congrès PIT CNT Uruguay

Le congrès de la centrale syndicale uruguayenne PIT- CNT s’est déroulé dans un contexte marqué sous des formes diverses par une même poussée des masses ouvrières et populaires sur tout le continent, en Bolivie, en Equateur, au Venezuela, au Brésil, au Mexique et jusqu' aux Etats-Unis. Masses qui clament leur volonté de vivre libres et souveraines, leur refus d’une politique qui, au nom du paiement de la dette externe et de la « bonne gouvernance », détruit leurs maigres droits arrachés au prix de dures luttes et leurs nations.

En Uruguay, le 10 octobre dernier, participant de ce mouvement, des millions d’électeurs portaient au gouvernement le Frente Amplio (alliance des partis de gauche et des organisations ouvrières et populaires).

Dans la foulée, par la mobilisation avec la centrale syndicale, travailleurs et jeunes imposaient la rupture avec le traité de libre commerce (TLC) que voulait leur imposer le capital américain. Puis le congrès de la centrale votait majoritairement contre l’adhésion à la prétendue « nouvelle confédération syndicale internationale » : la CSI (sur ce sujet voir notre numéro 214-215 d‘Informations internationales).

Dans ce contexte, nous avons rencontré Ariel Quiroga, militant syndicaliste.

Entretien avec Ariel Quiroga, syndicaliste de la PIT- CNT (centrale syndicale unique d’Uruguay)

Le IXe Congrès de la PIT- CNT (centrale syndicale unique d’Uruguay) a adopté deux résolutions d’une particulière importance : le rejet de la signature du traité de libre commerce (TLC) avec les Etats-Unis et le refus d’adhérer à la Centrale syndicale internationale (CSI) nouvellement créée. Est-ce également ton avis ?

Ces deux décisions sont en effet très importantes. Elles affirment la souveraineté du pays et l’indépendance de la PIT- CNT .

Dans les deux cas, il s’agissait de propositions qui font partie de la stratégie du gouvernement de Bush. Il cherche à appliquer son plan de guerre et de destruction des nations à travers des accords commerciaux comme le traité de libre commerce et à soumettre l’indépendance du mouvement syndical à la « gouvernance démocratique » des institutions comme le FMI et la Banque mondiale. Cela est d’ailleurs explicité dans la déclaration de principes de la nouvelle CSI.

En organisant la mobilisation pour le rejet de la signature du traité de libre commerce, la centrale syndicale d’Uruguay a joué un rôle déterminant dans la décision prise ultérieurement par le président Tabaré

Vasquez et le gouvernement de Frente Amplio, qui réunit les partis de gauche et les organisations ouvrières et populaires uruguayennes, de ne pas signer le traité de libre commerce avec les Etats-Unis. Il ne pouvait en être autrement, alors qu' une grande partie des millions de jeunes et des travailleurs qui ont donné la victoire au Frente Amplio ce 31 octobre 2006 sont organisés dans le cadre de la centrale.

Travailleurs et jeunes, nous ne voulons pas du traité de libre commerce parce que nous ne voulons pas des privatisations ni de l’eau, ni de l’ANTEL (entreprise nationale de téléphonie — NDT), ni d’aucune entreprise ou service public. Nous ne voulons pas que ferment d’autres industries comme les industries métallurgiques et textiles. Nous voulons qu' il n’y ait plus de chômage, qu' il ne manque ni infrastructures scolaires ni services dans les hôpitaux, nous ne voulons pas que les caisses de retraite (BPS — NDT) soient démantelées par les fonds de pension (AFAP — NDT).

C’est pour cela que nous appuyons la décision du gouvernement de ne pas signer le traité de libre commerce.

Le gouvernement vient d’annoncer un train de mesures concernant notamment la réforme de la santé, de l’Etat… qu' en est-il exactement ?

Le gouvernement se fixe en effet comme objectifs pour l’année prochaine des mesures telles que la réforme des impôts, la réforme de l’Etat et de la santé. Comment comprendre ? Ces mesures étaient inscrites dans la logique du traité de libre commerce.

Par exemple, l’abaissement de 50 % de l’apport patronal des entreprises publiques au BPS (caisses de retraite) ou la réforme de l’Etat, qui préconise de modifier le statut des fonctionnaires, ou, en ce qui concerne la réforme de la santé, l’annonce qu' il y aura un apport égal de tous au nouveau système, sans expliquer s’il y aura une prestation égalitaire des soins.

Ne s’agit-il pas là des réformes qui ont conduit les jeunes, les travailleurs à mettre Frente Amplio à la tête du gouvernement, qui se sont mobilisés par la suite pour le rejet du traité de libre commerce ? Comment comprendre qu' on fasse rentrer par la fenêtre ce que le peuple a chassé par la porte ?

Tu as pris l’initiative, avec d’autres militants syndicalistes, d’une lettre ouverte à la direction de la PIT- CNT . Quel en est le but ?

Il a été possible, avec l’appui de la centrale syndicale, d’amener le gouvernement du Frente Amplio à ne pas signer le traité de libre commerce avec les Etats-Unis.

Les signataires de la lettre s’adressent donc à la direction de la PIT- CNT pour lui proposer d’appeler à la mobilisation la plus large dans le but d’obtenir que le gouvernement prenne d’urgence les mesures suivantes : ne pas payer la dette externe, pour pouvoir ainsi investir dans la santé publique et dans l’éducation publique ; toute mutuelle ou service de santé privé qui ferme doit être étatisé pour organiser un système de santé. Depuis le

19 décembre 1992, la majorité des Uruguayens (72 %) se sont prononcés contre toute privatisation des entreprises et des services publics. Il ne s’agit pas d’associer ceux-ci au privé, comme le propose la « réforme de l’Etat », ni non plus de remettre en cause le caractère inamovible des fonctionnaires.

Le mandat du 31 octobre 2006, c’est la ratification de tous les référendums antérieurs (contre les privatisations — NDT).

Ces mesures de gouvernement peuvent et devraient, selon nous, s’appliquer tout de suite, parce que c’est ce qu' exigent et la situation et l’immense majorité de ceux qui ont placé le Frente Amplio au pouvoir. Justement, le fait d’avoir cette majorité permet d’appliquer ces mesures dès aujourd’hui, dans la continuité de la décision de ne pas signer le traité de libre commerce avec les Etats-Unis.

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