LA FRANCE MENACéE PAR LES ELECTIONS CORSES?
Bien que ma seule qualité d' "expert"
consiste à pratiquer la Corse et son histoire depuis 50 ans, je
me permets quelques réflexions sur les dernières élections dans
l'île. Elles sont à la fois spécifiques et semblables à l'effondrement
national de toute les gauches: le PCF- Front de gauche a perdu près
de la moitié de son influence ( de 10 a 5 pour cent ), et c'est
bien le plus grave. Le PC y était plus résistant qu'ailleurs grâce
au rôle joué par lui lors de l'insurrection antifasciste de 1943.
Mais ce passé est bien lointain pour les générations actuelles.
D'autant que sa collusion électoraliste avec la "Gauche"radicale
de Giacobbi à l'assemblée sortante n'a rien arrangé.
Le phénomène essentiel est le score désastreux
de Giacobbi, président sortant totalement discrédité, par son soutien
au gouvernement austeritaire Hollande.-Valls, et par les accusations
non-démontrées de corruption: une correction bien méritée! une part
des électeurs de gauche n'ont pas voté le 13 :le PS a toujours été
faible en Corse, des radicaux fidèles de l'ancien maire radical
de Bastia, et des communistes sont restés chez eux. Dès lors, la
progression forte des nationalistes réunis ( alors qu'ils ont surtout
de la haine les uns pour les autres ) a fait la différence: ils
ont en Corse tiré profit d'électeurs furieux du chômage et de la
pauvreté qu'ils subissent, comme ailleurs en France, et de la vague
de xénophobie anti-musulmane répandue dans toute la France, qui,
ailleurs, s'est portée surtout sur le FN.
Je n'ai aucune amitié pour les Nationalistes, pas
plus ceux de Corse que les Nationalistes francais.
Ils ont en commun de nier cette réalité qu'est
la lutte de classe entre exploiteurs et exploités au sein de la
Nation. Mais j'ai toujours pensé que pour mieux les combattre, il
fallait ne pas les caricaturer: pas plus que le FN n'est le parti
Nazi, les Nationalistes corses ne sont le banditisme, ou la corruption,
comme le répètent la majorité des Francais abreuvés par leurs médias
depuis des décennies. Les crimes , trop nombreux dans l'île, même
si l'insécurité quotidienne y est moindre qu'ailleurs, y sont liés,
comme l'essentiel des explosions, à la spéculation immobilière le
long des côtes, au Milieu, et aux politiciens corrompus, plus nombreux
à Droite ou au PRG que parmi les dirigeants nationalistes actuels.
Par ailleurs, les Indépendantistes les plus nostalgiques des "
actions armées "d'autrefois. les amis de Talamoni et autres,
sont de moins en moins influents , au profit des fidèles de Simeoni
( fils ), qui a pris la mairie de Bastia et la gouverne avec des
PS et des hommes de Droite ou Centristes. Comme il a raté la majorité
des sièges à l'Assemblée territoriale, son problème est de savoir
avec qui il va la diriger, droite ou giacobbistes, qui , franchement
, se valent. Ne fantasmons pas, Simeoni ne rêve pas d'indépendance,
pas plus que les nationalistes qui ont eu la majorité avec la Droite
en Martinique.
Par contre, tous ces politiciens sont pro-UE et
" libéraux ", quitte à se déchirer pour les postes, comme
l'UMP et le PS partout en France. Un bel exemple: ils ont tous approuvé
la cession de la SNCM, ex service public privatisé sous la pression
de l'UE et de l'état français, à Rocca, un affairiste Corse , accuse
il y a peu de fraude : 300 licenciements prévus, qui s'ajoutent
à des centaines d'autres. Et peut être le pire à venir: le syndicat
nationaliste STC, jouant la division entre les salariés, propose
que les emplois sauvegardés soient réservés à des Corses. Dans la
nouvelle Assemblée de Corse, Nationalistes, Radicaux, UMP, ne manqueront
pas d'approuver en commun des mesures néfastes dans les mois qui
viennent, y compris des décisions déjà approuvées par la majorité
de gauche avec Simeoni dans celle sortante, comme la co-officialite
de la langue. Certes,il est regrettable que l'indépendantiste Talamoni,qui
a obtenu 5 pour cent des suffrages,soit devenu le successeur du
PCF Bucchini à la présidence de l'Assemblee de Corse, mais son élection
à un poste essentiellement honorifique ne doit pas nous inciter
à prendre pour argent comptant ses provocations: il s'est certes
exprime en langue corse,comme le socialiste Le Drian en breton a
l'Assemblee régionale de Rennes, et il a réaffirmé les convictions
qui sont les siennes depuis 30 ans, que ne partagent pas 80 pour
cent des Corses, contrairement à ce que croit Monsieur Chevenement.
évidemment ,cela fait le jeu des idéologues de l'UE supranationale
et fédéraliste. Mais il serait naïf d'embarquer dans une grande
campagne avec Hollande contre les Nationalistes corses, alors qu'ils
partagent pour l'essentiel les mêmes choix politiques et sociaux.
En fait, la société corse, avec ses spécificités,
connaît les mêmes tensions que la société française en general,
traversée en cette fin d'année 2015 par une vague sans précédent
de xénophobie contre les immigrés, Arabes et Musulmans, boucs émissaires
des conséquences du capitalisme et de ses partisans. Il a suffi
qu'à Noël une dizaine de de jeunes d'un quartier populaire d'Ajaccio,
en rupture avec l'Islam respectueux des lois de leurs familles marocaines,
allument un incendie de détritus au pied des immeubles et "
caillassent " pompiers et policiers accourus, comme le font
parfois certains écervelés en quête de reperes des grandes banlieues
parisiennes, pour que se déclenche le mécanisme abject des "
ratonnades " d'il y a 60 ans à Alger: l'indignation légitime
des Ajacciens contre les délinquants qui se croient audacieux en
agressant des pompiers volontaires, a permis à quelques excités
d'extrême-droite ( Lepenistes ou Nationalistes ) d'attaquer le quartier
coupable d'abriter des Maghrébins,et ses lieux de prière musulmans,
aux cris de " Nous sommes chez nous! " ( le slogan favori
de tous les meetings du FN ) et " Arabi Fora! ". Exactions
heureusement stoppées par la police, et condamnées par l'ensemble
des élus corses.
Ces lamentables événements ne sont que le reflet
d'une atmosphère dans toute la France, même si les médias pro-gouvernementaux
en parlent peu: quelques jours avant ces événements de Corse, la
mosquée d'Ermont , en Val d'Oise, avait subi un incendie volontaire,
après bien d'autres Incidents ignores du public.
Quant au PCF corse, il doit d'abord soigner ses
plaies, et s'interroger sur ses orientations, trop calquées sur
celles opportunistes du PCF national ces dernières années, ce qui
n'a malheureusement rien de spécifique à l'île...
Francis Arzalier
Résultats |
liste |
|
voix |
% exprimés |
Nombre de sièges |
Autonomiste |
Simeoni |
52 840 |
35,34% |
24 |
divers gauche |
Giaccobi |
42 607 |
28,49% |
12 |
droite |
Rossi |
40 480 |
27,07% |
11 |
fn |
Canioni |
13 599 |
9,09% |
4 |
Historien, F. Arzalier a publié " les Nations
nécessaires et leurs pathologies nationalistes " ( ed. Delga,
2015 ). Il le présentera et animera le débat à
L'ESPACE CULTUREL LA CLEF
34,RUE DAUBENTON, PARIS Veme Metro Censier
LE MERCREDI 13 JANVIER 2016 à 18h |
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