Ambitions anglo-américaines et déstabilisation
du Pakistan derrière l'assassinat de Benazir Bhutto
Larry Chin
Article original en anglais, « Anglo-American Ambitions
behind the Assassination of Benazir Bhutto and the Destabilization of Pakistan
» Mondialisation.ca
08/01/2008.
Traduction Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org
Pour semer le Chaos, un prétexte « Apporter la
démocratie au monde musulman » c'est la rhétorique Orwellienne
utilisée pour masquer l'utilisation par Bush-Cheney de la pression et
de la force, leur tentative dramatique de modifier le gouvernement pakistanais
pour en faire une coalition Bhutto/Sharif – Musharraf, et les plans en
coulisse pour une intervention militaire. Différents plans de déstabilisation
américains, connus de responsables et d'analystes, proposaient de renverser
le pouvoir militaire au Pakistan.
L'assassinat de Bhutto semble avoir été anticipé.
On a même rapporté qu'il y avait eu des « bavardages »
parmi les responsables US sur de possibles assassinats, soit de Pervez Musharraf
soit de Benazir Bhutto, bien avant que les tentatives récentes n'aient
eu lieu.
Comme Jeremy Page l'a succinctement résumé dans son article
« Qui a tué Benazir Bhutto ? Les principaux suspects» , les
principaux suspects sont :
1) « des militants pakistanais
et étrangers islamistes qui voyaient en elle une hérétique
et un larbin des américains » et
2) L'ISI (Inter-Services Intelligence – services secrets pakistanais ndlt),
en fait une branche de la CIA. Le mari de Bhutto Asif Ali Zardari a accusé
l'ISI d'avoir été impliqué dans l'attaque d'octobre.
L'assassinat de Bhutto a été comme prévu imputé
à « Al Qaeda » sans qu'on mentionne le fait qu'Al Qaeda elle-
même est une opération des services de renseignements anglo américains.
L'article de Page a été l'un des premiers à nommer l'homme
qui a maintenant été visé comme étant le principal
suspect : Baitullah Mehsud, un prétendu militant Taliban combattant l'armée
pakistanaise à partir du Waziristan. Des rapports conflictuels établissent
un lien entre Mehsud « Al Qaeda », le Taliban Afghan, et le Mullah
Omar. D'autres analystes établissent un lien entre lui et le terroriste
A.Q. Khan.
Le profil de Mehsud et la façon dont on parle de lui font écho
à la manière dont la propagande traite tous les « terroristes
» post 11 septembre. Ceci renvoie à son tour aux questions habituelles
sur l'implication de la propagande des services secrets anglo –américains.
Est –ce que Mehsud est lié au ISI ou à la CIA ? Que connaissaient
la CIA et l'ISI sur Mehsud ? Plus important, est ce que Mehsud, ou la manipulation
de la propagande l'entourant, fournit à Bush-Cheney un prétexte
pour une agression future dans la région ?
Propagande classique de la « guerre contre le terrorisme
»
Alors que des détails de l'assassinat de Bhutto continuent
d'être révélés, ce qui est clair c'est que c'était
un coup politique, du même type que celui de l'agent US Rafik Hariri au
Liban. Comme le coup très suspect d'Hariri, l'assassinat de Bhutto a
été décrit par les médias de masse comme étant
le martyr d'une grande messagère de la « démocratie »
à l'Occidentale. Pendant ce temps, les actions brutales dans les coulisses
du gouvernement US ont reçu peu d'attention.
Le 28 décembre 2007, la manière dont le New York
Times a couvert l'assassinat de Bhutto offre l'exemple parfait de la distorsion
Orwellienne par les medias de masse dissimulant, derrière l'écran
de fumée de la propagande, de manière flagrante, la vérité
sur l'agenda de Bush-Cheney. Cet article fait écho à la rhétorique
de la Maison Blanche proclamant que les principaux objectifs de Bush sont d'
»amener la démocratie au monde musulman » et « de chasser
les militants islamistes ».
