Contre l' austérité en Europe, luttons pour un autre euro !

Tribune, par Paul Boccara, Frédéric Boccara, Yves Dimicoli, Denis Durand, Jean-Marc Durand, Catherine Mills, membres de la commission économie du PCF.

mis à jour le :10 Janvier, 2018

La colère contre l' austérité monte de partout en Europe, mettant en accusation la faillite morale des dirigeants qui, en alternance, prônent la soumission aux exigences des marchés financiers. Le chômage fait rage, frappant de façon brutale et massive les jeunes.

La souffrance sociale terrible fait grandir des illusions de fausse radicalité. D' un côté, comme l' ont confirmé les Grecs eux-mêmes, le refus est majoritaire de sortir de l' euro. Il ne s' agit pas de rester isolé face aux marchés financiers et à la spéculation déchaînée. Mais, d' un autre côté, gronde la protestation contre l' utilisation qui est faite de l' euro, si favorable à la domination des marchés financiers et des grandes banques. D' où les propositions de certains pour sortir de l' euro.

François Hollande répète que la crise de l' euro est finie. Le diagnostic est aussi erroné et trompeur que la promesse d' une inversion de la courbe du chômage en France fin 2013.

Le reniement de celui qui avait promis, « si (il était) élu président », de « renégocier » le traité Merkozy, de « réorienter la BCE », de s' attaquer à son « ennemi » la finance, et de « défendre la croissance » est d' autant plus nocif que la France, à la fois dominée et dominante dans l' Union européenne, occupe une place charnière pour transformer la zone euro. Il se plie devant les exigences d' Angela Merkel et de la finance allemande, tout en prétendant servir les intérêts français. Face à ces blocages, certains agitent l' idée de sortir de l' euro. Cela reviendrait à fuir devant la lutte décisive pour une autre utilisation de celui-ci et de la BCE

C' est une illusion démagogique et dangereuse, pour cinq grandes raisons.

1 – Le commerce extérieur de la France souffre d' un déficit annuel de 60 à 70milliards d' euros. Le retour au franc, qui se ferait alors au prix d' une dévaluation de l' ordre de 25% par rapport à l' euro, entraînerait automatiquement un enchérissement du même ordre du coût de nos importations.

2 – Ce ne serait pas très grave, nous dit-on, parce que, grâce à la dévaluation du franc, nos exportations s' envoleraient. Mais c' est ne pas voir combien la croissance est durablement lente de partout. C' est ne pas comprendre à quel point le surcroît de compétitivité-prix que cela prétendrait donner aux exportations françaises se ferait surtout au détriment de nos partenaires d' Europe du Sud, l' Allemagne voyant au contraire son excédent commercial gonflé par une dévalorisation du travail des Français qui rendra meilleur marché ses importations en provenance de son principal partenaire commercial. Tout cela dans un contexte de spéculation déchaînée. Bref, ce serait là le scénario noir de la surenchère entre dévaluations compétitives et rétorsions protectionnistes qui ferait s' entre-déchirer les pays européens. Ce sont les politiques d' austérité qu' il faut mettre en cause, avec les luttes pour la relance d' une croissance de progrès social que permettraient précisément un autre euro et une autre utilisation de la BCE de façon solidaire.

3 – Notre dette publique a été très internationalisée depuis les années 1980. Aujourd' hui elle est détenue à 60% par des opérateurs non résidents, banques, sociétés d' assurances, fonds de pension… Le retour au franc dévalué entraînerait automatiquement un enchérissement de 25% sur les quelque 1140milliards d' euros de titres de dette détenus hors de France. Exprimés en francs, les intérêts payés bondiraient, alors même qu' ils absorbent déjà quelque 50 milliards d' euros par an ! Par contre, la dévaluation du franc permettrait à des capitaux étrangers, allemands notamment, de mettre la main à très bon compte sur nombre de nos atouts productifs.

4 – La raison la plus importante, c' est qu' en sortant de l' euro, on déserterait le terrain de la bataille pour un autre euro et pour une construction solidaire de l' Union européenne, au mépris d' une nouvelle croissance fondée sur le développement des peuples et, notamment, sur l' aide aux pays d' Europe du Sud. On passerait à côté d' une opportunité historique pour changer la situation économique et sociale en France, en Europe et dans le monde. Une nouvelle politique solidaire dans l' Union européenne s' appuierait sur la force de la monnaie que peut créer la BCE. Alors que chaque pays européen dispose, isolément, d' un potentiel restreint, la création monétaire en commun, avec l' euro, offre des potentiels bien plus importants, car elle est assise sur la capacité de production de richesses et la créativité de 322 millions de personnes.