes de séparatisme style Kosovo germèrent dans les
années septante. Les Tigres ont ouvertement fait usage de méthodes terroristes
: assassinat du premier ministre de l’Inde Rajiv Gandhi, en 1991, et de la présidente
du Sri Lanka Ranasinghe Premadasa, en 1993, entre autres nombreux crimes. Ils
n’ont jamais présenté un programme politique. Simplement, ils voulaient séparer
le nord-est, où se trouve la baie Trincomalee, la plus désirée par les U.S.A
comme base navale, et un environnement au grand potentiel de réserves de pétrole
appelé Cuenca Cauvery.
La grande presse internationale présenta le conflit comme
étant purement « ethnique », en effet les séparatistes faisaient référence
aux Tamoul, nombreux en Inde mais avec une présence de seulement 12% au Sri
Lanka, et qui d’ailleurs n’ont pas totalement adhéré au LTTE mais en ont plutôt
souffert subissant leur oppression. (Fortuitement, l’ambassadrice au Cuba est
Tamoul). Dans le territoire sous contrôle « Tigre » il y eut persécutions
et tueries de dissidents et de gauchistes, en même temps que fut imposé le recrutement
obligatoire d’enfants.
L’Agence Internationale de Développement des U.S.A (USAID
en anglais) envoyait de « l’aide » pour enseigner le « gouvernement
local » au LTTE, qui a pratiqué le « nettoyage ethnique » quand,
en octobre 1990, il a expulsé plus de 75.000 musulmans de la province du Nord,
leur donnant seulement 48 heures pour partir et sans leur permettre d’emporter
le moindre bien.
Pendant que la guerre civile reprenait, la grande presse n’a
prêté aucune attention aux atrocités des Tigres, ni au recrutement forcé d’enfants
à la sortie des écoles. Ni les organisations des droits de l’homme ni les ONG
« humanitaires » se sont préoccupés des mères qui amenaient leurs
filles mineures à être enceintes précocement afin d’échapper aux Tigres. Un
certain journalisme exploita un certain filon de « paradis de prostitution
infantile » qu’il a cru trouver dans le tourisme et de temps en temps,
de grands médias, comme La Segunda au Chili, montraient une photo d’agence d’un
avion de la guérilla, « cas unique dans le monde ».
Quand le LTTE commença à perdre, « les pouvoirs occidentaux »
initièrent la pression pour « un cessez le feu » qu’ils n’ont sollicité
ni au Pakistan ni en Irak. Une fois la défaite des Tigres consumée, ils ont
manifesté de l’intérêt pour les déplacés par la guerre et ils ont même menacé
d’amener le président Rajapakse devant le Tribunal Pénal International, comme
jamais ils n’ont eu l’idée de le faire avec George Bush mais bien avec le chef
d’état du Soudan, Omar al-Beshir, à cause du Darfour, un autre conflit séparatiste
préfabriqué. Les 47 membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont tranché
ces intrigues le 27 mai avec une résolution favorable au Sri Lanka appuyée par
29 pays, avec 12 votes contre et 6 abstentions.
La résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a
fait l’éloge des mesures adoptées par le Sri Lanka pour résoudre les besoins
urgents des déplacés et a appuyé l’engagement continu du gouvernement dans la
promotion et protection de touts les droits de l’homme, l’exortant à ce qu’il
continue à respecter ses obligations et les normes légales internationales sur
le sujet.
Les votes en faveur sont de : Angola, Azerbaïdjan, Bahreïn,
Bangladesh, Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Cameroun, Chine, Cuba, Djibouti,
égypte, Ghana, Inde, Indonésie, Jordanie, Madagascar, Malaisie, Nicaragua, Nigeria,
Pakistan, Philippines, Qatar, Russie, Arabie Saoudite, Sénégal, Afrique du Sud,
Uruguay et Zambie.
Contre la résolution s’alignèrent : Bosnie-Herzégovine, Canada, Chili, France,
Allemagne, Italie, Mexique, Hollande, Slovaquie, Slovénie, Suisse et Royaume
Uni. Se sont abstenu Argentine, Gabon, Japon, Îles Maurice, Corée du Sud et
Ukraine.
L’ambassadrice à Cuba, Tamara Kunanayakam, expliqua que l’objectif
initial des pays occidentaux était de sanctionner le Sri Lanka pour de supposés
crimes de guerre et de convoquer à une enquête internationale. Avant que ne
soit présentée leur résolution, le Sri Lanka avait obtenu l’appui du Mouvement
des Pays Non Alignés présidé par Cuba et avec l’appui de l’égypte - prochain
président du mouvement - de l’Inde et du Pakistan, présenta un projet
de résolution qui en définitive salua la fin de la guerre et la libération par
le gouvernement de dizaines de milliers de citoyens qui furent maintenus contre
leur volonté comme otages du LTTE.
