compte-rendu de la réunion du collectif communiste Polex
( 8 décembre 2015)

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mis à jour le : 22 Août, 2019

De passage à Paris, notre camarade Aron Cohen, de Grenade, a présenté à notre collectif quelques réflexions sur la situation politique en Espagne, où des élections générales ont lieu le 20 décembre prochain. Les résultats des élections régionales en France et des législatives au Venezuela ne pourront avoir que de fâcheuses conséquences sur l'expression de forces communistes divisées et affaiblies.

Aron nous a rappelé les principales étapes de l'évolution du mouvement communiste espagnol depuis la mort de Franco (1975). après avoir été le combattant le plus résolu de l'antifranquisme, le PCE légalisé en 1977 - en pleine période « eurocommuniste » et sous la direction de Santiago Carrillo, a soutenu une « transition  » monarchiste qui renonçait au nettoyage de l'appareil d'état franquiste. Avec Julio Anguita, il poursuivait une dérive qui l'éloignait des positions de classe, pour abandonner peu à peu son identité communiste au sein d'Izquierda Unida (I.U., la gauche unie espagnole, créée en 1986).

Des oppositions à l'orientation de plus en plus opportuniste se sont exprimées : un PC. (« PC punto ») créé en 1984 est devenu en 86 le PCPE (PC des peuples d'Espagne) avec Ignacio Gallego comme secrétaire général. Les tentatives de faire du PCPE un véritable parti communiste se sont brisées sur le refus de Gallego, qui ne souffrait aucune contradiction, et avait par exemple abandonné le mot d'ordre de « réforme agraire » pour une forme édulcorée en « réforme agraire intégrale », noyant ainsi la question centrale de la propriété. Cofondateurs d'Izquierda Unida, Gallego et ses proches faisaient dès 1988 retour au PCE.

Durant les années 90, le PCE a affirmé la nécessité de devenir une « formation plus large » : le Congrès de 1995 a consacré la fin du PCE comme parti organisé, et son orientation vers un «  pacte social » de type social-démocrate. Le PCE s'est effondré, de nombreux militants ouvriers s'en éloignant durablement, quand d'autres rejoignaient le Parti socialiste (PSOE). Durant les années 2000, la privatisation des caisses d'épargne a nourri plusieurs cas de corruption touchant notamment des responsables politiques et syndicaux (dont des représentants des Commissions Ouvrières - CCOO - très liées à I.U.).

Au printemps 2014, la situation de l'Espagne est dramatique : coupes budgétaires, augmentation du chômage, multiplication des contrats de travail au rabais, reprise de l'émigration des jeunes espagnols vers l'étranger. L'apparition et la montée des Indignés et de Podemos témoignent dans un premier temps d'une réelle volonté de résistance, et I.U.gagne 3 élus aux Européennes au sein de la coalition passagère 'gauche plurielle' (10 % des voix et 7 élus).

De son côté Podemos recueille près de 8 % des suffrages, sur une ligne 'ni droite ni gauche', et des adhésions internet (par simple inscription sur un site) regroupant les citoyens au delà des classes et sans références aux conflits capital/travail. Dirigé par Pablo Iglesias (universitaire, politiste né en 1978, passé par la Jeunesse communiste) Podemos soigne sa « com » en direction des couches moyennes, en se distinguant soigneuse-ment des communistes, trop marqués sans doute par leur passé de luttes contre Franco. Podemos est silencieux sur l'Europe, l'Euro, l'OTAN. Il s'est cependant positionné récemment contre une intervention militaire au Moyen-Orient au sein d'une coalition anti-guerre.

En dés-idéologisant le combat politique, Podemos a accéléré la dégénérescence du PCE, que ses nouveaux statuts enferment dans une sorte de « contrat de sous-location » avec IU, en consacrant l'abandon de « la forme parti ». Les divisions persistent au sein même de ceux qui restent, aussi bien de la part de membres honnêtes que de partisans de la ligne liquidatrice adoptée durant la transition. Mais beaucoup l'ont quitté : des communistes frustrés existent en nombre, sans toutefois entraîner une réaction d'ensemble. De petites lumières s'allument pourtant de temps à autre, ainsi la déclaration récente du Comité de Parti de Grenade (texte joint).

Le débat a permis de noter à quel point des similitudes existaient entre la situation espagnole et française. A une question sur l'absence d'un parti d'extrême droite proprement dit en Espagne, Aron a répondu que toutes les droites se retrouvent au sein du Parti Populaire PPE, des droites libérales à la droite franquiste la plus extrême. La mise en avant par le PPE des thèmes d'extrême droite (reposant sur les « inconscients de classe » de toute nature et de vieux réflexes historiques anti-arabes et anti-musulmans) est une hypothèse qu'on ne peut écarter, d'autant que la « transition post-franquiste » n'a pas produit les anticorps nécessaires pour une résistance populaire à de telles campagnes.

NB Début décembre 2015, les sondages donnaient de 4 à 5% pour IU, 10 à 12 % pour Podemos.

Résultats des élections législatives du 20 décembre :

Partido Popular, 7,2 millions de voix (28,7%), 123 sièges ; Partido Socialista Obrero Español, 5,5 millions de voix (22%), 90 sièges ; Podemos et alliés, 5,2 millions de voix (20,7%), 69 sièges ; Ciudadanos (nouvelle formation de droite libérale), 3,5 millions de voix (13,9%), 40 sièges ; Izquierda Unida-Unidad Popular, 900000 voix (3,7%), 2 sièges ; Ezquerra Republicana de Catalunya, 600000 voix (2,4%), 9 sièges ; Democracia i Llibertat (droite nationaliste catalane), 560000 voix (2,2%), 8 sièges ; Partido Nacionalista Vasco, 400000 voix (1,2%), 6 sièges ; Euskal Herria Bildu, 200000 voix (0,9%), 2 sièges...

Motion approuvée le 26 novembre 2015 par l’organisation locale de la ville de Grenade du Parti communiste d'Espagne (PCE)

Nous voulons soumettre la présente résolution au Comité provincial de Grenade du PCE et exprimer ainsi notre préoccupation face à la ligne prise par notre parti. Le moment est venu de réorienter le Parti et la seule façon de le faire est de convoquer un congrès extraordinaire.
Nous avons besoin d’un parti de classe qui n’ait pas honte d’être l’avant-garde de la classe ouvrière, qui lutte à ses côtés pour la conquête du socialisme sur tous les fronts : dans la rue, dans les entreprises, dans les syndicats, au sein même des institutions.
Nous avons besoin d’un parti animé par l’esprit de José Diaz et de Dolorès Ibarruri. Notre parti doit se refonder sur le plan idéologique – le marxisme-léninisme - et sur le plan organisationnel – le centralisme démocratique. Il doit s’éloigner des structures social-démocrates et eurocommunistes et aller de l’avant pour atteindre une capacité de rassemblement comparable à celle du PCP portugais et du KKE grec. Nous avons besoin d’organisations pour lesquelles la lutte de classe passe avant la collecte de quelques voix.
Nous demandons au Comité provincial du PCE de discuter de cette résolution et de la voter, en demandant la convocation d’un congrès extraordinaire au cours du premier semestre 2016 afin de reconstruire le PCE par et pour la classe ouvrière qui lutte pour la transformation socialiste de la société.

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