Des analyses du coup d'état au Honduras qui convergent et se complètent.

Coup d’État au Honduras : le retour des Gorilles ou la tactique du travail de sape ?

Lu sur OCL : "Le 28 juin dernier, le président du Honduras, M. Manuel Zelaya, a été renversé ; séquestré en pleine nuit et expulsé au Costa Rica. Ce coup d’Etat est de toute évidence la réponse de la droite locale et de l’oligarchie, sinon à la peur d’un glissement « à gauche » du pays, du moins à la mise en place d’une nouvelle constitution pouvant remettre en question la totalité de son pouvoir économique. Cette proposition de nouvelle constitution devait se faire sous la forme d’un référendum posant la question de son opportunité : « Etes-vous d’accord pour que, lors des élections générales de novembre 2009, soit installée une quatrième urne pour décider de la convocation d’une Assemblée nationale constituante destinée à élaborer une nouvelle Constitution politique ? » Le 24 juin, soit 4 jours avant le golpe, le général Roméo Vásquez, chef d’état-major des armées, avait été destitué pour avoir refusé de participer à l’organisation de la consultation. Destitution qui a entraîné la démission du ministre de la Défense. Tout est allé ensuite très vite. Le texte que nous publions ici, écrit par J.A. Gutiérrez, un camarade chilien, donne un éclairage sur les enjeux internes au Honduras et sur l’état des forces en présence. Et également des éléments du contexte régional/continental.

Analyse sur les évènements du Honduras et le dilemme qu' un coup d’État indéfendable pose à l’oligarchie du Honduras : s’accrocher à la stratégie des “gorilles” ou utiliser la conjoncture pour saper le réformiste Zelaya, afin de reconquérir l’hégémonie absolue dans l’espace politique. De manière égale, nous posons le dilemme auquel font face les forces qui s’opposent aujourd’hui au putsch : ou on permet que la crise se résolve par le haut, au niveau institutionnel, ce qui laisse intactes les racines du problème, ou le putsch est mis en échec par une mobilisation populaire de masse qui, non seulement blesserait à mort l’oligarchie, mais fortifierait le peuple du Honduras dans son rôle d’acteur politique de poids.

Les sabres luisent de nouveau dans des terres latino-américaines

Les coups d’État et les processus de déstabilisation orchestrés depuis Washington se sont succédés dans divers pays où l’on met en oeuvre des gouvernements réformistes qui peuvent s’avérer inconfortables pour la digestion des élites hémisphériques - le Venezuela 2002, Haïti 2004, Bolivie 2008. Cette fois c’est le tour du Honduras, dont le président Manuel Zelaya a été renversé par des militaires et exilé au Costa Rica. Entretemps Zelaya avait été séquestré par les militaires et, au Congrès on lisait une lettre écrite par Zelaya (qui s’est avérée fausse) dans laquelle il renonçait à sa charge comme président. En même temps, et tandis que divers parlementaires dénonçaient la conduite présidentielle mettant en danger l’ “État de droit” ils l’accusaient de violations multiples et imaginaires de la Constitution, le destituaient de sa charge, laquelle était assumée par le président du Congrès, Robert Micheletti (qui, comme Zelaya, est membre du Parti Libéral).

Le putsch s’est produit le jour même où devait avoir lieu une consultation des citoyens, convoquée par Zelaya, sur la nécessité de changer la Constitution, rédigée en 1982, quand le pays sortait d’une dictature militaire - soutenue par les USA - extrêmement brutale qui avait détenu le pouvoir de 1972 à 1981. En cas de réponse favorable, une Assemblée constituante devait être convoquée en novembre.

Cette proposition a fait face à une opposition acharnée des secteurs réactionnaires de l’oligarchie hondurienne, qui contrôlent le législatif, la Cour suprême et l’armée, et qui sont réunis sous la bannière incontestée de l’ultra- conservateur Parti National du Honduras. Ces secteurs s’opposent à la plus petite réforme qui peut produire la plus petite mise en question de sa domination absolue sur le Honduras. Le pouvoir Judiciaire, en coordination avec ses alliés du corps législatif, s’est empressé de déclarer le référendum inconstitutionnel ce jeudi 25 juin ; le décor pour le putsch était mis en place. Les tanks sont sortis dans les rues dimanche 28 aux premières heures en direction de la résidence de Zelaya, et par conséquent ont annulé le référendum et réglant ainsi (ou croyant régler) par la force le différend entre les pouvoirs étatiques. [1]

qu' en est-il de la stratégie “golpiste” ?

Le Honduras est un pays qui, comme nous le mentionnions, n’est pas étranger à l’histoire, partagée dans notre continent, des dictatures militaires, lesquelles ont occupé toute la période des années 60 et 70. Dans les années 80 cette histoire de violence de classe et de terrorisme d’État continua sous la forme d’un régime “démocratique” sous lequel a proliféré le paramilitarisme, qui a coûté la vie à des milliers de paysans et travailleurs honduriens, et qui a servi de plate-forme pour le terrorisme des Contras qui a dévasté le Nicaragua. Ces opérations étaient directement dirigées par John Negroponte, ambassadeur américain au Honduras. La présence américaines s’est également exprimée de manière physique par l’existence d’une base militaire des USA avec au moins 500 soldats américains sur le sol hondurien. C’est de cette dynamique politique et sociale que s’est nourri un puissant système de domination comprenant une oligarchie absolument coloniale et une armée imprégnée par la propagande sur la doctrine de sécurité nationale.

Zelaya est loin d’être un révolutionnaire : c’est un membre du Parti Libéral, qui est passé à une tendance réformiste, un peu plus à gauche que la majorité de son parti, et qui a mis en place certaines réformes sociales (y compris la nouvelle constitution). Ce qui inquiète le plus l’oligarchie hondurienne c’est l’entrée du Honduras dans l’ALBA, initiative d’intégration latino-américaine conduite par le Venezuela. Toutefois, comme nous l’avons indiqué à d’autres occasions, la “radicalité” d’un mouvement ou d’un politicien dirigeant ne peut pas être mesurée en termes absolus, mais doit être comprise dans son contexte : dans ce cas, la “radicalité” de Zelaya n’émane pas de sa propre politique, mais de l’opposition absolue de l’oligarchie à tout compromis ou à quelque changement que ce soit. Ce n’est pas que Zelaya soit vu comme un “radical” parce qu' il est socialiste, mais par le caractère complètement néanderthalien de l’oligarchie hondurienne. Ce paradoxe c’est ce qui a fait que la lutte pour des réformes, pourtant assez tièdes en Amérique latine, a été le fondement de luttes révolutionnaires.

