Elections présidentielles en Argentine , Mauricio
Macri, le "chouchou des milieux d’affaires" est élu

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Résultats des élections

après douze ans au pouvoir des Kirchner (Nestor, puis sa femme Cristina), les Argentins ont opté pour le changement. Ils ont élu président le maire de droite de Buenos Aires Mauricio Macri : il rafle 51,4 % des voix et devance le péroniste Daniel Scioli (48,6 %), candidat de la présidente Cristina Kirchner, après le dépouillement de plus de 98 % des bulletins.

Un président sans majorité

Toute la difficulté de Mauricio Macri, qui mène une coalition hétéroclite comprenant une partie du parti radical de feu le président Raul Alfonsín ou encore la candidate anticorruption Elisa « Lilita » Carrio, sera de gouverner sans majorité parlementaire. En effet, son parti Pro ne disposera que de 93 sièges à la Chambre des députés, contre 102 pour le Front pour la victoire de Cristina Kirchner, et de 16 seulement auSénat. En province, douze gouverneurs sont du FPV, quatre du péronisme dissident (non favorable à la présidente), trois radicaux, deux du Pro et trois d'autres forces. Le nouveau chef d'état pourrait néanmoins opter pour gouverner par décret sur des réformes importantes, ce qu'ont fait les Kirchner ces dernières années grâce à l'utilisation de la loi dite d'« urgence économique ».

Le nouveau président libéral d'Argentine, dont l'élection fait penser à celle de l'homme d'affaires Sebastián Piñera en 2010 au Chili, aura surtout la lourde tâche de redresser l'économie argentine, en berne ces derniers mois. Sur ce terrain, Mauricio Macri a promis le retour des investissements étrangers en Argentine. Fils d'une riche famille d'impresarios d'origine italienne, il a l'avantage d'être le chouchou des milieux d'affaires.

Une victoire de l'impérialisme - et de Washington en particulier : Les leçons d'une défaite.

Dans leur conjuration contre les Etats non inféodés à Washington, en Amérique latine, les Etats-Unis viennent de réaliser un de leurs objectifs en Argentine : le gouvernement de la bourgeoisie nationale vient d'être écarté du pouvoir au profit du candidat de l'oligarchie.

L'opération de mise à l'écart de Cristina Kirchner, qui avait succédé à son mari à la présidence de la République, a été minutieusement organisée, non seulement pour rétablir la domination économique des multinationales, US en particulier, mais aussi pour démanteler les structures de coopérations des pays de l'Amérique du Sud, telle l'UNASUR, qui limitaient la présence des intérêts étatsuniens en Argentine.

Cette élection sponsorisée par les USA présente d'autres dangers.

Elles fragilisent également les Etats qui, dans leur politique d'indépendance vis-à-vis du camp impérialiste occidental, avaient adhéré aux BRICS, tel le Brésil, qui subit en parallèle une offensive du capital mondialisé, pour changer le cours de sa politique, jugée dangereuse par les Etats-Unis. L'intervention, à peine camouflée, de l'impérialisme contre tous les Etats américains qui avaient choisi une voie souveraine de développement, vient donc de remporter un succès que la diplomatie US voudrait étendre à Brasilia.

En effet, les deux plus fortes économies de l'Amérique latine, l'Argentine et le Brésil, constituent un élément déterminant de la survie des autres expériences démocratiques de ce continent, celles du Venezuela, de la Bolivie et de l'Equateur.

L'économie de ces pays, et leur solidarité politique sont liée à celles des deux Etats visés par Washington. S'ajoutent bien sûr, les menaces de subversion interne téléguidées par la CIA contre le pouvoir légitime de Nicolas Maduro à Caracas, où les élections législatives doivent avoir lieu le 6 décembre prochain, et celui de Rafael Correa, à Quito. Ainsi si l'oligarchie a remporté la victoire hier en Argentine, et peut-être demain au Brésil, c'est que dans ces deux pays, la bourgeoisie nationale n'a pas conduit le changement jusqu'au bout, en poussant les feux du démantèlement des forces oligarchiques, qui ont conservé la domination réelle de l'économie, donc d'une puissance de nuisance politique considérable. Les hésitations et l'opportunisme des dirigeants argentins, s'appuyant sur une popularité populaire entretenue par la distribution des dividendes de l'économie, sans jamais révolutionner celle-ci, n'ont plus permis de poursuivre sa politique, du fait de la crise internationale. Celle-ci ne permettant plus de poursuivre la distribution des surplus, la situation ainsi créée a conduit nombre d'Argentins à succomber aux sirènes de la droite oligarchique, lui promettant le changement. Les dirigeants brésiliens ne semblent pas en tirer les leçons.

Jean Levy

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