"Il ne faut pas faire de l'idéologie avec l'économie", déclare le président mexicain Vicente Fox

Présent à Vienne pour le 4e sommet entre les pays d'Amérique latine et l'Union européenne, le président mexicain, Vicente Fox, critique vertement, dans un entretien au Monde, les idées protectionnistes et nationalistes dommageables, selon lui, au développement de l'Amérique centrale et du Sud. A l'inverse de ses homologues bolivien et vénézuélien, Evo Morales et Hugo Chavez, Vicente Fox défend "avec passion le libre-échange juste et équitable". Il plaide, insiste-t-il, en faveur de "l'économie de marché socialement responsable, (de) politiques sociales vigoureuses capables de redistribuer le revenu national et de réduire la pauvreté", et pour "l'intégration régionale". Et d'ajouter : "L'immense majorité des pays latino-américains partage ce point de vue", malgré les décisions récentes d'Evo Morales de nationaliser le secteur énergétique bolivien, et d'Hugo Chavez de se retirer de la Communauté andine des nations (CAN).

Dans une partie du monde qui vire à gauche, Vicente Fox a été porté au pouvoir, en 2000, par une formation de droite, le Parti d'action nationale (PAN). Il n'hésite pourtant pas à invoquer le patriarche de l'indépendance sud-américaine, Simon Bolivar, tout comme Hugo Chavez avec sa "révolution bolivarienne". Mais M. Fox en tire un autre enseignement : "En Amérique latine, dit-il, nous devons poursuivre le rêve de Bolivar et intégrer nos pays".

Pourtant, la coopération régionale a été mise à mal ces derniers mois. Fin avril, Hugo Chavez a ainsi accusé les pays andins signataires d'un traité de libre-échange avec les Etats-Unis de pratiquer la "bigamie" à l'égard de leur bloc régional. "Il n'est pas correct de vouloir imposer à d'autres pays ses propres positions", corrige M. Fox.

A son avis, les traités bilatéraux avec les Etats-Unis et l'intégration latino-américaine "sont tout à fait compatibles". "Mon point de vue diffère complètement (de celui du président Chavez) et je parle à partir de l'expérience du Mexique", tient-il à préciser avant de souligner : "Grâce à l'accord commercial avec le Canada et les Etats-Unis, nous avons dégagé un excédent commercial de 75 milliards de dollars avec ces deux pays et nous avons signé des accords avec l'Union européenne, le Japon, le Chili, la Colombie et le Venezuela". Quant à l'union douanière sud-américaine du Mercosur, M. Fox note : "Nous avons un statut d'observateur au Mercosur, à la Communauté andine des nations et à celle d'Amérique centrale. Ce qu'un pays peut faire de mieux est de tisser un réseau d'accords." Ce qui l'amène à plaider : "Il ne faut pas faire de l'idéologie avec l'économie !".

Pour lui, ces traités doivent dépasser le cadre uniquement commercial. Les récentes manifestations de "Latinos" aux Etats-Unis contre un projet de loi sur l'immigration ont en effet posé la question de la libéralisation de la circulation des hommes, au même titre que celles des capitaux et des marchandises. "L'Alena (l'accord d'association entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada) n'existe que depuis dix ans, mais nous envisageons d'approfondir notre intégration", affirme le président mexicain. Soulignant que l'avenir de la nouvelle loi américaine sur l'immigration, qui concerne au premier chef les illégaux mexicains, "se trouve entre les mains du Congrès américain", Vicente Fox se dit "optimiste". "J'attends une décision favorable pour les deux pays", précise-t-il.

A six mois de la fin de son mandat présidentiel, M. Fox tire un bilan positif de son action. Récusant avoir déçu ses électeurs avec des promesses de changement non tenues, il évoque pêle-mêle "les ordinateurs et Internet dans toutes les écoles, y compris dans celles établies dans les communautés indigènes reculées", une croissance de 5 % et "le taux de pauvreté le plus bas de notre histoire", des réserves financières plus importantes que la dette extérieure, ainsi que la construction de logements "multipliée par trois". Il admet, toutefois, que les principales réformes sont restées bloquées au Congrès, faute de majorité. "Ni réforme fiscale, ni réforme des retraites, ni réforme de l'énergie", déplore-t-il. Cette tâche reviendra à son successeur qui sera peut-être issu, comme lui, du PAN. Son candidat, Felipe Calderon, recueille, depuis peu, davantage d'intentions de vote que le champion de la gauche, Andres Manuel Lopez Obrador, longtemps favori dans les sondages. Alors que la campagne fait rage, M. Fox refuse de joindre sa voix à ceux qui prétendent voir en M. Lopez Obrador un émule de M. Chavez, voire une menace pour le pays. Pour lui, "la démocratie est irréversible au Mexique".

Paulo A. Paranagua

Sommaire