L’accord a aussi réaffirmé le respect de la souveraineté,
l’intégrité territoriale, l’indépendance du Sri Lanka et son droit souverain
de protéger ses citoyens et combattre le terrorisme, et a reconnu que la promotion
et protection des droits de l’homme doit se baser sur le principe de coopération
- et non de confrontation - et le véritable dialogue. Pour l’ambassadrice Kunanayakam
« c’est un texte qui confirme les principes de la Charte des Nations Unies
pour les relations d’amitié et de coopération entre les états sur base de l’égalité
souveraine, l’indépendance, l’intégrité territoriale, la non ingérence dans
les affaires internes des états et le droit des peuples à la libre détermination ».
Jeux d’Équilibre
Les gouvernements antérieurs n’ont pas pris la guerre au sérieux,
ils n’étaient pas non plus « intéressés à la résolution de la question
nationale vu qu’ils pouvaient utiliser les Tamoul comme prétexte à leurs échecs
dans les politiques économiques et sociales, la politique coloniale de diviser
pour régner continua » afin de gagner du pouvoir et de se maintenir au
gouvernement.
Au début de cette année, le gouvernement du président Mahinda
Rajapakse a atteint les premiers succès militaires mais alors plusieurs chefs
d’état occidentaux ont essayé de le dissuader. « Il y en eu qui m’ont
dit que notre chef militaire ne pouvait même pas diriger l’Armée du Salut »
dit Rajapakse devant le parlement le 22 mai. Il a ajouté que quelques chefs
d’Etat ont dit que par contre le chef du LTTE était bien plus habile dans la
guerre de guérillas, qu’il avait vaincu beaucoup de commandants militaires,
qu’il avait force et expérience, et donc nous ne devions pas aller en guerre
contre eux : ils voulaient que l’on donne au LTTE ce qui était déjà divisé ».
Le président Rajapaksa s’est appuyé sur des cadres clefs de
confiance, comme ses frères Gotabaya - ministre de Défense - et Basil - son
conseiller et parlementaire - ainsi que le chef de l’armée, Saratrh Fonseca
et d’autres chefs militaires, des forces navales, aériennes et de police.
Pour l’ambassadrice Tamara Kunanayakam, « la majeure
préoccupation des U.S.A et de ses alliés c’est d’obtenir le contrôle des couloirs
stratégiques. Le Sri Lanka en est un ! »
Citant « Le grand échiquier » de Zbigniew Brzezinski, conseiller d’Obama
et cofondateur de la Commission Trilatérale (avec Nelson Rockefeller) elle dit
à PF : « le pays qui contrôlera .l’Eurasie contrôlera le monde. L’Eurasie
a près de 75% de la population du monde, la plus grande part des richesses physiques
- dans ses entreprises et sous le sol -. La région contient aussi près des trois
quarts des ressources énergétiques connues du monde : « Il est impératif
que n’apparaisse aucun défi eurasien capable de dominer l’Eurasie, parce qu’il
défiera aussi les U.S.A » dit Brzezinski dans l’introduction de son livre »
précise la diplomate.
L’ambassadrice Kunanayakam fit référence à l’important potentiel
de réserves de pétrole du Sri Lanka et à sa situation stratégique pour le commerce
du pétrole. « Les informations satellites signalent que nous partageons
avec l’Inde les gisements de la Cuenca de Cauvery bien que le Sri Lanka en possède
la plus grande partie » dit-elle. « Nos principaux gisements de pétrole
se trouvent au nord du pays, au nord de la ligne droite imaginaire qui uni Chilaw
à l’ouest avec Trincomalee à l’est » ajoute-t-elle. « Les études du
Service de Géologie des U.S.A confirment que le Sri Lanka possède une des majeures
réserves de pétrole du sud-est asiatique ». Elle précise que « l’Inde
satisfait 60% de ses besoins pétroliers de la même réserve de la Cuenca de Cauvery ».
La colère des « pouvoirs occidentaux » s’exprime
dans une campagne médiatique similaire à celle que subissent Iran, Bolivie,
équateur, Nicaragua et Venezuela entre autres. Mais le Sri Lanka déploie un
habile équilibre diplomatique, même avec des nations rivales entre elles, comme
l’Inde et la Chine, sans exclure la Russie, l’Iran et ses voisins asiatiques.
Entre-temps, l’ex-diplomate indien M.K. Bhadrakumar, spécialisé en géopolitique
eurasiatique, prédit qu’en peu d’années la Chine aura, dans ces mers, plus de
navires que les U.S.A.
En ce moment Beijing construit un port d’un milliard de dollars
à Hambantota, au Sud stratégique de l’île, qui éventuellement approvisionnera
en combustible et apportera une station de transit à la marine de guerre qui
patrouille l’Océan Indien et protège les routes maritimes de la Chine dans ces
mers. Mais ça c’est déjà une autre histoire.
Source : Argenpress
Carte: Argenpress
Traduit par Karen Bellemans pour Investig’Action.
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