Ce numéro hors série rend compte de
la conférence-débat organisé le 21 Novembre 2008 à
Paris par l'
ACCA (Agir Contre le Colonialisme Aujourd'hui), l' ARAC (Association Républicaine
des Anciens Combattants et Victimes de guerre) et le Collectif communiste Polex
sur le thème
PLUS UN SOLDAT FRANCAIS HORS DE FRANCE
PLUS UNE BASE MILITAIRE FRANCAISE A L' ÉTRANGER
avec
Francis
ARZALIER, historien,
secrétariat du Collectif Polex,
Philippe
PARAIRE, enseignant, vice-président
de l'ACCA
Raphaël
VAHE, président de l' ARAC
Mahmat
ZANG-NEZOUNE, formateur-chercheur,
représentant en France de l' Union Nationale Démocratique du Tchad
Maître
Roland WEYL, Association Droit - Solidarité
Débat réussi : une salle pleine, un débat
nourri, un assentiment général pour continuer et élargir
le combat pour le rapatriement des soldats français en opérations
extérieures, la fin des bases françaises à l' extérieur
et la sortie de l' OTAN dans laquelle elles s' insèrent.
- Première intervention, celle de l' ami tchadien qui dénonce
les multiples interventions militaires françaises dont la dernière
au service du régime dictatorial et ethniciste Deby, et des sociétés
pétrolières.
- Deuxième intervention : Maître Roland Weyl, pour l' association
Droit-Solidarité :
MILITAIRES DE TOUS LES PAYS RENTREZ CHEZ VOUS!
Comme nous le soutenons dans le livre que nous venons de publier, les Maîtres
du Monde s' emploient à faire de l' ONU un instrument de leur puissance,
mais aux termes de la Charte des Nations Unies, elle est le lieu où
les peuples, dont les gouvernements ne doivent être que les représentants,
unissent leurs efforts pour faire respecter les principes de respect mutuel,
et de solution pacifique des différends qui doivent présider
à leurs relations. L' action des peuples est donc forte de cette légitimité,
qui du même coup investit chacun d' une obligation et d' une responsabilité
envers les autres peuples d' exercer ce pouvoir, donc de s' approprier les
droits et obligations constituant le droit international qui résulte
de la Charte et ne peut prospérer que par leur combat.
L' obligation de rapatriement de tous les soldats se trouvant hors des frontières
procède de l' article 2.4 de ]a Charte, qui interdit le recours à
la force ou à la menace de la force dans les relations internationales.
Il en résulte qu' il ne peut y avoir de forces armées que de
défense, donc sur le sol national.
On dira qu' il peut y avoir des besoins de défense collective et que
le stationnement de forces étrangères sur un territoire n' est
pas une infraction à l' article 2.4 si c' est avec l' accord ou à
la demande de l' état territorialement compétent. C' est omettre
que l' assistance défensive n' est prévue par la Charte que
par l' article 51, seulement en cas d' attaque, et donc pas à titre
préventif. Cela suffit à fonder non seulement le démantèlement
de tout armement de destruction massive, la mise en œuvre de l' article
26 de la Charte qui charge le Conseil de Sécurité de mettre
en place un programme général de désarmement, de criminaliser
le commerce des armes, mais d' abord la suppression de toutes bases militaires
étrangères dans le monde, et aussi la dissolution de l' OTAN
et le démantèlement du bouclier anti-missile.
Cela nous renvoie à la campagne internationale de soutien aux pacifistes
japonais. Au lendemain de la Guerre, il a été inséré
dans leur Constitution un article 9 interdisant l' envoi de troupes à
l' étranger, et déclarant la paix au Monde. Les Etats-Unis font
pression sur eux pour qu 'ils abrogent ce texte, comme condition de leur soutien
à)a candidature du Japon au Conseil de Sécurité. C' est
évidemment paradoxal dans la mesure où C' est l' article 9 qui
leur en donne)a meilleure qualification, mais cela répond aux vœux
des milieux impérialistes japonais. La campagne est considérable
au Japon, et une conférence internationale s' est tenue à Tokyo
en mai dernier, avec 200 participants de tous pays et 20000 japonais.
A cette occasion, le mot d' ordre« pas d' abrogation» s' est étenduà«
l' article 9 dans toutes les constitutions du Monde », et une nouvelle
conférence est prévue en 2010 au Costa Rica, précédée
de conférences nationales ou régionales.
C' est à cette occasion que nous avons lancé le mot d' ordre«
militaires de tous les pays rentrez chez vous! »
Il nous incombe au titre de nos responsabilités découlant des
droits dont nous investit la Charte de commencer par donner l' exemple.