La stratégie putschiste intègre ce paradoxe, pour s’opposer au réformisme dans le contexte latino-américain, qui consiste à adopter des formes de “contre- révolte” en l’absence d’un mouvement révolutionnaire et peut se résumer à ce qui suit : la nécessité de freiner tout processus de changement social, si timide soit-il. Le grand problème pour l’oligarchie est que l’époque où une dictature militaire pouvait être acceptée sans complication est révolue. Nous ne sommes plus dans les années 70 et les USA sont plus intéressés à garder des aspects démocratiques en utilisant d’autres méthodes plutôt qu' en imposant sa volonté au moyen du raccourci des coups d’État. Pour cette raison, la stratégie putschiste présente comme principal inconvénient pour cette oligarchie, qu' elle n’est pas soutenable à long terme dans le contexte du Honduras. [2]

Le scénario compliqué du post-putschisme.

Les forces putschistes, tout comme celles qui s’y opposent, doivent avoir leurs contradictions internes. Il est probable qu' il y ait des éléments qui en ce moment fantasment sur un retour au “gorillisme” pur et dur qui détruisit l’Amérique latine pendant les quatre décennies passées. Mais d’autres éléments doivent être bien conscients qu' il est hautement improbable que cette aventure putschiste puisse se prolonger longtemps. Ils savent que, après la “secousse putschiste” sur la scène politique hondurienne, il est nécessaire d’avoir un plan B pour quand il faudra rétablir l’ordre constitutionnel. Pour eux le putsch serait seulement un élément dissuasif dans une stratégie plus vaste pour reprendre le contrôle absolu et l’initiative politique par l’usure politique de l’adversaire. Le putschisme comme un élément dissuasif a été appliqué de manière magistrale à Haïti pendant le premier gouvernement du prêtre réformiste Jean Bertrand Aristide. après avoir été renversé en septembre 1991 par un putsch financé et soutenu par la CIA, Aristide se réfugia aux USA, où commença une longue période de négociations avec les autorités américaines (les mêmes qui étaient derrière le putsch) et, après une série de concessions, il est réinstallé au pouvoir trois années plus tard, avec l’aide de 20 000 US Marines qui occupent Haïti, ce qui, à la fin, conduit à la dictature de Cedras. [3]

Pendant cette période, les USA réussissent à “modérer” suffisamment Aristide pour que, au moins momentanément, il ne représente pas “une menace” [4] : il a été réduit à une position principalement de défense, essayant à tout moment d’apparaitre aux yeux du gouvernement des USA comme une personne aussi raisonnable et inoffensive que possible. Ainsi, il a été enfoncé, chaque fois plus, dans un marais de concessions et d’atermoiements, laissant à son peuple l’espoir que la solution viendrait de son union et non d’une “offensive venant des rues ou des montagnes”. [5]

Quand Aristide reviendra au pouvoir, arrive avec lui un paquet d’ajustements structurels de l’économie haïtienne qui a renforcé le modèle néo-libéral et accru la paupérisation de la société haïtienne. Il est probable que le putschisme hondurien cherche par sa stratégie légèrement semblable à l’exemple haïtien (même si c’est dans un moindre laps de temps) : gagner du temps, “calmer” Zelaya par l’usure (lequel n’est en aucun cas un radical) et chercher la médiation internationale pour obtenir un “accord” entre les parties qui finisse par exorciser définitivement le spectre des réformes sociales d’une certaine ampleur. Que la CIA ait été ou non derrière le putsch (et même si elle n’y a pas été directement - chose qui est probable -, elle l’est indirectement puisque touts les généraux putschistes sont héritiers de l’École des Amériques) [6], les USA n’ont pas aujourd’hui, par eux seuls, capacité de jouer le rôle d’ “assouplir” Zelaya. En outre, le contexte actuel latino-américain ne le permettrait pas. Un tel rôle resterait dans des mains, principalement, de l’OEA, mais aussi de la Communauté internationale étendue : l’UE et les USA. La “Communauté internationale” (y compris l’ONU) [7] s’est prononcée rapidement contre le putsch et a rejeté l’éjection de Zelaya, en lui réitérant son appui. [8]

Ce rejet a été particulièrement catégorique de la part des pays latino-américains et de ceux de l’ALBA. Le président vénézuélien Hugo Chávez est allé jusqu' à déclarer que ses troupes étaient en alerte étant donné l’agression dont a souffert son ambassadeur au Honduras par les troupes putschistes. [9] sans rejeter le putsch ni soutenir Zelaya. Seulement après les signaux envoyés par Chávez et par le président de l’Assemblée Générale de l’ONU, Miguel D’Escoto, en ce qui concerne l’intervention américaine probable dans le putsch, les USA finissent par reconnaître par le biais d’un anonyme fonctionnaire du Département d’État (plus pour sauver la face qu' autre chose), que Zelaya est le seul président légitime de Honduras. [10] Il n’a sans doute pas bien compris la diatribe de D’Escoto : “Beaucoup se sont demandés si cette tentative de putsch faisait partie de cette nouvelle politique (des États-Unis vers l’Amérique Latine) puisque il est bien connu que l’Armée hondurienne a des liens historiques d’allégeance totale avec les États-Unis”. [11].

Tout indique que l’oligarchie et l’armée ne pourront pas maintenir le putsch et qu' il leur reste seulement à voir comment ils pourront obtenir une “solution politique” qui peut, pour l’instant, prendre la forme d’un “compromis” les deux parties, mais qui lui permet de rester mobilisée pour pouvoir reprendre à nouveau sa domination absolue à moyen terme. Ce rôle politique pourrait être joué par l’OEA, laquelle, comme presque tous les gouvernements, a exprimé son rejet du putsch non dans des termes du contenu classiste qu' il incarne, mais par rapport à la défense de “l’État de droit”. Les marques du terrain sont ainsi plantées pour les deux équipes : on n’accepte le débordement de la Constitution ni par la droite ni par la gauche, ou pour être plus précis, on rejette le débordement par la droite, précisément, pour éviter le débordement par la gauche. Ce qui est défendu c’est “l’État de droit” qui, en dernier ressort, est, concrètement, l’ordre social capitaliste. Cette croisade démocratico- bourgeoise peut être conduite de manière magistrale par l’OEA, laquelle, selon les termes du directeur de Human Rights Watch, José Miguel Vivanco, “a un rôle clef à jouer (pour) trouver rapidement une solution multilatérale à cette rupture de la démocratie en Honduras”. [12]

Ce rôle de retenue qui est cherché dans l’OEA, est le même que celui que l’UNASUR a joué dans la crise bolivienne de fin 2008, quand on a condamné le massacre de Pando, mais il a été souligné que la condamnation des évènements est à comprendre du point de vue “de la défense de l’État de droit”, en cherchant, en même temps, à démobiliser le peuple. Avec cette tactique, qui cherche une solution “multilatérale” (avec le putschisme), l’oligarchie hondurienne essaiera de s’ouvrir un espace politique dans les canaux institutionnels porteurs du réformisme, tout en rayant de l’agenda politique toute réforme substantielle ou toute perspective de radicalisation du processus politique. À bas le putsch ! Renforcer la Mobilisation Populaire ! Libertaires, joints à tous les révolutionnaires conséquents, nous nous plaçons sans équivoque du côté des forces qui s’opposent au putsch. Nous ne pouvons pas permettre que le gorillisme relève la tête dans aucun pays de notre région, qui a déjà souffert des nombreuses dictatures : nous ne pouvons rester les bras croisés, nous déclarant “neutres” devant le spectre d’une nouvelle dictature. Nous ne cessons d’affirmer notre position de manière claire et catégorique.

