La CIA, Al Qaida et la Turquie au Xinjiang et en Asie centrale
Lors d'une interview à l'émission radio Mike Malloy radio show,
l'ancienne traductrice pour le FBI, très connue aux Etats-Unis Sibel
Edmonds a raconté comment le gouvernement de son pays a entretenu
des « relations intimes » avec Ben Laden et les talibans, «
tout du long, jusqu'à ce jour du 11 septembre (2001). » Dans «
ces relations intimes », Ben Laden était utilisé pour des
«opérations» en Asie Centrale, dont le Xinjiang en Chine.
Ces «opérations» impliquaient l'utilisation d'al-Qaida et
des talibans tout comme « on l'avait fait durant le conflit afghano-soviétique
», c'est à dire combattre «les ennemis» par le biais
d'intermédiaires.
Comme l'avait précédemment décrit Mme Edmonds, et comme
elle l'a confirmé dans cette interview, ce procédé impliquait
l'utilisation de la Turquie (avec l'assistance d'acteurs provenant du Pakistan,
de l'Afghanistan et de l'Arabie Saoudite) en tant qu'intermédiaire, qui
à son tour utilisait Ben Laden et les talibans comme armée terroriste
par procuration.
Selon Mme Edmonds :
« Ceci a commencé il y a plus de dix ans, dans le cadre d'une
longue opération illégale et à couvert, menée en
Asie centrale par un petit groupe aux États-Unis. Ce groupe avait l'intention
de promouvoir l'industrie pétrolière et le Complexe Militaro-Industriel
en utilisant les employés turcs, les partenaires saoudiens et les alliés
pakistanais, cet objectif étant poursuivi au nom de l'Islam. »
Le journaliste new-yorkais
Eric Margolis, auteur de War
at the top of the World, a affirmé que les Ouïghours, dans
les camps d'entrainement en Afghanistan depuis 2001, « ont été
entrainés par Ben Laden pour aller combattre les communistes chinois
au Xinjiang. La CIA en avait non seulement connaissance, mais apportait son
soutien, car elle pensait les utiliser si la guerre éclatait avec la
Chine. »
L'action des services secrets états-uniens aux côtés des
séparatistes ouïghours du Xinjiang n'est pas seulement passée
par Al-Qaïda mais aussi par le milliardaire turc domicilié
à Philadelphie depuis 1998 Fetullah
Gulen qui finance des écoles islamiques (madrassas) en Asie centrale,
et par Enver
Yusuf Turani, premier ministre autoproclamé du "gouvernement
en exil du Turkestan oriental" (qui est censé englober le Xinjiang
chinois)... basé à Washington. Ces personnalités sont liées
à Morton
I. Abramowitz, directeur du National Endowment for Democracy, qui a joué
un rôle important dans le soutien aux islamistes afghans sous Reagan et
aux milices bosno-musulmanes et kosovares sous Clinton (dans le cadre de l'International
Crisis Group). Le vice-président étatsunien Joe Biden qui s'est
répandu en propos
incendiaires contre la Russie récemment est aussi sur cette ligne.
Cette politique s'inscrit dans le cadre du plan Bernard Lewis à l'origine
supervisé par Zbigniew Brzezinski sous l'administration Carter
qui visait à maintenir un "arc de crise" dans les pays musulmans
d'Eurasie pour faire main basse sur les ressources d'Asie centrale en hydrocarbures.
Certains observateurs
soulignent cependant que vu leur dépendance économique à
son égard et l'intérêt qu'ils peuvent avoir à jouer
la carte de Pékin contre Moscou les Etats-Unis sont voués à
garder officiellement une position modérée sur la politique de
la Chine au Xinjiang (où de violentes manifestations touchent la province
et provoquent la mort d'au moins 140 personnes le 5 juillet dernier) en compensation
de la politique agressive de leurs services secrets dans la zone.
Pékin semble toutefois résolu à contrer les manoeuvres
sécessionnistes sur son territoire, mais aussi à mener une action
plus en profondeur sur le continent eurasiatique. C'est ainsi en tout cas que
Nicolas Bardos-Feltoronyi, contributeur de l'atlas alternatif, analyse le prêt
d'1 milliard de dollars que Pékin serait prêt à consentir
à la Moldavie, pays charnière entre l'Union européenne
et la Russie - un prêt sur 15 ans à un taux d'intérêt
hautement favorable de 3%. Cette aide qui pourrait dissuader Chisinau de se
rapprocher de l'Union européenne s'inscrirait selon l'auteur dans le
cadre d'une coordination accrue des politiques étrangères russe
et chinoise. C'est aussi l'analyse qu'en fait Jean
Vanitier sur son blog.
Autre réplique à l'impérialisme états-unien en Eurasie,
après la Libye, l'Algérie et la Syrie, le président vénézuélien
Hugo Chavez s'est rendu le
7 septembre au Turkménistan, quatrième pays au monde pour
les réserves de gaz après la Russie, l'Iran et le Qatar. Chavez
a proposé à son homologue turkmène Gourbangouly Berdymoukhammedov
d'adhérer au cartel gazier déjà
évoqué sur ce blog. Le Turkménistan, actuellement en
froid avec Moscou, est aussi très courtisé
par l'Union européenne qui souhaite le voir adhérer à son
projet de gazoduc Nabucco, ainsi que par la Chine.
F. Delorca