- Troisième intervention : Raphaël Vahé présente
l' ARAC qu' il préside, née grâce à des intellectuels
révolutionnaires comme Barbusse et Vaillant-Couturier, après
le grand massacre impérialiste de 1914-1918. 90 ans plus tard, le même
combat doit se poursuivre contre la participation de la France dans la stratégie
impériale de l' OTAN et des USA.
- Quatrième intervention : Francis Arzalier pour le Collectif Polex
On a parlé ici des soldats français en Afghanistan, au Tchad :
ce sont les plus impliqués, ceux qui doivent d' abord dégager
des champs de bataille extérieurs. Mais n' oublions pas la présence
à l' extérieur d' autres soldats, dont le rôle est aussi
discutable et inutile :
- Les diverses bases en Afrique, et notamment à Djibouti, aux côté
des Américains ;
- Au Liban , au sein de la FINUL : citation de Marie Debs, du
PC libanais, interviewée par le journal belge Solidaire :
« Les soldats de la FINUL n' ont pas mauvaise réputation
auprès de la population : ils aident au déminage des
dizaines de milliers de bombes à sous-munitions qu' Israël
a larguées un peu partout chez nous à la fin de la guerre
de 2006. Ces bombes font encore des victimes surtout parmi les enfants.
Mais cette mission (la FINUL) a un double objectif, il y a un agenda caché.
Officiellement c' est une mission de l' ONU, mais en fait il s' agit
surtout d' une mission des pays européens de l' OTAN. De la sorte,
on installe sans faire de vagues le contrôle militaire de l' OTAN
sur le Liban et sur la région méditerranéenne ».
- En République Démocratique du Congo, dont la province
du Kivu est ravagée par un soulèvement séparatiste
soutenu et financé par tous ceux, Rwandais ou affairistes occidentaux,
qui aspirent à tirer profit des richesses minérales du pays.
Est-ce à l' Europe, à l' OTAN, comme le propose Sarkozy, de
régler le problème en envoyant d' autres troupes ? ou à
la négociation dans un cadre exclusivement africain ?
J' ajouterai une remarque et une information inédite :
Si notre demande de non-présence de soldats français en territoire
étranger est parfaitement légitime, nous ne devons pas nous
faire d' illusions : la France, l' Europe, l' OTAN et les USA ont des
capacités rapides d' intervention militaire à partir de leur
territoire national si leurs dirigeants les estiment nécessaires
au vu de leurs intérêts ; Ils ont pour cela des services
secrets (Sarkozy vient d' augmenter leur budget) et des forces d' intervention
rapide comme le montre les manœuvres récentes en Corse dont
seule la presse régionale a fait état.
- Au sud-est de la Corse, la base aérienne française de
Solenzara a accueilli durant dix jours, du 6 au 16 octobre 2008, le JFACC
(« joint force air component command »), centre de commandement
aérien de l' OTAN. Y ont participé jusqu' à 800 hommes
selon le Général Desclaux, responsable français de
l' opération avec son homologue italien Ottone. Les unités
aériennes concernées étaient de France, de Grèce,
Italie, Portugal, Turquie, Allemagne, Royaume-Uni, et bien sûr des
USA. Interviewé à FR3 Corse, le Général Desclaux
a affirmé que si les manœuvres conjointes démontraient
le bien fondé du projet, Solenzara deviendrait dès 2010-2012
le centre névralgique de la « Force d' action rapide »
de l' OTAN : c' est la parfaite démonstration de l' implication
de la France par Sarkozy dans la stratégie impérialiste
au service des USA.
On peut aussi se demander quels sont les objectifs de cette force d' intervention
de l' OTAN. Il suffit de lire le thème des manœuvres, rapporté
par le quotidien « Corse-Matin » du 15-10-2008 :
« Selon un scénario dénommé Frasia, la France
a été coupée en deux selon une frontière fictive.
Deux pays sont en conflit, Tytan et Kamon. Tytan est victime de la politique
d' agression de Kamon qui cherche à exercer une domination sur
le groupe ethnique Klorid dans la région. Par ailleurs, Tytan a
échoué dans sa tentative d' instaurer une démocratie
pluriculturelle stable. La Force de Réaction Rapide 12 (NRF12)
s' est déployée à l' intérieur de Tytan afin
de contre-attaquer l' agression de Kamon »… Cela grâce
à une centaine d' avions (F16, Mirage 2000, Rafale) plus des hélicoptères
et avions de guet AWACS, batteries anti-aériennes, etc…
Faut-il le souligner, ce scénario est la copie de l' intervention
contre la Russie que certains stratèges de l' OTAN avaient programmée
au service de la Géorgie cet été, et qu' ils ont
dû annuler à l' issue de la débandade des troupes
de Tbilissi. Ce qui signifie que dans l' esprit de nos docteurs Folamour
de Washington, Paris et ailleurs, ce projet de l' OTAN n' est que partie
remise. Demain ce peut être à nouveau la Géorgie,
la Moldavie ou l' Ukraine, à l' occasion des tensions entre pro-russes
et pro-occidentaux, pourquoi pas, plus tard, au service des séparatistes
tibétains, ou du Sin Kiang contre la Chine. La France dans l' OTAN,
c' est un grand risque de guerre à coup sûr dans les années
qui viennent.