Le gorillisme doit être extirpé jusqu' à sa racine et nous croyons que cela ne peut pas se faire depuis en-haut, depuis les hauteurs bureaucratiques de la “Communauté internationale”, comme le prétendent les secteurs de la bourgeoisie et du réformisme. Le seul qui puisse extirper les profondes racines du gorillisme putschiste c’est le peuple mobilisé dans les rues, dans les campagnes, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités pour arrêter cette aventure militaire. Dans le scénario complexe post-putsch c’est ce peuple qui peut se transformer en acteur du renversement définitif de l’équilibre des forces dans la société hondurienne pour atteindre des changements de fond. Ce peuple qui, vainquant sa peur, a commencé à se mobiliser, en passant d’une centaine de manifestants aux abords du palais du gouvernement le matin à plusieurs milliers en ce moment, et qui commence à se mobiliser massivement dans toute la capitale Tegucigalpa comme en d’autres points du pays. Bien que ce qui mobilise les manifestants soit plus que la défense de Zelaya, et avec lui, la défense d’un projet de réformes assez tiède, c’est dans la mobilisation que le peuple apprend à combattre et à construire son projet. Toute mobilisation renferme la possibilité de radicalisation des masses, surtout si nous considérons que cette protestation spontanée est un acte de défi envers une oligarchie aussi têtue, réactionnaire que criminelle. Si les masses sont radicalisées et impulsent définitivement le processus vers la gauche, l’oligarchie verra s’évanouir son plan dissuasif, pour “ramollir” le projet politique de Zelaya. L’oligarchie semble faire fi de ce facteur (le réformisme également). Et c’est ce facteur qui pèse plus en fin de compte. [12]

De la manière dont se résoudra ce conflit, dépend le futur du changement social au Honduras : si la crise est résolue par en haut, essentiellement par les canaux institutionnels [13], le résultat sera, sans aucun doute, le compromis et la collaboration des parties, avec comme conséquence le retour au statu quo. Si la crise, par contre, est résolue par le bas, et le putsch est essentiellement [14]freiné par le peuple mobilisé dans les rues c’est alors la possibilité que le peuple avance vers un projet plus radical et qu' il réussisse à écraser la résistance de l’oligarchie au changement. Même si le résultat sera loin d’être la révolution sociale, il laissera posées les bases pour que le peuple entreprenne ce chemin de longue haleine et laissera un peuple qui aura gagné en expérience et en confiance dans ses propres capacités. Et c’est cette possibilité qui fait trembler l’oligarchie.

José Antonio Gutiérrez D, le 28 juin 2009

Notes

[1] Sur la polémique du référendum http://criticadigital.com/impresa/index.php?secc=nota&nid=26666
[2] le seul pays de l’Amérique où cette stratégie a pu être soutenable sur une période considérable de temps est Haïti. Mais Haïti est un cas absolument exceptionnel dans le contexte latino-américain, un pays extrêmement dépendant, appauvri, attardé et avec une oligarchie indubitablement la plus rétrograde de tout l’hémisphère. Mais à Haïti les impérialistes ont dû encore recourir à des façades démocratiques pour soutenir le putschisme (une force dépendante de l’ONU, la MINUSTAH, et le rôle d’un président choisi "démocratiquement", Preval). Pour davantage de détails sur ce processus revoir : http://www.anarkismo.net/article/1063 http://www.anarkismo.net/article/2078 http://www.anarkismo.net/article/2698 http://www.anarkismo.net/article/4651
[3] Pour davantage de détails sur ce processus, lire, dans une perspective social-démocrate, le livre d’Alex Dupuy "Haïti in the New World Order", Westview Press, 1997, pp.140-166. On peut aussi lire, dans une perspective révolutionnaire, "The Unmaking of à President" de Kim Ives, dans "The Haïti Files" (ed. James Ridgeway), Essential Books, 1994, pp.87-103.
[4] Au moins momentanément, parce qu' ensuite en 2004 Bush considère à nouveau Aristide persona non grata et il est renversé dans un nouveau coup d’État.
[5] Kim Ives, op. cit., p.95
[6] en tout cas, le même gouvernement des USA a admis être entré en contact, très récemment, avec l’armée du Honduras par rapport à la "crise" http://espanol.news.yahoo.com/s/280...
[7] http://espanol.news.yahoo.com/s/ap/.... ras_2
[8] http://espanol.news.yahoo.com/s/reu.... nes_1
[9] les ambassadeurs Cuba et du Nicaragua ont été aussi attaqués http://espanol.news.yahoo.com/s/28062009/54/n-latam-ee-uu-encabeza-reconocimiento-zelaya.html
[10] http://espanol.news.yahoo.com/s/ap/090628/latinoamerica/amc_gen_honduras_reacciones
[11] http://espanol.news.yahoo.com/s/reuters/090628/latinoamerica/latinoamerica_honduras_obama_zelaya_1
[12] http://espanol.news.yahoo.com/s/28062009/54/n-latam-ee-uu-encabeza-reconocimiento-zelaya.html
[13] hhttp://espanol.news.yahoo.com/s/28062009/54/n-latam-ee-uu-encabeza-reconocimiento-zelaya.html
[14] Je dis « essentiellement », parce qu' il n’y a pas un facteur unique pour résoudre la crise : agissent des éléments institutionnels (la Communauté internationale, par exemple), ainsi que des facteurs populaires (les secteurs populaires qui sont dans la rue). Aucune tactique ne peut être exclue, toutes sont nécessaires, mais la stratégie réformiste privilégie le facteur institutionnel (terrain sur lequel l’avantage est à l’oligarchie), tandis que la stratégie révolutionnaire doit privilégier le facteur populaire (mais la pression envers les acteurs institutionnels n’est pas exclue).

Sources : Ce texte a été publié sur le site communiste libertaire Anarkismo.net http://www.anarkismo.net/article/13596

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Le coup d’État au Honduras : Obama est-il innocent ?

Michael Parenti

Beaucoup de gens se demandent: Obama est-il vraiment innocent par rapport à ce qui se passe au Honduras ? Beaucoup pensent aussi que ce président est "différent". www.michelcollon.info a demandé au fameux écrivain américain Michael Parenti son opinion à ce sujet...

Le président Obama est-il innocent, dans les événements qui se passent au Honduras et, plus particulièrement, dans le coup d’État de l’armée hondurienne qui s’est soldé par l’enlèvement et la déportation forcée du président démocratiquement élu Manuel Zelaya ? Obama a dénoncé le coup et a exigé que fussent honorées les règles de la démocratie. Pourtant, il reste un certain nombre de questions troublantes.

