"L'OPIUM DU PEUPLE" EST IL ENCORE DE SAISON ?

mis à jour le : 22 Août, 2019

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On connaît plus ou moins la définition que donnait le vieux Marx des religions: un " opium " permettant aux puissants de faire accepter l'exploitation par des peuples anesthésies, mais aussi, on l'oublie trop souvent, l'expression de la souffrance des plus faibles, meurtris par la vie et les inégalités sociales.

Car il est vrai, depuis des millénaires, que les hiérarchies cléricales sont très généralement au service des exploiteurs, et enseignent la soumission aux exploités. C'est encore le cas aujourd'hui dans une grande partie du monde: des "Intégristes" ou "fondamentalistes" utilisent en Orient et en Afrique un Islam qui se prétend de retour aux origines, et qui n'est finalement qu'une variété contemporaine de fascisme, justifiant par la caution divine leur pouvoir absolu et leurs régressions sociales. D'autres, en Asie, font le même usage d'un Hindouisme dévoyé, et nos Extrêmes-Droites n'hésitent pas à se référer aux " racines chrétiennes de l'Europe " pour soutenir l'ordre capitaliste et l'inégalité entre les peuples. Ainsi pour la Pologne ou la Droite gouvernementale professe un Catholicisme tout aussi réactionnaire que le Salafisme islamiste d'Arabie Saoudite. Rien d'étonnant: le fascisme franquiste ensanglanta l'Espagne autrefois au nom du Christ-Roi, et celui des Oustachis fit pire en Croatie.

Mais la planète catholique est diverse, et le Pape François le sait bien, qui vient de récuser publiquement tout amalgame entre Islam et terrorisme soit- disant islamique, et qui a dénoncé sans ambages " le Dieu argent qui est au centre de l'économie mondiale, et non la personne, homme ou femme". " voilà, affirme t'il, le premier terrorisme ". Ces mots ne font pas du Pape un marxiste, mais il est clair que son catholicisme exprime la dimension humaniste présente en toute foi religieuse, a côté de celles au service des pouvoirs politiciens et financiers. Quelles que soient leurs identités cultuelles assumées, les intégrismes-terroristes sont essentiellement des manipulations politiciennes du fait religieux, voire l'expression de pathologies délinquantes dans le cas du " djihadisme " actuel. Mais, dans tous les cas de figure, ces dérives ne sont pas inhérentes à une religion: le discours implicite courant dans la France d'aujourd'hui qui réduit l'Islam au terrorisme est à la fois inepte et dangereux. Dans cette atmosphère malsaine de suspicion haineuse à l'encontre des Musulmans et des Arabes, l'été 2016 a ajoute le ridicule à l'odieux: la Bardot, ex-égérie sexuelle des Sixties, a prôné l'interdiction de l'Aid, et le Premier Ministre de la France a encouragé des imbéciles élus locaux à dresser des contraventions aux baigneuses trop habillées au nom des " valeurs de la République ". Les gendarmes de cinéma populaire se sont évertués sans succès il y a 40 ans a verbaliser les seins nus sur les plages; vont ils pourchasser aujourd'hui la pudibonderie vestimentaire parce qu'elle se prétend islamique? De tout cela, la religion n'est guère responsable, mais la bêtise l'est, qu'on ne fait pas disparaître par décret, et qu'il ne faut surtout pas encourager par opportunisme politicien.

Et nous savons bien par ailleurs que certains qui se proclament athées irréductibles sont de fieffés réactionnaires dans notre pays et ailleurs... Rien ne condamne les " croyants " à se laisser glisser vers des manipulations criminelles. Rien ne leur interdit de concilier leur foi en un Dieu et leurs impératifs moraux avec un idéal de progrès social, voire de révolution politique et sociale. Robespierre, inventeur du suffrage universel à Paris, farouchement convaincu de l'existence d'un être Suprême et de l'immortalité de l'âme, fut il y a plus de deux siècles l'un des plus purs révolutionnaires de France. Et, plus proche de nous dans le temps, le vénézuélien Hugo Chavez se voulait à la fois chrétien et initiateur du socialisme du XXIeme siècle.

En France, dont le peuple a conquis la laïcité de l'état depuis plus d'un siècle, largement decatholicisée depuis ( à peine 10 pour cent de pratiquants assidus du culte Romain ),le christianisme, pas plus que l'Islam, n'ont plus qu'une efficacité marginale en tant qu' " opium ". Cela n'empêche pas nos dirigeants socialistes et leurs épigones médiatiques, en quête d'une popularité défunte, de clamer leur amour d'un catholicisme qui n'en demande pas tant; en oubliant à cet effet que la laïcité, conquête politique essentielle du peuple français, fut depuis 1900 l'une des valeurs fondatrices de leur parti.

En fait, bien d'autres réalités contemporaines jouent ce rôle d'opium, à la satisfaction de nos " élites " politiciennes, financières et médiatiques. Elles organisent plus que jamais le détournement des fureurs sociales justifiées vers des boucs émissaires, ou l'anesthésie. On sait le rôle à ce sujet des racismes et xénophobies, héritées du passé colonial et du présent impérialiste, dérivant la quête naturelle d'identité en haines irrationnelles et apeurées contre les Noirs, les Juifs, les Arabes, les Musulmans ou les Chrétiens; contre l'Autre, en un mot, suspect de toutes les turpitudes. Tout fait culturel de quelque ampleur peut de même être détourné de ses objectifs initiaux, transformé par la déferlante médiatique au service des puissances d'argent en drogues sociales. Il en fut ainsi au printemps 2016 avec les compétitions de l'Euro-foot: rien à voir avec l'engouement naturel de millions de Français pour des spectacles sportifs de qualité, même entachés de salaires excessifs des joueurs. Mais ce goût du football-mis en scène à été délibérément transformé en une véritable hystérie médiatique pour servir d'éteignoir à l'issue de quatre mois de luttes sociales. Le Ministre de l'Intérieur français a naïvement vendu la mèche en déclarant: " les Bleus n'ont pas gagné; mais ils ont rempli leur mission: à l'issue de l'Euro, on ne parlait plus en France d'autre chose que de leurs exploits....": c'est bien d'un opium du peuple dont Mr Cazeneuve se félicite, même s'il prend ses désirs pour la réalité.

Après les clameurs de l'Euro-foot, ce sont d'autres événements qui ont servi d'anesthésiant délibéré,avec plus ou moins d'efficacité: Mr Valls et ses fidèles ont cultivé avec assiduité la peur du terrorisme, pour transformer les citoyens en troupeau paniqué et irrationnel, en supprimant sans raison valable des réjouissances populaires millénaires comme la Braderie de Lille, et en quadrillant de policiers en armes les malades en pèlerinage à Lourdes. S'en est suivi un discours estival radiotélévisé réduisant les Français à une lutte sur la route entre " Juilletistes " et " Aoûtiens ", allant jusqu'a les infantiliser en " chasseurs de Pokemons ", pour se conclure en hurlements dithyrambiques à propos des médailles olympiques aux JO de Rio.. Dans tous ces cas, le fait de départ n'est pas en cause, pas plus la nécessité de vacances chèrement conquises par les travailleurs en 1936,qu'internet ou les Jeux Olympiques, mais l'utilisation qui en est faite pour étouffer cette réalité que nos dirigeants et leur armée de mercenaires ne supportent pas, la lutte de classes.

Multiforme, protéiforme, l'opium du peuple est plus que jamais présent parmi nous en 2016, avec des moyens bien plus efficaces et divers qu'autrefois.

Francis Arzalier

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