Il n' est que temps de développer en France un vaste mouvement populaire,
sans exclusive et sans volonté de domination d' une organisation quelconque
sur les autres. Quelques objectifs clairs peuvent réunir tous les « partisans
de la paix » comme on le disait au temps de l' Appel de Stockholm :
Plus une base, plus un soldat français à l' étranger !
pour que l' armée française soit un instrument de défense
nationale, et ne soit pas au service de l' OTAN.
- Cinquième intervention Philippe Paraire, vice-président de l' ACCA
:
L' ACCA (Agir contre le Colonialisme Aujourd' hui) est une association qui
s' est donné pour objectif de combattre le colonialisme sous toutes
ses formes. Elle s' est donc logiquement engagée dans la dénonciation
de l' envoi de troupes françaises en Afghanistan, et s' oppose à
la construction de la base d' Abu Dhabi dont le Pentagone a exigé du
président Sarkozy l' installation pour 2011.
L' analyse du bureau national de l' ACCA est que les Etats-Unis sont parvenus
à entrainer la France dans une politique aventuriste de recolonisation
militaire. Pour contrer cette stratégie, il incombe aux anticolonialistes
d' exiger la dissolution de cette armée coloniale par le retour en
France de toutes les troupes françaises installées à
l' étranger, et le démantèlement de toutes les bases
Depuis 1962, les armées françaises sont intervenues en action
de combat vingt huit fois de manière officielle sur le sol et dans
les airs de douze pays indépendants d' Afrique. Quel que soit le niveau
de l' intervention militaire, l' objectif était toujours le même :
installer ou consolider une présence menaçante destinée
à protéger les intérêts de quelques très
grandes entreprises françaises opérant sur place. Des milliers
d' Africains ont été tués au cours de ces opérations..
On ne saura jamais combien la guerre du Tchad aura fait de morts, ni les actions
brutales répétées au Zaïre, en Centrafrique, au
Congo, au Gabon, au Rwanda. Au sens plein, clairement, il s' agissait d' opérations
coloniales menées par des troupes étrangères sur le territoire
de pays indépendants.
Mais l' arrivée à la présidence de Nicolas Sarkozy marque
une étape nouvelle, celle de l' alignement complet de la politique
extérieure de la France sur celle des Etats-Unis, une véritable
instrumentalisation de la capacité d' intervention militaire française
est en train de s' établir. Car il était fatal que la bourgeoise
française, désormais fortement intégrée dans la
mondialisation capitaliste (des actionnaires nord-américains sont majoritaires
sur 40% du CAC 40), pousse le pouvoir en place à se solidariser militairement
des Etats-Unis pour aller défendre ses intérêts désormais
communs les armes à la main
C' est un fait : l' ancienne et relative autonomie d' action dont faisaient
preuve les gouvernements français depuis 1958 a laissé place
à une franche réintégration dans le dispositif impérialiste
mondial mené par les Etats-Unis. Amorcée avec l' attaque contre
la Serbie, après la participation neuf ans plus tôt à
la première guerre du Golfe, renforcée sous Chirac avec l' intégration
des troupes françaises dans l' attaque contre l' Afghanistan en 2001,
cette intégration avait reçu un coup au moment du veto français
contre la seconde invasion de l' Irak en 2003. Mais désormais, l' armée
française est réduite au statut de troupe supplétive
du dispositif militaire dirigé par les Etats-Unis
La base d' Abu Dhabi est le dernier maillon de l' encerclement stratégique
de l' Iran. Toutes les grandes villes du nord de l' Iran ainsi que la capitale,
Téhéran, sont sous le feu direct des bases américaines
du nord de l' Irak. Le centre du pays est menacé par la base anglaise
de Bassorah et le sud par les gigantesques installations de Dahran, en Arabie
saoudite. L' est est couvert par les bases de la coalition en Afghanistan.
C' est un fait : toutes les grandes villes iraniennes sont a moins de
400 km d' une base de missiles.
Restent le grand sud et le détroit d' Ormuz (par lequel passent tous
les pétroliers), qui seront à partir de 2011 sous le contrôle
direct de la future base française d' Abu Dhabi. Avec ses 12000 hommes
prévus, elle représentera à elle seule un effectif presque
équivalent à la totalité du corps expéditionnaire
engagé en Afrique. Dès ce moment, L' Iran sera totalement encerclé.