Primo, presque tous les officiers supérieurs de l’armée hondurienne qui ont participé au coup d’État sont des diplômés de l’École des Amériques créée par le Pentagone (et que nombre d’entre nous qualifient d’« École des assassins »). L’armée hondurienne est entraînée, conseillée, équipée, endoctrinée et financée par l’État sécuritaire national des États-Unis. Les généraux n’auraient jamais osé bouger sans le consentement tacite de la Maison-Blanche ou du Pentagone et de la CIA.

Secundo, si Obama n’était pas directement impliqué, dans ce cas, on devrait lui reprocher de n’avoir pas un contrôle ferme des agents américains qui, eux, étaient bel et bien impliqués dans l’affaire. L’armée américaine devait être au courant de l’affaire, et les services de renseignements militaires américains aussi, et ils auraient donc dû rapporter la chose à Washington. Pourquoi les gens d’Obama qui avaient communiqué avec les auteurs du coup d’État n’en ont-ils pas parlé ? Pourquoi n’ont-ils pas révélé et dénoncé l’affaire, ce qui aurait peut-être permis de la faire échouer totalement ? Au lieu de cela, les États-Unis se sont tus à ce propos et leur silence a eu pour effet de se muer en acte de complicité, même si l’intention n’y était pas au départ.

Tertio, immédiatement après le coup d’État, Obama a déclaré qu' il était opposé à l’usage de la violence pour opérer un changement et que c’était aux parties en présence au Honduras de résoudre leurs différends. Ses remarques constituaient une réponse plus tiède et étouffée à un putsch organisé par des gangsters.

Quarto, Obama ne s’est jamais attendu à ce qu' il y ait un tel tapage à propos du coup d’État au Honduras. Il ne s’est hâté de rallier les protestations contre les auteurs du coup que lorsqu' il est devenu évident que l’opposition aux putschistes était quasi universelle en Amérique latine et ailleurs dans le monde.

Quinto, Obama n’a toujours rien à nous dire sur les nombreux autres actes de répression qui ont accompagné le coup et qui ont été perpétrés par l’armée et la police honduriennes : enlèvements, passages à tabac, disparitions, agressions contre manifestants, fermeture d’Internet et suppression des quelques petits médias critiques qui existent au Honduras.

Sexto, comme me le rappelait James Petras, Obama a refusé de rencontrer le président Zelaya. Il déteste Zelaya surtout en raison de ses attaches politiques étroites et inattendues avec Hugo Chávez, le président vénézuélien. Et, à cause de ses efforts réformistes égalitaires, Zelaya est haï par les oligarques honduriens, les mêmes qui, depuis de nombreuses années, ont été proches des bâtisseurs d’empire américains qui les ont splendidement servis.

Septimo, selon une loi passée par le Congrès américain, tout pays dont le gouvernement démocratique a été victime d’un renversement militaire doit se voir refuser l’aide militaire et économique des États-Unis. Obama n’a toujours pas supprimé l’aide militaire et économique au Honduras comme il est censé le faire conformément à cette loi. Il s’agit peut-être bien de la donnée la plus importante concernant le camp auquel il est favorable.

En tant que président, Obama a une influence considérable et des ressources immenses qui auraient pu faire échouer les auteurs du coup et qui pourraient d’ailleurs toujours être appliquées contre eux avec un effet certain. Aujourd’hui, sa position à propos du Honduras est trop molle et trop tardive, comme c’est en fait le cas avec un trop grand nombre de choses qu' il entreprend.


Parmi les récents ouvrages de Parenti figurent : Contrary Notions (City Lights) ; et God and His Demons (Prometheus, à paraître). Pour de plus amples informations, visitez son site Internet : www.michaelparenti.org.

Traduit par Jean-Marie Flémal et révisé par Benoit Collet pour Investig'Action.

http://www.michelcollon.info/index.php?option=com_content&view=article&id=2164:le-coup-detat-au-honduras-obama-est-il-innocent-&catid=6:articles&Itemid=11

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Que se passe-t-il derrière le coup d’Etat au Honduras ?

Osly Hernandez

Considérant les événements qui se passent à l’échelle régionale, il devient nécessaire que nous, les militants de gauche, nous nous attachions à élaborer quelques analyses permettant de dévoiler ce qui se cache réellement derrière le coup d’Etat survenu au Honduras.

A ce propos, nous avons lu ou entendu certains raisonnements. Ils évoquent la possibilité que ce qui s’est passé en Amérique centrale soit une tentative permettant à l’empire de mesurer, avant tout coup d’Etat, la capacité de réponse des nouveaux organismes internationaux créés dans le but d’intégrer les pays d’Amérique du Sud.

D’autres points de vue, rejoignant cette prise de position, ajoutent une autre dimension. Elle consisterait, pour les intérêts capitalistes, à mesurer la capacité de réponse du mouvement populaire ainsi que les niveaux de solidarité. Elle consisterait, également, à identifier les stratégies employées afin de rompre le blocus médiatique qui accompagne habituellement la nouvelle génération des coups d’Etat .

Bien. Revoyant le contexte dans lequel se déroule l’événement, quelques autres éléments doivent être pris en compte.

Nous référant aux événements récents qui précèdent un coup d’Etat, nous découvrons que dans notre région deux débats très importants ont eu lieu. Le premier concernait le renforcement de l’ALBA qui, en plus d’accueillir de nouveaux pays, a représenté un moment historique en rejetant les conclusions du « Sommet des Amériques ».Celui-ci, en effet, n’envisageait ni la cessation du blocus de Cuba, ni les actions concrètes à réaliser face à la crise du système capitaliste. De plus, et c’était l’objet du second débat, la possibilité de ce que les pays latino-américains se séparent de l’OEA n’était pas non plus esquissée.

Dans le courant des derniers mois, de graves questions se sont posées à propos du fonctionnement de l’OEA. Jusqu' à présent , cet organisme a servi de garde-fou pour justifier les interventions répétées du gouvernement yankee dans nos pays. Cependant, depuis l’arrivée au pouvoir d'Obama, plusieurs efforts ont été faits pour redonner vie à cet organisme moribond. Le signe le plus évident fut la « soudaine » prise en considération d’incorporer Cuba. Proposition qui fut rejetée par le pays caribéen.

Bien. Surgit soudain un coup d’Etat au Honduras. Les réactions des pays de l’ALBA et de l’UNASUR( organisations animées par des gouvernements de gauche) sont immédiates. Etrangement, nous observons cependant que le gouvernement des USA d’abord, l’OEA ensuite, se distinguent face à l’événement et accordent pleinement leur appui au gouvernement « démocratiquement élu » de Manuel Zelaya. Pour la première fois dans l’histoire, étrangement, ils s’indignent devant un coup d’Etat dirigé contre un gouvernement progressiste, dans un pays où les intérêts militaires nordistes sont pour le moins importants. Pour la première fois, étrangement, ils se présentent non pas en médiateurs, mais en garants, soutenant, avec l’ONU, le retour de Zelaya dans son pays. Etrange…

Il est évident que tout ceci n’est pas innocent. Cela nous amène à nous demander ce qui se cache derrière cette soudaine crise de solidarité de l’OEA et de son tuteur, le gouvernement des USA ?

