XXIème siècle : Socialisme ou Barbarie capitaliste médiatisée

mis à jour le : 22 Août, 2019

Il faut savoir prendre un peu de recul pour discerner les mouvements longs de l’histoire du monde. Ils n’ont jamais été un progrès continu, comme le croyaient naïvement les scientistes au XIXème siècle : le progrès technique peut aussi être utilisé pour l’asservissement des hommes. La marche des sociétés, des peuples et des nations se fait en dents de scie, à une phase de libération et de progrès politiques et sociaux, succède une période de réaction, de reculs des droits populaires.

Ainsi, la deuxième partie du XVIIIème siècle a accouché de nombreuses révolutions libératrices, dont le cœur fut en France en 1789-93. Mais elle fut suivie de plusieurs décennies de réaction, après 1815, avec notamment la restauration monarchiste, puis impériale, dans notre pays. Certes, les industries s’y développaient, mais grâce à une exploitation sans précédent des prolétaires, et à de féroces conquêtes coloniales au profit des bourgeoisies occidentales, qui se conclurent par l’épouvantable massacre de 1914-18.

Le XXème siècle, au contraire, naquit dès 1917 de la révolution soviétique, et de l’essor, dans sa foulée, des mouvements d’émancipation animés par les communistes. Les barbaries fascistes et nazie eurent beau s’évertuer à les contrer, y compris par la guerre et la xénophobie meurtrière, elles furent finalement écrasées en 1945.

Cette défaite du nazisme et de ses alliés donna aux peuples l’occasion de progrès exceptionnels en tous les continents : libérations nationales du joug colonial en Afrique, en Asie, Amérique Latine, et défaites répétées des impérialismes occidentaux, en 1959 à Cuba, en 1975 au Vietnam, etc… Les mouvements progressistes à base ouvrière et communiste étaient aussi assez influents et combattifs en Occident, France, Italie, Europe de l’Est et du Nord, pour imposer au capitalisme en expansion des progrès sociaux évidents, libertés et droits collectifs, extension de la propriété publique, etc.

Le virage mondial vers la descente aux enfers réactionnaires, a démarré avec le développement du capitalisme mondialisé, financiarisé, et son cortège d’effacement progressif des nations, des protections sociales, du plein emploi, peu avant la fin du XXème siècle. Nous vivons toujours cette période de contre révolution mondiale, qui s’est ouverte avec l’effondrement de l’Union Soviétique et de ses alliés « socialistes » européens. En écho, s’est répandue très vite une crise des mouvements ouvriers et progressistes dans le monde, marquée par la conversion de pans entiers des partis communistes au réformisme le plus plat, leur ralliement au social-libéralisme. D’où leur incapacité à s’opposer à la déferlante des nationalismes xénophobes, des intégrismes-fascismes religieux, récupérant avec démagogie les mécontentements sociaux que les organisations révolutionnaires ne portaient plus.

Nous en arrivons aujourd’hui à un monde voué au chaos, à la guerre, où se nourrissent mutuellement rapacité des impérialismes en quête de profits au détriment des peuples d’Afrique ou d’Asie, et fanatismes criminels, en furieuses mêlées, parmi des millions de migrants échappés aux zones de conflits. Dans ce déferlement où meurent les nations et où souffrent les hommes, on en revient progressivement à la barbarie primitive, dont surnage l’image incongrue de dirigeants cyniques et brutaux, persuadés que leur virilité musclée est nécessaire à rallier les foules traitées en femelles soumises, comme il y a 80 ans le fit avec succès Hitler en Allemagne : les forces turques d’Erdogan massacrent les Kurdes aujourd’hui comme autrefois les Arméniens. Trump, aux Etats-Unis, fait un tabac électoral en prônant la torture et l’expulsion des musulmans, et est félicité de ces outrances par un Vladimir Poutine mêlant pragmatisme lucide et proclamations nationalistes à usage électoral. En France même, avec moins de bonheur dans les sondages, Hollande et Valls s’essaient à faire oublier leur image de « gauche », pour arborer le masque figé, mussolinien, du chef guerrier ferme et sans compromis. Comme le remarquait Serge Halimi (Monde Diplomatique de février 2016) nous vivons « le temps des hommes à poigne »…

Ne l’oublions pas, cette férocité des hommes et des situations qui se répand, est enfantée par le capitalisme mondialisé, pour lequel les individus et les peuples ne sont que sujets à profit sur investissement. Certains le disaient il y a quelques cinq décennies, qui ignoraient avoir raison avec un peu d’avance en leur formule lapidaire : « l’avenir du monde se joue aujourd’hui pour demain ; nous n’avons plus le choix qu’entre Socialisme ou Barbarie »… Car il est vrai que ce chaos barbare du monde ne finira que quand finira la loi du capital. Il reste à en convaincre nos contemporains ; c’est la tâche ardue des Communistes.