En fait, l'administration ouvertement criminelle de Bush -
Cheney n'a seulement soutenu et promu que l'antithèse de la démocratie
: chaos, fascisme, et l'installation de régimes fantoches amis des anglo
américains.
En fait, la géostratégie centrale et constante
de Bush-Cheney, et de leurs homologues - élites partout dans le monde,
c'est d'imposer continuellement et d'étendre la « guerre contre
le terrorisme » fabriquée ; continuer la guerre à travers
le continent eurasien, avec des évènements déclenchés
par des opérations sous faux pavillon, et des prétextes fa briqués.
En fait, les principaux outils utilisés dans la « guerre contre
le terrorisme » reste les militants islamistes, travaillant pour le compte
des agences de renseignements militaires anglo américains – parmi
eux « Al Qaeda », et l'ISI au Pakistan. Mehsud rentre dans ce profil.
Sauver le Pakistan de Bush-Cheney.
Dans une citation du même article du NYT, Wendy Chamberlain,
l'ancien ambassadeur US au Pakistan (et un personnage central derrière
les efforts multinationaux pour construire un pipeline trans-afghan, en lien
avec le 11 septembre) déclare fièrement : « Nous sommes
acteurs dans le système politique pakistanais. »
Non seulement les US ont continué à être « acteur
» mais l'un des dirigeants au sommet pendant des décennies.
Chaque dirigeant pakistanais depuis le début des années
90 - - - Bhutto, Sharif, et Musharraf - - - se sont soumis aux intérêts
de l'Occident. L'ISI est en fait une branche de la CIA.
Tandis que Musharraf a été, et reste, un homme fort pour Bush-Cheney,
des questions sur sa « fiabilité » et le contrôle –
à la fois le contrôle du régime sur la populace et sur l'agitation
populaire croissante, et le contrôle de l'élite sur son régime
- - - sont à l'origine des tentatives de pression maladroites de Bush
– Cheney pour la mise en place d'un gouvernement de partage de pouvoir
(pro US du type irakien). Comme l'a noté Robert Sheer, Bush-Cheney ont
joué à « la Roulette Russe » avec Musharraf, Bhutto
et Nawaz Sharif - - - chacun d'entre eux ayant été l'avant-garde
consentante et profondément corrompue des US.
Le retour à la fois de Bhutto et de l'autre ancien
premier ministre, Nawaz Sharif, a simplement été une tentative
des USA pour couvrir leurs paris sur les pouvoirs régionaux.
Qu'est ce que John Negroponte et Condoleeza Rice mettaient
vraiment en place ces derniers mois ?
Qui profite de l'assassinat de Bhutto ? La « guerre contre
le terrorisme » l'environnement géostratégique et de propagande,
le projet d'imposer une guerre permanente mondiale utilisé par les intérêts
de l'élite après le 11 septembre, tout ceci bénéficie
clairement de l'assassinat de Bhutto. Bush-Cheney et leurs homologues également
complices, pro guerre/pro occupation, au sein du parti Démocrate qui
soutiennent avec enthousiasme l'utilisation routinière du mot «
terreur », prétexte pour imposer une politique de guerre continuelle.
Sont de nouveau la cible de la rhétorique politique
de Washington, l'énoncé : peur, « terrorisme », «
sécurité » et force militaire, et cela fait également
partie du barrage médiatique 24h sur 24.
Les candidats à la présidentielle US de 2008 et leurs élites
de conseillers pour la campagne, tous sans exception soutenant avec enthousiasme
la « guerre contre le terrorisme », ont, chacun à leur tour,
présenté leur version respective de la rhétorique «
nous devons stopper les terroristes »devant leurs supporters confus. Les
candidats dont les sondages chutaient, avec à leur tête le participant
au 11 septembre l'opportuniste Rudy Guiliani, et le faucon néo libéral
Hillary Clinton, ont déjà bénéficié d'une
nouvelle vague de frayeur de masse.