Reconsidérant les événements, tout en partageant les analyses déjà mentionnées, l’on peut dire que le principal intérêt des USA pourrait résider dans la nécessité de récupérer l’image de l’OEA, la présentant comme celle d’un organisme qui aide à résoudre les conflits en Amérique. Il s’agirait d’une mesure désespérée pour freiner sa disparition et lui faire retrouver son utilité dans le continent et ainsi empêcher les progrès des instances animées par les gouvernements de gauche, instances qui travaillent à la consolidation du projet politique bolivarien : l’unité de l’Amérique latine.

Ce scénario rendrait possible la réouverture de la discussion sur le fait de savoir si l’OEA doit disparaître ou non, un point que l‘on considérait comme dépassé. Ce scénario pose à nouveau les USA – par l’intermédiaire de ses organismes multinationaux – comme le grand sauveur dans le conflit et également comme un possible allié. Il sauvegarderait la thèse du panaméricanisme qui a fait tant de tort à nos peuples. Cette thèse que Bolivar a de tout temps combattue, lui qui a toujours considéré que la flexibilité des positions face aux pays du Nord contrecarrait le processus d’unification, comme cela s’est passé lors du « Congreso Anfictionico » de Panama.

En lisant l’histoire avec un esprit critique, pour en tirer les leçons, je crois qu' il est dangereux de permettre l’intervention de ces organismes dans la solution du conflit au Honduras, sans tenir compte des conséquences de cette intervention. Si nous ajoutons à cela la possibilité d’envisager une intervention des « casques bleus » avant que le conflit ne se radicalise, et cela afin de sauvegarder la continuité constitutionnelle du Honduras, nous pourrions peut-être laisser le plein contrôle de la situation entre les mains de l’empire, jetant par dessus bord les efforts d’indépendance déjà entrepris.

Il serait peut-être plus opportun de profiter de l’occasion pour consolider les alliances en matière de défense et cela à partir de nos propres organismes internationaux, comme l’ALBA par exemple. Ou bien de reprendre le débat sur l’organisation des peuples en vue de cette défense. Il est évident que des décisions comme celles-ci sont quelque peu complexes en ce qui concerne le débat qui doit précéder.. Cependant , si nous n’ouvrons pas ce débat en ce moment, si nous l’envisageons comme un scénario possible , nous pourrions régresser en ce qui concerne les efforts accomplis pour obtenir un niveau de conscience plus élevé dans l’identification de l’ennemi commun, c’est – à – dire l’empire nord-américain et son système capitaliste. Surtout lorsqu' il s’agit de ces pays de centre gauche qui continuent à croire que le gouvernement des USA « n’est pas si mauvais », piégeant ainsi le processus d’unification.

Nous, les peuples du monde, nous sommes fatigués des héroïsmes à la « gringo » et nous sommes prêts à défendre au péril de nos vies les processus consolidés grâce à nos leaders. Je crois que nous devons avoir foi en cette conscience qui est également cultivée dans nos corps militaires et crier au monde que notre Amérique latine ne connaît plus de frontières, que nous nous lançons à la défense de n’importe lequel de nos frères, car nous avons le droit, qui est même ancestral, d’agir ainsi.

Traduit par Jean-Pierre Plumat et révisé par Magali Urbain pour Investig'Action.

Source: Envoyé par l'auteure http://www.michelcollon.info/index.php?option=com_content&view=article&id=2180:que-se-passe-t-il-derriere-le-coup-detat-au-honduras-&catid=6:articles&Itemid=11

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Avertissement et menace pour l'Amérique latine

Le coup d'Etat au Honduras est un avertissement qu'il ne faudrait ni ignorer, ni minimiser en l'interprétant comme un fait isolé dans un pays petit et pauvre. Le putsch a eu lieu au Honduras, mais il frappe toute l'Amérique Latine et les Caraïbes: il nous montre que ce passé malheureux n'est pas complètement enterré, et que l'audace que nous avons eu en nous déclarant indépendants et souverains ne nous a pas été pardonnée.

On ne peut tirer une autre conclusion des évènements honduriens, où le coup d'Etat militaire a été la réponse à la volonté de faire de ce pays une nation plus juste et où les secteurs populaires puissent avoir une voix.

Nos peuples, avec des démocraties encore imparfaites, injustices et inégalités, ont entamé un processus d'intégration, ils ont conscience de leurs droits et ils les défendent. Ils défendent aussi leurs terres et les richesses qu'elles contiennent. Face à ceux qui veulent leur barrer la route il y a ceux qui les poussent vers l'avant. Il y a des gouvernements qui récupèrent les ressources naturelles et d'autres qui les cèdent. Néanmoins, malgré ces différences nous sommes tombés d'accord sur des points essentiels et dans ce contexte, le putsch au Honduras implique un danger généralisé.

C'est ainsi que l'ont compris l'Amérique Latine et les Caraïbes qui ont réagi de façon immédiate, unitaire et ferme, via tous les organismes d'intégration créés. Ainsi l'ont compris aussi les pays développés d'Europe, qui à travers l'Union Européenne ont exprimé, avec la signature des 27 ministres des affaires étrangères, que le renversement du président Zelaya est une violation inacceptable de l'ordre constitutionnel et ont exigé le retour de la normalité démocratique.

Des réactions similaires ont eu lieu dans tous les continents, mais il n'est pas inutile de signaler la plus faible d'entre elles: celle des Etats Unis, pays qui est supposé avoir pris aussi le chemin du changement. Le président Obama a affirmé qu'il était très préoccupé à cause des évènements, et que tous les conflits devaient se résoudre pacifiquement par un dialogue sans intromissions étrangères, et demanda à tous les acteurs politiques et sociaux du Honduras de respecter les normes démocratiques et la Charte Démocratique de l'Organisation des Etats Américains.

Mais avant d'analyser les positions de la nouvelle administration états-unienne il est important de connaître les causes du putsch contre le président hondurien.

Le péché de Zelaya

Manuel Zelaya fut le candidat du Parti Libéral qui est un des deux partis politiques traditionnels qui ont se sont relayés au pouvoir pendant les périodes non dictatoriales. Même si ces deux partis peuvent être considérées comme appartenant à la droite politique, le Parti Libéral a revendiqué depuis quelques années une ligne progressiste, et il appartient tout de même à l'internationale Socialiste, de tendance social-démocrate. Zelaya connut dès le début l'opposition des médias qui sont tous, sans exception, de droite. Il fut élu par avec une marge étroite face à son rival du Parti National et fut ratifié comme président après la visite interventionniste d'une envoyée de l'alors président Bush.

Au gouvernement, la gestion du chef d'Etat s'est orientée vers la recherche d'une plus grande justice sociale, ce qui déclencha une forte opposition de ses adversaires politiques et même de certains responsables de son propre parti. Son plus grand rival fut et continue à être Roberto Micheletti, président du Congrès (Assemblée) qui aujourd'hui, grâce au coup d'Etat, arbore le pouvoir présidentiel. Michelleti est un président frustré: il perdit à chaque fois qu'il voulut être candidat de son parti à la fonction suprême. Il fut battu par Zelaya mais aussi par celui qui a été choisi pour briguer la présidence lors des élections prévues pour le 29 novembre.