Qui pourra dire que ce dispositif d' encerclement n' est pas agressif ?
En d' autres temps, pour une seule base de fusées installée
à Cuba à 300 km de Miami, le Président Kennedy menaça
l' URSS du feu atomique.
Il est évident que ce blocage stratégique ne pourra avoir que
de graves conséquences sur la paix du monde : on peut craindre
soit une attaque concertée des forces impérialistes (dont la
France), ou une riposte militaire désespérée de l' Iran.
L' ACCA appelle tous les anticolonialistes français à s' unir
sur la base de cette exigence de retour immédiat des troupes françaises,
ainsi que sur le démantèlement et l' évacuation de toutes
les bases extérieures, tout en exigeant que la base d' Abu Dhabi ne
soit pas construite.
- Message de solidarité d' Ota Lev, du PC de Bohème Moravie :
Je vous remercie de m'avoir invité à votre conférence-débat
qui concerne des problèmes qui me sont très proches.
après le renversement de la première forme historique du socialisme
dans mon pays, les nouveaux dirigeants politiques ont fait tout leur possible
pour expulser rapidement les troupes soviétiques installées
depuis août 1968. Les derniers soldats soviétiques ont quitté
la Tchécoslovaquie à la mi-1991. Peu de gens ont exprimé
de la tristesse à cause de ce départ.
A cette époque-là, plusieurs représentants politiques
nous ont promis solennellement que, dans l'avenir, aucun militaire étranger
n'entrerait sur le territoire de notre patrie. Au contraire, le président
de la République ainsi que d'autres dirigeants politiques ont
prêché alors la nécessité de la dissolution des
deux pactes militaires, le Pacte de Varsovie et l'OTAN.
En réalité, le Pacte de Varsovie a pris fin peu de temps après
tandis que l'OTAN, en accueillant de nouveaux Etats, a élargi
ses positions toujours plus près de la Russie. Notre gouvernement a
fait adhérer notre pays à l'OTAN début 1999 en
refusant un référendum qui aurait permis au peuple de s'exprimer.
Peu après, au cours du bombardement de la Yougoslavie, notre Etat est
devenu pour la première fois coagresseur et en plus contre un pays
qui était notre allié. Le président de la République
tchèque est entré dans la légende déplorable en
surnommant ce triste événement «bombardement humanitaire».
Les Etats-Unis ont installé des bases militaires sur le territoire
de 120 pays environ. Ils ont conclu un traité avec le gouvernement
tchèque concernant la construction du radar sur notre territoire. Même
si deux tiers de la population tchèque refusent la construction de
cette base militaire américaine, même si trois quarts de la population
demandent un référendum, les gouvernements tchèque et
américain ne respectent pas cette volonté populaire. Pour le
gouvernement tchèque, un tel référendum est inadmissible.
En République tchèque, une Initiative NON AUX BASES qui rassemble
environ soixante associations civiques a développé son activité
non seulement au sein du pays mais aussi à l'étranger, y compris
aux Etats-Unis.
Une manifestation organisée par cette Initiative a eu lieu à
Prague le 17 novembre. Au cours de cette manifestation, une étudiante,
porte-parole de l'Initiative, a prononcé un discours et a annoncé
au public qu'une lettre avait été adressée des
Etats-Unis au chef du gouvernement tchèque, au vice-premier ministre,
au ministre des affaires étrangères et à la ministre
de la défense. Elle a cité un extrait de cette lettre: „Nous,
militants américains de paix, nous sommes aux côtés de
nos amis tchèques, nous soutenons de tout notre coeur leur manifestation
et leur lutte contre la base de radar, ce qui représente un pas, petit
mais important, dans une lutte plus large pour un monde de paix.« Parmi
les signataires de cette lettre, on trouve Noam Chomski, philosophe universitaire,.
Howard Zinn, historien et politologue, ainsi que des dizaines de représentants
de la vie publique américaine. Cette solidarité constitue pour
nous un encouragement.
Pourquoi cette petite histoire? C'est parce que nous sommes heureux
d'avoir de tels amis américains représentatifs qui sont
à nos côtés. Je pense que dans n'importe quel pays où
se trouvent les bases militaires françaises , la population de ces
pays, mécontente de cette situation, doit ou, du moins, peut être
fière d'avoir de tels amis en France qui organisent une conférence-débat
intitulée «Plus un soldat français hors de France»,
«Plus une base militaire française à l'étranger».
Mes félicitations, chers camarades et amis, du courage et beaucoup
de succès dans votre lutte juste et généreuse.
Avec toute mon amitié
Ota Lev, historien, correspondant de Prague
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