Musharraf profite de la disparition d'une rivale sérieuse,
mais doit maintenant trouver une manière de rétablir l'ordre.
Musharraf a maintenant une justification idéale pour réprimer
les « terroristes » et imposer totalement la loi martiale, avec
Bush-Cheney travaillant dans l'ombre derrière Musharraf - - - continuant
de manipuler ou de remplacer son appareil, si Musharraf s'avère être
trop peu fiable ou incapable de satisfaire les plans de Bush-Cheney.
On ne peut pas sous estimer la probable implication de l'ISI derrière
le coup contre Bhutto. Le rôle de l'ISI derrière chaque acte majeur
de « terrorisme » depuis le 11 septembre, reste la vérité
centrale non dite derrière les réalités actuelles géopolitiques.
Ni Sharif ni Musharraf, mais Bhutto, aurait menacé les agendas de l'ISI.
Bhutto, l'Islam militant et les pipelines.
Maintenant qu'elle est devenue martyr, de nombreux faits historiques
peu flatteurs sur Benazir Bhutto seront cachés et oubliés.
Bhutto elle –même a été intimement
impliquée dans la création du milieu de la vraie « terreur«
intentionnellement responsable de son assassinat. Tout au long de sa carrière
politique, elle a soutenu les militants Islamistes, les Talibans, l'ISI, et
les ambitions des gouvernements occidentaux.
Comme l'a noté Michel Chossudovsky dans « la guerre
contre le terrorisme » de l'Amérique, c'est pendant le second mandat
de Bhutto que Jamiat-ul-Ulema-e-Islam (JUI) et les Talibans ont accédé
au pouvoir, accueilli dans le gouvernement de coalition de Bhutto. C'est à
ce moment là que les liens entre le JUI l'armée et l'ISI ont été
établis.
Alors que la relation de Bhutto avec à la fois l'ISI
et les Talibans ont été mouvementées, c'est clair que Bhutto,
alors qu'elle était au pouvoir, a soutenu les deux - - - et a soutenu
avec enthousiasme les interventions anglo américaines.
Dans ses deux livres de référence, «Taliban:
Militant Islam, Oil « et « Fundamentalism in Central Asia and Jihad:
The Rise of Militant Islam in Central Asia, » Ahmed Rashid détaille
amplement les connections du régime de Bhutto avec l'ISI, les Talibans,
« l'Islam militant », les intérêts des multinationales
du pétrole, et les responsables anglo américains et les agents
des services de renseignement.
Dans Jihad, Rashid a écrit : « Ironiquement, ce
n'est pas l'ISI, mais la premier ministre Benazir Bhutto, la dirigeante la plus
libérale, la plus séculière dans l'histoire récente
du Pakistan, qui a donné le coup de grâce à une nouvelle
relation avec l'Asie Centrale. Plutôt que de soutenir une processus de
paix plus étendu en Afghanistan, Bhutto a soutenu les Talibans, dans
le cadre d'une politique irréfléchie et présomptueuse pour
créer un nouveau commerce tourné vers l'Occident et une route
pour le pipeline du Turkménistan à travers le sud Afghanistan
jusqu'au Pakistan, pour lequel les Talibans assureraient la sécurité.
Bientôt l'ISI a soutenu cette politique parce que son protégé
Afghan Gulbuddin Hekmatyar n'avait fait aucun progrès pour capturer Kaboul,
et les Talibans semblaient être assez forts pour le faire. »
Sur les Talibans, Rashid a même fourni un détail
historique :
«Quand Bhutto a été élue premier
ministre en 1993, elle a ouvert une route à l'Asie Centrale. Une nouvelle
proposition a émergé fortement soutenue par le transport pakistanais
frustré et la mafia dirigeant la contrebande, le JUI et l'armée
Pashtoun et les responsables politiques ».
