COMMUNISME OU BARBARIE

mis à jour le : 22 Août, 2019

Le quotidien l'Humanité, qui ouvre trop souvent ses colonnes à des ennnemis de l'idéal communiste ne manquant pourtant pas de moyens d'expression, consent parfois à laisser parler d'authentiques militants révolutionnaires (en tribune libre, la plupart du temps...). Sachons en profiter pour aider au débat nécessaire à la reconstruction de notre idéal. Ainsi, la réflexion du philosophe Alain Badiou, (l'Humanité, 4-5 et 6 mars 2016):

"La situation du monde exige aujourd'hui à un niveau stratégique, idéologique et politique une alternative véritable au monde tel qu'il est. Le temps presse parce que le capitalisme, libéré, sans contrepartie, sans alternative, porte la guerre...

Aujourd'hui, le communisme est frappé par une culpabilité quasi générale. Il est presque identifié à un crime. L'univers, dans sa loi interne dominante, traite le communisme comme une chose d'abord entièrement terminée, ringarde, entièrement obsolète et, deuxièmement, comme une chose qui, finalement, a fait la preuve que toute entreprise de collectivisation des ressources, de mise en commun des choses, toute entreprise qui n'est pas la loi déchaînée de la propriété privée à tous les niveaux se termine dans le sang et le crime. Pour ma part, je soutiens l'inverse. Je pense. Que le bilan du socialisme réel doit être fait. On est bien obligé de constater que quelque chose n'allait pas et de façon grave. Mais l'abandon de l'hypothèse communiste elle-même, l'abandon de l'idée qu'une autre organisation du monde est possible a des conséquences dramatiques. Ce sont ces conséquences qui aujourd'hui sont finalement dangereuses et portent des symptômes criminels. Le communisme s'est effondré, mais ce qui vient à la place est un monde instable, menaçant, plein de crimes, et dans lequel une partie gigantesque de l'humanité est comptée pour zéro...

Que la réinvention du communisme soit aussi, et de manière essentielle, l'invention de ce que peut être une réelle démocratie moderne, j'en suis absolument convaincu. Mais il faut aussi revenir aux fondamentaux. Il faut savoir que l'on n'aura rien si on ne porte pas des atteintes sérieuses à la propriété privée. Mettre en avant la réalisation de la démocratie en mettant en sourdine la question de la propriété privée expose à de graves revers une fois qu'on est dans la situation de pouvoir. L'affaire de Syriza est instructive à cet égard... Elle montre que si vous ne touchez pas les réalités du pouvoir dans leur fondement, vous êtes très vite acculés à une marge de manœuvre extrêmement limitée. Même le programme social du CNR à la Libération, qui est souvent cité aujourd'hui comme un référence nostalgique, alors qu'il était très réformiste, s'accompagnait de sérieuses nationalisations et de l'appropriation collective de pans entiers de l'économie française et des banques...

La tentative mitterandienne a laissé des souvenirs amers parce que l'on a vu que la reculade s'est installée très rapidement. Je pense que nous devons, aujourd'hui, revenir au fait que le monde, tel qu'il est distribué, tel qu'il est organisé, est le monde libéral. C'est un monde qui considère que la compétition, la concurrence, la compétitivité et la propriété privée sont l'alpha et l'oméga de l'économie moderne. Si vous ne touchez pas à cela, en fin de compte, vous ne pourrez pas transformer durablement votre vision des choses en une alternative effective. "

p class="auteur">Alain badiou

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