Parmi les différentes mesures mises oeuvre par Zelaya on peut en citer une, basée sur la Loi de Participation Citoyenne, promulguée sous son mandat. Cette loi affirme que les citoyens peuvent demander au président d'appeler à un référendum, dont le résultat a juste une valeur consultative, sur un sujet qu'ils estiment digne d'intérêt. Plus de 400.000 personnes ont sollicité que l'on consulte le peuple à propos de la mise en place d'une Assemblée Constituante. Ce type de référendum, selon la loi, doit être effectué par l'Institut National de Statistiques et n'a d'autre but que de connaître ce que le citoyen lambda pense sur un sujet lambda.

C'est cela que l'on voulait demander au peuple le jour où le coup d'Etat s'est produit. Et la question était:

"Etes vous d'accord sur le fait que lors des élections générales de novembre 2008 une quatrième urne soit installée dans le but de demander au peuple s'il souhaite la mise en place d'une Assemblée Constituante?"

"Oui.... Non".

La quatrième urne allait s'additionner aux autres trois prévues pour les élections générales: une pour le président de la république, une autre pour les parlementaires et une troisième pour maires et bourgmestres. Le mandat de Zelaya arrive à terme en Janvier, et donc, tout ce qui concerne l'appel à l'Assemblée Constituante aurait dû être traité par son successeur, par conséquent, il n'existait pas l'ombre d'un projet parlant de réélection présidentielle d'une façon ou d'une autre.

La vraie cause du problème n'a rien à voir avec cela. Le Honduras a une constitution élaborée en 1982, sous le régime dictatorial du général Policarpo Paz Garcîa, et ses 8 premiers articles sont déclarés "immuables": jamais ils ne peuvent être modifiés. Et la raison est très simple: ces articles définissent un type de régime autoritaire et protecteur des intérêts de certains secteurs, lesquels ne sont pas disposés à céder le pouvoir. Celui qui essaiera de modifier la constitution sera considéré comme "traître à la Patrie".

Voilà l'origine du putsch, mais il a d'autres éléments.

"Surtout pas de coups d'Etat"

Revenons sur la réaction initiale du président Obama. A Tegucigalpa, la capitale, des gestions étaient en cours pour trouver une issue au conflit dans les jours qui ont précédé le putsch. Dans ces pourparlers participait le personnel diplomatique des Etats-Unis, dont l'ambassadeur Hugo Llorens fut nommé du temps de Bush. Le diplomate avait fait un voyage à Washington et, pendant son séjour, il fut connu dans les sphères politiques honduriennes que le jeudi de la même semaine, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton avait appelé le personnel de l'ambassade ou un dirigent de l'opposition en disant "surtout pas de coups d'Etat".

Dans les cercles proches du gouvernement on de parlait que de ça. L'ambassadeur Llorens était connu pour avoir tenu des propos tels que "on ne peut pas violer la Constitution pour en créer une autre, car cela signifierait vivre sous la "loi de la jungle" -conférence de presse du 6 juin. Puis, affirmant que ce qui se ferait en matière constitutionnelle était une affaire entre honduriens, il ajouta "que ce qui doit être fait se fasse dans le cadre de la loi, si on fait ou pas une variante de ce dont on parle, qu'on le fasse dans le cadre de la loi, de la Constitution". Ce qu' il suggérait était clair.

Si nous n'analysons rien que les faits, la voie suivie par les putschistes fut celle d'accuser le président de violer la loi et la Constitution, puis d’appliquer les dispositions légales et constitutionnelles, tellement promues par Llorens, pour donner le coup d'Etat. S'ils n'avaient pas envoyé les militaires pour capturer et exiler Zelaya, ils auraient même pu donner un semblant de crédibilité à leurs accusations, mais comme dit le proverbe mexicain: la forme c'est le fond. Ce fut un coup d'Etat sans cause justifiée.

Le président Obama réagit seulement le lundi 29, une fois que toutes les organisations que nous avons citées s'étaient prononcées. Les arguments que l'on lit dans la presse états-unienne ne sont pas acceptables, car en gros ils affirment que le Honduras avait peur que l'on rédige une constitution similaire à la vénézuélienne, ralliant ainsi l'hystérie anti-chaviste, sans avoir compris ce qui est en train de se passer en Amérique Latine. Ils ne font que mettre en évidence leur préoccupation due à la perte de leur hégémonie.

Concernant l'Amérique Centrale, que les Etats Unis ont toujours considérée comme leur propriété privée, jusqu'au coup d'Etat, l'empire avait perdu le contrôle de cette région. Si c'est ça la manière de le récupérer, toute l'Amérique Latine doit se mettre en alerte. Les changements qui ont lieu dans la région essaient d'ouvrir des voies à la participation populaire comme un élément fondamental d'un système démocratique, et les réformes constitutionnelles sont l'instrument qui ouvre ces voies.

après ce trébuchage qui mit en doute les propos tenus par Obama dans ses discours, les Etats Unis ont modifié leur attitude initiale et ont rallié à la dernière heure en tant que "sponsor" la résolution que par unanimité fut approuvée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, condamnant le coup d'Etat au Honduras.

Frida Modak, journaliste, fut Attachée de Presse du Président Salvador Allende.

Traduit par Vladimir Altuna pour Investig'Action.
Source: Agencia Latinoamericana de Información http://www.michelcollon.info/index.php?option=com_content&view=article&id=2200:avertissement-et-menace-pour-lamerique-latine&catid=6:articles&Itemid=11

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Honduras : la politique à Deux Voies des États-Unis et du Canada.

Arnold August, 11 juillet 2009.

La diplomatie et l’usage de la force contre les luttes populaires: voici la question aujourd’hui.

Le 28 juin dernier, Peter Kent, ministre des Affaires étrangères (pour les Amériques) au gouvernement du Parti conservateur de Stephen Harper, a fait une déclaration en vue de la réunion extraordinaire de l’Organisation des États américains (OEA). Cette rencontre était prévue plus tard la même journée, à 3 h PM. M. Kent a déclaré que « Le Canada condamne le coup d’État qui a eu lieu cette fin de semaine [28 juin] au Honduras et demande à toutes les parties en présence de faire preuve de retenue et de rechercher une solution pacifique à l’actuelle crise politique, une solution qui respecte les normes démocratiques et la primauté du droit, y compris la Constitution hondurienne. » Le lendemain (29 juin), le National Post, l’important journal de droite canadien publié à l’échelle nationale, a commenté favorablement la déclaration du gouvernement, indiquant qu' elle « […] reflétait l’opposition grandissante face au coup d’État, mais qu' elle ne nommait pas M. Zelaya ni n’exigeait clairement son retour au pouvoir ». Le 29 juin, dans une conférence de presse conjointe avec le Président colombien en visite, M. Uribe, le Président Obama a déclaré que « […] le coup d’État n’était pas légal, et que le Président Zelaya demeurait le président du Honduras, celui qu' on a élu démocratiquement. » Cette déclaration dénote un changement dans la façon dont la politique américaine énonce le problème. Le lendemain (30 juin), les 192 membres de l’Assemblée générale des Nations Unies se sont réunis pour parler du Honduras. Reflétant le nouvel énoncé, ils ont adopté une résolution à l’unanimité afin « d’exiger la restauration immédiate et inconditionnelle du gouvernement légitime et constitutionnel du Président de la République, M. José Manuel Zelaya Rosales. » Évidemment, la délégation canadienne a voté comme les 191 autres membres des Nations Unies. Une fois de plus, le National Post a donné ce qui semblait être son approbation dans son édition du 30 juin, indiquant que :