« Le gouvernement de Bhutto a complètement soutenu
les Talibans, mais l'ISI restait sceptique sur leurs capacités, convaincu
qu'ils resteraient utiles mais comme force périphérique dans le
sud. »
« Le Congrès US a autorisé un budget clandestin
de 20 millions de dollars pour la CIA pour déstabiliser l'Iran, et Téhéran
a accusé Washington de faire passer ces fonds aux Talibans - - - une
accusation toujours niée par Washington. Bhutto a envoyé plusieurs
émissaires à Washington pour presser les US d'intervenir plus
publiquement en prenant partie pour le Pakistan et les Talibans. »
Une erreur de Bhutto : elle a soutenu avec véhémence
le pipeline proposé par la compagnie pétrolière d'Argentine
Bridas, et s'est opposée au pipeline d'Unocal (ayant la faveur des US).
Ceci a contribué à ce qu'elle soit chassée du pouvoir en
1996, et au retour au pouvoir de Nawaz Sharif. comme l'a noté Rashid
:
« après la chute du gouvernement de Bhutto en
1996, le nouveau premier ministre élu Nawaz Sharif, son ministre du pétrole,
Chaudry Nisar Ali Khan, l'armée et l'ISI ont complètement soutenu
Unocal. Le Pakistan voulait un soutien plus direct des US pour les Talibans
et a pressé Unocal de commencer rapidement la construction pour légitimer
les Talibans. A la base, les US et Unocal ont accepté l'analyse et objectifs
de l'ISI - - - que la victoire des Talibans en Afghanistan rendrait plus facile
le travail d'Unocal et rendrait plus rapide la reconnaissance US. »
Sans nier son image attirante et pro occidentale, le réel
bilan de Bhutto c'est celui de la corruption et de l'accommodation.
Dans la « guerre contre le terrorisme », chaque
crime majeur géostratégique anglo américain a été
précédé d'un prétexte arrangeant, orchestré
et mené par des proxies « terroristes » directement ou indirectement
connectés aux services de renseignement militaire US, ou manipulés
pour agir comme atouts pour les renseignements. L'assassinat de Benazir Bhutto
est simplement un exemple brutal de plus.
Ce fut le 11 septembre du Pakistan ; l'assassinat de JFK du
Pakistan, et son impact résonnera pendant des années.
Contrairement aux informations colportées par les médias
traditionnels, le chaos profite à la « guerre contre le terrorisme
» de Bush-Cheney. Des appels pour « augmenter la sécurité
dans le monde » paveront la voie à une réaction US musclée,
une force menée par les US et d'autres formes pour « sévir
» dans la région de la part de Bush Cheney. En d'autres termes,
l'assassinat aide à faire en sorte que non seulement les US ne partent
pas mais accroîssent leur présence.
L'élection pakistanaise, si elle a lieu, est un double
choix plus simple : pro US Musharraf ou pro US Sharif.
Alors qu'on a des résultats mitigés concernant
le succès de l'agenda de Bush –Cheney, et qu'il a rencontré
une large palette de résistance ( « terroristique » de même
que politique) il n'y a aucun doute que les fondations de la « guerre
contre le terrorisme » sont restées fermes, inébranlées
et systématiquement réinforcées.
En ce qui concerne Nawaz Sharif qui émerge maintenant
comme le seul rival de Musharraf, lui, comme Musharraf et Bhutto, est connu
pour son accommodation aux intérêts anglo américains- -
- pipelines, commerce, et la présence militaire continuelle US. Comme
le note Jean Charles Brisard et Guillaume Dasquié dans le livre Forbitten
Truth, le coup militaire d'octobre 1999, conduit par Musharraf, qui a renversé
le régime de Sharif a été provoqué par l'animosité
entre les deux camps, de même que la « corruption personnelle de
Sharif et sa mégalomanie » et des « inquiétudes que
Sharif se pliait avec trop d'empressement au son de la politique de Washington
concernant le Cashmir et l'Afghanistan. »
En d'autres termes, Bush-Cheney gagnent, peu importe
quel atout se retrouve sur le trône.
transmis par www.michelcollon.info
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