La révolte afghane fracasse le mythe de Bush
Worker's World (USA)
Publié dans Workers World, le 31 mai 06
Ce que firent l’« accident » et la révolte
qui s’ensuivit, c’est proprement balayer le mythe de la stabilité
politique créé de toutes pièces par Washington à
propos de son gouvernement fantoche à Kaboul.
Non, la situation ne sera pas résolue en réglant
les freins des camions américains. Pas plus que les nouvelles forces
de l’Otan censées remplacer d’ici peu les troupes américaines
n’amélioreront pas la situation. Et cette dernière ne s’en
trouvera pas mieux non plus si on parvient à prouver que les militaires
américains n’ont pas ouvert le feu avant qu' on ne leur ait
tiré dessus – ce qui est douteux, de toute façon. Et la
création de quelques petits boulots pour les jeunes Afghans sans travail
ne conquerra certainement pas non plus les cœurs et les esprits de la population.
La majorité des 24 millions d’Afghans affamés
haïssent l’occupation américaine et ce ne sont pas quelques
miettes qui leur feront changer d’avis.
Cette histoire n’a pas débuté le 28 mai.
Cela fait des décennies que l’impérialisme américain
intervient en Afghanistan et, depuis toujours, aux dépens de la population
locale. Oubliez la propagande de Washington qui s’acharne sur l’«
intégrisme islamiste » et les seigneurs de guerre locaux. après
que ce pays eut connu une révolution, en 1978, Washington avait alimenté
la réaction des chefs religieux et seigneurs de guerre à coups
de milliards de dollars en argent et en armes afin qu' elle chasse un régime
progressiste qui avait l’audace d’alphabétiser les femmes
et de promouvoir les droits de la paysannerie. Ceci incita le gouvernement hostile
à la féodalité à demander l’aide soviétique,
mais cela ne fit guère le poids face à l’armée par
procuration de Washington.
après le départ des troupes soviétiques
et le bain de sang des années 90 dans lequel furent noyés les
vestiges de la révolution de 1978, l’Afghanistan fut dirigé
par des seigneurs féodaux en proie à des rivalités permanentes.
Ceux-ci furent ensuite évincés par les Taliban, soutenus par le
Pakistan. Au début, Washington accueillit favorablement ce changement.
Toutefois, l’invasion américaine de 2001, prétendument dirigée
contre les forces d’al-Qaïda d’Oussama ben Laden, allait mettre
les Taliban sur la touche pour en arriver à la situation actuelle.
Le mythe de la Maison-Blanche prétend qu' à
Kaboul, un gouvernement central démocratiquement élu dirige légitimement
le pays mais qu' il est confronté, dans certaines provinces éloignées,
à une « révolte des Taliban » dirigée par des
« terroristes » et que les troupes américaines et celles
de l’Otan aident le gouvernement à contrôler et vaincre enfin
ces mêmes « terroristes ».
La vérité – et c’est ce que la révolte
du 28 mai a contribué à clarifier –, c’est que les
seigneurs féodaux, forts d’un trafic de l’opium grandement
encouragé par les États-Unis, dirigent les diverses provinces,
que la « révolte des Taliban » se développe en un
mouvement de résistance nationale contre l’occupation étrangère
et que la plupart des Afghans considèrent les troupes américaines
et celles de l’Otan comme une force d’occupation brutale et arrogante.
Hamid Karzai, un ancien directeur de la société américaine
d’énergie, Unocal, est censé être le président
du pays tout entier mais cela fait un bout de temps qu' on ne le surnomme
plus que le « maire de Kaboul ».
Le Pentagone de Rumsfeld pensait qu' avec sa tactique
du « shock and awe » (ébranlement et terreur), sa version
très 21e siècle de « quelques coups de semonce »,
il allait pouvoir diriger le monde. Il n’est même pas capable de
diriger Kaboul et la date du 28 mai 2006 sera désormais considérée
comme un tournant en ce sens.
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