« La décision du Canada de se joindre aux parrains des mesures adoptées par l’ONU représente une évolution de la position [du Canada] concernant l’enlèvement de M. Zelaya, dimanche, par les forces armées honduriennes […] Jusqu' à mardi [30 juin], le Canada avait demandé la reprise du processus démocratique au Honduras, mais n’était pas allé jusqu' à exiger la réinstallation de M. Zelaya au pouvoir. Les États-Unis semblaient avoir adopté une position semblable, jusqu' à ce que le président américain Barack Obama affirme lundi [29 juin] que Washington croit que M. Zelaya ‘demeure le président élu démocratiquement […]’ »

Le 1er juillet, l’Organisation des États américains (OEA), y compris le Canada, ont résolu unanimement de « condamner le coup d’État », de « réaffirmer que le Président Zelaya est le président constitutionnel du Honduras et d’exiger qu' il retourne à ses fonctions constitutionnelles de façon immédiate, sécuritaire et inconditionnelle. » Le 2 juillet, le National Post écrivait ceci : « Bien que le Canada ait imité le Venezuela et d’autres pays sud-américains de gauche en exigeant la réinstallation de M. Zelaya au pouvoir, Peter Kent, le ministre des Affaires étrangères pour les Amériques, a affirmé qu' Ottawa concentrait principalement son soutien sur le travail fait par l’OEA […] Tout porte à croire que des personnes responsables au sein du gouvernement [actuel] vont admettre qu' ils ont posé un geste inacceptable et qu' ils doivent à nouveau se ranger du côté de la démocratie […] Bien que M. Kent ait dit que la réinstallation de M. Zelaya devait être inconditionnelle, il a indiqué que sa conduite avant son enlèvement n’était pas passée inaperçue non plus. » Le journal poursuit en citant M. Kent : « ‘Le [gouvernement provisoire – les crochets sont du National Post] doit d’abord rétablir l’ordre démocratique en instaurant la primauté du droit. Cette tâche accomplie, la population du Honduras et les membres du gouvernement [provisoire – les crochets sont du National Post], pourront être assurés que l’OEA les a à l’œil et qu' elle est parfaitement consciente des transgressions commises d’un côté comme de l’autre.’ » Cette déclaration représente un nouveau recul face aux résolutions prises l’ONU et l’OEA, pour lesquelles le gouvernement canadien a voté, et qui exigeaient essentiellement le retour immédiat, sécuritaire et inconditionnel du Président Zelaya.

Le 4 juillet, soit la veille de l’impasse sur la piste d’atterrissage de l’aéroport du Honduras opposant, d’une part, le Président Zelaya et le peuple hondurien et d’autre part, le gouvernement militaire, Peter Kent, selon un câble de Reuters, a déclaré à l’assemblée de l’OEA : « ‘Dans les conditions actuelles, on ne peut absolument pas garantir qu' il soit en sécurité à son arrivée.’» CNN a confirmé cet état de fait le 4 juillet, en rapportant que « le délégué canadien à l’assemblée de l’OEA a recommandé samedi soir [4 juillet] que M. Zelaya ne retourne pas immédiatement au pays en raison des dangers auxquels il pourrait s’exposer. » Il est indéniable en effet que dans les conditions qui prévalaient le 5 juillet, l’arrivée du Président Zelaya à l’aéroport international de la capitale hondurienne aurait été périlleuse pour lui, son entourage et les dizaines de milliers de sympathisants qui l’attendaient, en raison du déploiement des forces armées et de la répression militaire. Mais comment le gouvernement canadien s’est-il servi de sa portée et de son prestige, au juste, pour contribuer à forcer le gouvernement militaire de facto à céder? S’est-il joint aux pays des Amériques centrale et latine pour voir expressément à ce que les résolutions de l’OEA et des Nations Unies soient respectées à la lettre et en principe? Recommander à Zelaya de ne pas rentrer au pays revient à encourager le régime militaire, directement ou presque, à blâmer le Président Zelaya pour la violence ou le carnage qui pourraient découler de l’application des résolutions internationales.

Le 6 juillet, le porte-parole du Département d’État américain Ian Kelly a fait un point de presse sur le Honduras et sur d’autres sujets. Concernant le Honduras, dans son mot d’ouverture, M. Kelley a déclaré que « notre objectif demeure la restauration de l’ordre démocratique au Honduras. » Un reporter n’a pu s’empêcher de remarquer qu' il y avait là quelque chose de très flou et ambigu. En tenant compte de la définition américaine de la démocratie qui, nébuleuse, fait deux poids deux mesures, un reporter a posé une question très pertinente. Il a demandé : « Avez-vous compris […] lorsque vous dites souhaiter la restauration de l’ordre démocratique, êtes-vous arrivés à comprendre ce que cela veut dire? » M. Kelly a répondu : « Eh bien, je crois que cela signifie – dans le cas qui nous occupe actuellement – cela signifie le retour du président élu démocratiquement à Tegucigalpa [capitale du Honduras]. » Si ce reporter n’avait pas soulevé la question, cette demande clé de la population mondiale n’aurait pas été explicitée, ne serait-ce que verbalement. Une autre des discussions entre les reporters et M. Kelly concernait la question de l’aide que Washington apporte au Honduras et des liens qui les unissent. La réponse est demeurée imprécise car, interrogé sur cette question, M. Kelly a répondu de façon évasive que les États-Unis continuaient de fournir une partie de leurs secours, tandis que d’autres avaient été interrompus ou qu' ils étaient en cours d’évaluation ou d’élimination.

En ce qui a trait aux liens entre l’armée américaine et le gouvernement de facto, M. Kelly a répondu aux questions des reporters en disant que « le Commandement Sud a minimisé les contacts avec l’armée hondurienne. » Vous remarquerez que les contacts n’ont pas cessé; ils n’ont été que « minimisé[s] » et ce, sans autres précisions. Néanmoins, des précisions ont effectivement été apportées lorsque les reporters ont posé des questions concernant la base militaire américaine de Soto Cano au Honduras. Un reporter a demandé : « A-t-il été question de permettre à l’avion de M. Zelaya d’atterrir à la base militaire américaine là-bas? » Ce à quoi M. Kelly a répondu : « […] Cette base est contrôlée par les autorités honduriennes, ce n’est donc pas à nous d’accorder le droit d’atterrir ou quoi que ce soit d’autre. » Comme cela tombe bien!