D'où l'urgence absolue de reconstruire un mouvement communiste largement détruit depuis la fin du XXeme siècle. Car depuis ce temps là, nous sommes orphelins d'un rêve inabouti.

Cela pourrait sembler facile, objectivement, car les inégalités sociales en 2016 sont beaucoup plus importantes encore qu'autrefois: 200 privilégiés possèdent autant que 3 milliards d'individus! Et même si les ouvriers manuels des siècles passés se sont amenuisés dans les vieux pays industrialisés d'Occident, les prolétaires, au sens originel du terme, qui ne possèdent rien que leur force de travail ( manuelle ou intellectuelle ) à louer, forment l'immense majorité des nations. Mais il serait enfantin d'en attendre une conversion spontanée au communisme: Jamais l'exploitation de classe, même la plus féroce, n'a accouché automatiquement de conscience de classe.

Tant que les divers médias contemporains, d'une efficacité redoutable ( télés, radios, chanson, publicité, et réseaux internet ),seront comme aujourd'hui une machine de guerre contre la lutte de classe et le communisme, manipulant les faits et les concepts dans l'optique des maîtres du Capital, on ne peut espérer le basculement révolutionnaire des esprits: les difficultés du pouvoir Chaviste au Venezuela, face à des médias hostiles manipulant les difficultés économiques dues à la chute des prix du pétrole organisée par Washington, en sont la preuve; et le départ vers le fascisme-djihadisme de milliers de jeunes exploités intoxiqués par les " réseaux sociaux " plus que par les mosquées en est une autre: Les mêmes seraient peut-être en 1936 allés combattre le fascisme-catholique franquiste dans les Brigades Internationales....

Bien évidemment, les militants doivent apprendre à utiliser tous les canaux étroits qui leur restent ouverts, dans la presse écrite et radio-télé,les médias classiques et les multiples réseaux internet. Certains le font, et le font très bien. Mais il faut éviter les illusions véhiculées par " l'idéologie Charlie ", selon laquelle la liberté d'expression se limiterait au droit pour chaque journaliste habilité par ses patrons à s'exprimer sans censure, quoiqu'il affirme. Il y a déjà 80 ans, Orwell dénonçait l'emprise des privilégiés capitalistes qui possèdent les organes de presse ou les contrôlent par le biais de la publicité: ils n'ont pas besoin de souffler aux journalistes ce qu'ils doivent dire; il leur suffit de choisir au départ les seuls professionnels qui auront accès au micro ou à l'éditorial. La naïveté consisterait aussi à oublier que les " réseaux sociaux ", espaces prétendument libertaires, où chaque individu peut donner son avis, colporter même ses haines xénophobes et des rumeurs incontrôlables, appartiennent aux maîtres du capitalisme transnational, qui généralement les orientent salon leurs voeux depuis les USA, où ils sont filtrés par la CIA et autres NSA. C'est avec leur assentiment que ces " reseaux " ont orienté la jeunesse contestataire de nombreux pays au profit d'ectoplasmes individualistes sans cohérence politique, donc sans danger pour le capitalisme ( 5 Stelle en Italie, Podemos en Espagne, mouvances éphémères des " révolutions arabes " d'Egypte et de Tunisie etc ), au détriment de " vieux " partis structurés, qui furent révolutionnaires et actifs dans le passé. Les services secrets occidentaux ont même tenté et parfois réussi à susciter par leur biais des insurrections, nationalistes en Ukraine, séparatistes au Tibet, intégristes au Sin-kiang, bourgeoises libérales en Iran, etc.

Aucune Révolution ne sera possible sans qu'une lutte opiniâtre n'ait redonné aux collectivités nationales le contrôle et la propriété des médias, les rendant ainsi à leur mission d'information et de culture des citoyens, en y garantissant le pluralisme des commentaires par la diversité réelle des intervenants. Le chemin est encore long, il est temps d'en défricher les objectifs.

En attendant cette Révolution Culturelle nécessaire, il serait absurde de rester inactifs, découragés par la puissance de manipulation des foules, face aux agressions des serviteurs du Capital. Certes, les médias d'aujourd'hui ont une force inégalée dans l'histoire des hommes,ils ont le pouvoir de faire croire quelques jours n'importe quel mensonge à la majorité d'un peuple. Mais ils trouvent en eux-mêmes leur limite, comme le prouve la flambée de manifestations ouvrières et étudiantes contre la Loi El Khomry en mars 2016, malgré le déferlement d'experts télévisés,politiciens de Goche et Droite, et leur cortège de journalistes bien nourris.

Francis Arzalier

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