Pas de quoi être fier, ou les vanteries de Gribouille

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mis à jour le : 22 Août, 2019

Nous sommes abreuvés de communiqués de victoire par nos ministres, et leurs porte-parole médiatiques : la France a enfin retrouvé sa vigueur dans le monde, elle vend par centaines ses bombardiers Rafale, dont jusqu’ici personne ne voulait, à l’Inde, à l’Arabie Saoudite, au Qatar. Les mêmes ne cessent d’apeurer l’opinion sur le danger mortel représenté par ces djihadistes, qui de Syrie, du Yémen, du Mali, de Libye, nous menacent en attirant à eux quelques dizaines de jeunes délinquants, fascinés par l’aventure criminelle et intoxiqués par les « réseaux sociaux » et leurs prêches islamistes… La France, nous dit-on, est en guerre contre cette version du mal qu’et l’islamisme, menaçant jusque dans nos rues et nos églises.

Ce discours obsédant a déjà réussi à créer une islamophobie latente, que l’extrême droite xénophobe sait utiliser à son profit électoral. Il est politiquement dangereux, et profite à ceux qu’on prétend combattre. Et il est de plus irrationnel et se contredit, au point que la politique française est parfois celle de Gribouille, aux yeux du monde.

Le gouvernement indien est imprégné d’un nationalisme agressif : les Rafales venus de France lui serviront peut-être un de ces jours à mener la guerre à ses voisins musulmans, au nom d’un intégrisme hindouiste pas moins dangereux que le fanatisme islamiste.

Le plus gros client de la France en la matière est la monarchie pétrolière d’Arabie Saoudite, dont le régime Wahabite est brutal et autoritaire, au nom d’un islam intégriste qu’il répand partout en Afrique et orient, à milliards. Les Saoudiens ont financé et armé les groupes djihadistes de la vallée du Nil au Sahara, et continuent de le faire parfois au Moyen-Orient. Ils ont aujourd’hui envahi militairement leur voisin le Yémen, pour y combattre les Yéménites « Houthistes » (des chiites, les protestants de l’islam), qui ont le tort, selon eux, d’être proches de leurs concurrents iraniens. Ce faisant, ils aident à se renforcer les djihadistes d’Al Qaïda au Yémen, ceux qui ont inspiré les tueurs de Charlie Hebdo à Paris. Dans cet ouvrage, les envahisseurs saoudiens sauront, soyons en sûrs, faire bon usage des Rafales !

La cerise sur le gâteau du Gribouille de l’Elysée est la vente des bombardiers les plus perfectionnés et les plus chers de l’occident aux émirs du Qatar, qui ont permis le développement de l’Etat islamique, Daech, au détriment des autorités irakiennes, du peuple kurde, et de l’Etat national syrien. Cet Etat national qui a réussi jusqu’à présent à survivre avec difficulté à des années de guerre menée contre lui avec le soutien de l’Occident. Le Gribouille français qui, il y a des années, reprochait à ses alliés de l’OTAN de ne pas envoyer de troupes au sol contre Damas. Le Quai d’Orsay doit se résoudre aujourd’hui à constater que le seul rempart qui résiste encore à l’expansion de Daech est cet Assad qu’on décrivit si longtemps comme un mal absolu. Le temps du bon sens serait-il revenu ? En tout cas, l’amitié avec le Qatar, et la Turquie, qui contribuent encore à la destruction de la Syrie, ne va pas dans ce sens. Le drame continue, alors que près de la moitié des citoyens syriens sont aujourd’hui des réfugiés, affluant en Méditerranée.

Gribouille continue jusqu’à présent à se féliciter de ses succès. Ils sont en effet évidents pour tout observateur, même myope : en même temps que nos télévisions chantaient nos ventes de Rafales, elles ne pouvaient cacher totalement la destruction qui continue des industries françaises. Vallourec dans le Nord, va fermer, et le transporteur Dentresangle est acheté par des capitalistes étatsuniens, qui en tireront le maximum de profits, avant le dépeçage probable. Quelques milliers d’emplois productifs supprimés par mois, dans le tsunami ravageur, depuis trente-cinq ans. En 1975, la part de l’industrie dans le PIB de la France dépassait 30% ; en 2014, elle est de 19,4%. Quant aux emplois industriels, ils sont passés de 6,2 millions en 1973 à 3,1 millions en 2014 ; et la dégringolade s’accélère ces temps derniers, dépasse 1,2% en un an…

Dans le monde actuel, soumis à la logique du capitalisme, les possesseurs de capital l’investissent où ils escomptent un profit maximum, sans tenir compte des frontières, c'est-à-dire là où les salaires sont les plus bas. Dans cette optique, la France a vocation à devenir une province européenne, désert Industriel qui vend des armements, du tourisme culturel et paysager, ses châteaux et ses plages. L’exposition universelle de Milan l’illustre, avec un pavillon français consacré aux vertus de la baguette de pain nationale et des petits plats mijotés : l’idéal d’un pays qu’on voudrait limité à ses bourgeois urbains, loin des périphéries peuplées de chômeurs et salariés précaires, réduits à exiger de bonnes primes de licenciement quand l’entreprise disparait.
Un pays de Gribouille, où le discours grandiloquent est à l’envers du déclin national.

fRANCIS aRZALIER

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