Depuis plusieurs décennies, les États-Unis utilisent la politique étrangère à Deux Voies face à l’Amérique latine : d’une part, l’intervention directe qui comprend les forces armées et, d’autre part, la diplomatie et les négociations « douces », ces dernières étant utilisées à la fois ouvertement et à huis clos. Le point de presse du 6 juillet, tel que mentionné ci-haut, démontre comment le gouvernement actuel à Washington utilise simultanément la Voie I et la Voie II. Ce sont effectivement de très bonnes nouvelles que M. Kelly ait déclaré, le 6 juillet, que le Département d’État allait rencontrer le Président Zelaya le 7 juillet et non pas le gouvernement de facto, si un représentant de ce dernier devait venir plus tard à Washington. Néanmoins, cet engagement n’est survenu, encore une fois, que parce que les reporters ont posé la question.

Les peuples espèrent que l’usage de la diplomatie dans les négociations au Costa Rica, arbitrées par le Costa Rica et parrainées par Mme Clinton, secrétaire d’État américain, saura résoudre la crise. Cependant, les instigateurs du coup d’État sont toujours au pouvoir. Ils répriment les manifestations populaires qui se déroulent actuellement au Honduras dans toutes les sections populaires de la société et ce, depuis près de deux semaines, une situation presqu' entièrement camouflée par les médias dans des pays comme le Canada, France, les États-Unis. Dans ce contexte, les commentaires du Président vénézuélien Hugo Chavez prennent de plus en plus leur sens à mesure que les minutes s’écoulent : « Pourquoi le gouvernement américain ne prend-il pas des sanctions politiques et économiques contre les instigateurs du coup d’État…? »  Cette déclaration eut lieu lors d’une conférence de presse tenue le 10 juillet à Caracas, telle que rapportée par Associated Press (AP).

Bien qu' il y ait évidemment des contradictions entre les institutions américaines telles que la Maison Blanche, le Département d’État, la CIA, le FBI, le Pentagone et l’extrême-droite du sud de la Floride (etc.), la politique américaine face aux Honduras, du 28 juin jusqu' au11 juillet inclusivement, consiste en cette politique à Deux Voies jumelées l’une à l’autre. D’abord, la Voie I, soit l’implication indirecte sinon directe dans le coup d’État militaire avec un soutien de l’armée à peine voilé. Puis, la Voie II, c’est-à-dire l’usage simultané de discussions et de diplomatie afin « d’amortir » la situation… Mais à qui cela profite-t-il?

D’un côté, on offre des perles de sagesse sur la restauration de la démocratie et du président élu, mais de l’autre, on met pratiquement sur un pied d’égalité les instigateurs du coup d’État et le Président violemment kidnappé.

Les gouvernements canadiens ont été pendant plusieurs années des porte-parole de la Voie II. (Toutefois, il y eut des exceptions. Par exemple, lorsque le défunt Premier ministre Trudeau a sincèrement tendu la main à Cuba et à l’Amérique latine lors de sa visite à Cuba en 1976, reflétant ainsi les sentiments de la grande majorité des Québécois et Canadiens.) L’engagement et la diplomatie sans arrière-pensées sont censés prévaloir à Ottawa et, ce faisant, tenter de se distinguer de la politique brutale d’intervention américaine, laquelle a presque toujours supplanté la Voie II. Les Canadiens et Québécois, en grande majorité, méprisent les politiques d’intervention et d’agression. Le gouvernement canadien actuel fait partie du courant de droite. Toutefois, on n’y retrouve aucun terreau fertile pour les néoconservateurs qui cherchent à attiser les politiques de la Voie I, comme c’est le cas chez les communautés d’exilés cubains et vénézuéliens dans le sud de la Floride. Ce qui s’en rapproche le plus serait le National Post, gardien de l’ordre établi, et la frange des dirigeants qu' il représente. Cependant, comme on peut le constater plus haut, le Parti conservateur et la branche conservatrice du cercle des dirigeants peuvent facilement s’accommoder à la fois de la Voie I et de la Voie II, tel que le démontre la question du Honduras, même si la politique étrangère change comme un caméléon d’une journée à l’autre.

Comparé au gouvernement conservateur canadien, le gouvernement Obama est censé être de centre-gauche et contre les politiques de droite de l’époque de Bush. Or, la Voie I et la Voie II sont essentiellement les deux flancs d’une même politique faite de domination et de contrôle – il s’agit simplement de savoir laquelle est la plus efficace, laquelle « fonctionne ». Les deux Voies sont utiles aussi bien pour les « conservateurs » que pour les « libéraux », et elles peuvent se fondre d’un moment à l’autre.

L’une des leçons que doit apprendre le gouvernement canadien et en vertu de laquelle il doit agir immédiatement, c’est de se reconnaître responsable d’avoir enfreint les résolutions de l’OEA et de l’ONU. Les Conservateurs doivent changer leur position dès maintenant en adhérant aux vastes mouvements de l’Amérique du sud. Déjà, au Parlement, certains partis politiques, (comme le Bloc Québécois) se sont courageusement et honorablement opposés à la politique pratiquée par le gouvernement canadien au Honduras depuis le 28 juin. Il n’y a pas de temps à perdre. Le gouvernement hondurien de facto doit être forcé de céder dès maintenant et de permettre au Président de rentrer chez lui. Si le gouvernement canadien est si inquiet des dangers qui attendent le Président s’il retourne au Honduras auprès de son peuple, la solution ne consiste pas à l’en éloigner, mais plutôt à obliger les usurpateurs à abdiquer en vertu des résolutions et des positions adoptées sur le plan international. Pour ma part, je crois que le coup d’État au Honduras est un affront direct aux mouvements de souveraineté et de progrès de tous les peuples latino-américains. Les populations de partout au monde, et particulièrement à l’heure actuelle en Amérique du Sud, doivent avoir une vigilance de tous les instants et s’opposer à la politique impérialiste des Deux Voies provenant du Nord. Depuis les cinquante dernières années, les peuples de l’Amérique du Sud ont créé leurs propres concepts de souveraineté et de démocratie au prix de luttes et de sacrifices et, par conséquent, ils méritent d’être pleinement soutenus aussi bien par les populations du l’Amérique du nord que l’Europe.

La question soulevée par Hugo Chavez, le 10 juillet, démasque l’hypocrisie de la politique à Deux Voies : « Pourquoi le gouvernement américain ne prend-il pas des sanctions politiques et économiques contre les instigateurs du coup d’État…? » Plus tard en soirée le 10 juillet, Fidel Castro a déclaré dans une réflexion, entre autres que « Zelaya sait que l'enjeu n'est pas seulement la Constitution du Honduras, mais aussi le droit des peuples de l'Amérique latine d'élire leurs dirigeants. »

Arnold August est un auteur et journaliste de Montréal, spécialisé en politique cubaine.

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