La montée en puissance de Pékin

Chine . Jacques Chirac n’a pas obtenu des réponses fermes concernant la Corée du Nord et l’Iran. Pékin refuse toute tension qui pourrait enrayer sa croissance.

En quittant samedi la Chine au terme d’une visite d’État de quatre jours qui l’a conduit à Pékin, à Wuhan et à Xian, capitale historique impériale, Jacques Chirac avait sans doute lieu de se féliciter de la bonne santé du partenariat stratégique global entre Paris et Pékin, « au coeur de l’action extérieure de la France », avait-il précédemment explicité. Vendredi soir, il avait confirmé que les relations entre les deux pays n’avaient « jamais été aussi confiantes » sur le plan politique comme économique. Précisant qu' elles seraient « un élément permanent pour les vingt ou trente prochaines années », le président anticipait, au-delà de son mandat, l’avenir du partenariat pour le développement duquel il s’est personnellement et fortement impliqué. D’ores et déjà, l’évolution du poids international de chacun des deux partenaires a pesé sur tout le contenu de ce voyage. « Il y a une proximité sur les affaires internationales, notamment en ce qui concerne la Corée du Nord, l’Iran ainsi que le renforcement de notre coopération dans le domaine de l’État de droit et des droits de l », a assuré le chef de l’État français. Or, ses appels réitérés à la Chine, à propos de la crise du nucléaire nord-coréen et surtout iranien, pour « les mesures nécessaires à prendre quand un pays bafoue ses engagements et menace la paix », n’ont pas reçu un assentiment chinois plein et entier, dit-on de source diplomatique. Côté chinois, on met en avant que les pressions exercées sur Pékin par Washington pour qu' il impose à Pyongyang une marche arrière visent surtout à mettre la diplomatie chinoise en porte-à-faux. On rappelle encore à Pékin que les Nord-Coréens sont eux-mêmes prêts à désamorcer la crise en échange de l’ouverture d’un dialogue direct avec les États-Unis. Ce qu' ils réclament à Bush depuis des années mais dont celui-ci ne veut à aucun prix. Sur le dossier iranien, la réponse chinoise n’est pas encore clairement définie. L’unité des cinq membres du Conseil de sécurité sur le projet déposé par la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, prévoyant des premières sanctions contre Téhéran, n’est pas acquise. D’autant plus, notait encore un diplomate français, que la Russie vient de rejeter ce texte et que Pékin sur cette question tend à s’aligner discrètement sur Moscou.

Comme sur la Corée du Nord, la Chine entend privilégier le dialogue et éviter la confrontation qui la ferait, estime-t-elle, choisir un camp au détriment de l’autre. Elle a toujours cherché à privilégier les relations bilatérales tout en participant aux organisations internationales existantes. Une adhésion qui confirme son rang de puissance incontournable mais qui, selon elle, ne devrait pas faire obstacle à ses propres visées diplomatiques et économiques et surtout enrayer sa croissance économique. Ce qu' elle redoute par-dessus tout. C’est dans cette optique qu' elle perçoit ses relations avec le continent africain, qui suscitent de nombreuses réserves de la part des Occidentaux dont Jacques Chirac s’est aussi fait l’écho : « Tout porte à croire qu' entre la Chine qui monte en puissance et le continent africain toujours en quête de modèle de développement, il y a de solides bases pour former un duo de choc et réaliser un nouvel élan de leur partenariat décidément stratégique », écrit l’agence officielle Chine nouvelle annonçant le prochain sommet sino-africain qui se tient début novembre à Pékin.

Outre deux gros contrats portant sur une commande de 150 Airbus A320 et de 500 locomotives d’Alstom à mettre à l’actif du voyage présidentiel, le chef de l’État français a mis en avant une meilleure « coopération sur l’édification d’un État de droit et sur le respect des droits de l’homme ». « La Chine et la France soulignent la nécessité de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, conformément aux buts et aux principes de la charte de l’ONU, en respectant l’universalité de ces droits », peut-on lire dans la déclaration commune signée à l’issue des entretiens entre les présidents chinois et français.

Dominique Bari

article paru dans L'Humanité du 30 octobre

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