Les peuples indigènes accusent le président Rafael
Correa de se vendre au secteur minier.
En janvier, le pays a été secoué par des
manifestations de masse contre l’exploitation minière à
grande échelle.
En Équateur, il y a longtemps que les peuples indigènes
et les campesinos (les paysans) demandent la nationalisation des ressources
naturelles. Ces derniers temps, nombre d’entre eux exigent qu' elles
ne soient plus exploitées du tout et bloquent les routes pour se faire
entendre.
En réponse, le président Rafael Correa a traité
les manifestants de « moins que rien » et d’« extrémistes
». Le gouvernement a fait arrêter certains des meneurs de ces protestations,
qu' il accuse de terrorisme. En Amazonie, un leader a même disparu
brièvement et est réapparu dans un hôpital de Macas, une
ville amazonienne, blessé à la tête par une arme à
feu. Des policiers ont également été blessés en
tentant de démanteler les barrages.
En septembre, les électeurs équatoriens ont approuvé
une nouvelle constitution soutenue par Alianza País, le parti politique
de M. Correa. Le texte accorde notamment des droits à la nature et considère
l’accès à l’eau comme un droit humain.
Mais Correa fait désormais pression en faveur de l’exploitation
minière de métaux à grande échelle et, en janvier,
il a obtenu du Congrès l’approbation d’une loi qui permettrait
à des entreprises canadiennes, notamment les sociétés Kinross,
Iamgold Inc. et Corriente Resources Inc, d’exploiter les ressources minières
du pays.
Conjointement avec la Confédération des nationalités
indigènes de l’Équateur (CONAIE), les mouvements paysans
locaux et régionaux invoquent la nouvelle constitution pour déclarer
illégale la loi sur l’exploitation minière. La CONAIE, qui
représente en Équateur les peuples indigènes de l’Amazonie,
des hauts plateaux et de la côte, est l’un des mouvements sociaux
les plus puissants d’Amérique latine.
Dans une interview accordée avant la promulgation de
la nouvelle loi, Marlon Santi, le président de la CONAIE, a accusé
Rafael Correa d’être sous l’emprise des compagnies minières
étrangères. « Nous nous demandons quels sont les intérêts
en jeu ici, puisqu' il y a bien d’autres lois importantes sur lesquelles
travailler. Nous nous opposons à la loi actuelle sur l’exploitation
minière », a déclaré M. Santi.
Du boom pétrolier de la fin des années 1960 aux
actuelles propositions d’extraction du cuivre, de l’or et de l’argent,
l’exploitation des ressources naturelles est depuis longtemps source de
conflits en Équateur.
Dans la province amazonienne de Zamora Chinchipe, au sud de
l’Équateur, la compagnie minière EcuaCorriente, une filiale
de Corriente Resources Inc., est soupçonnée d’avoir mis
sur pied un groupe de pression favorable à l’exploitation minière
composé d’indiens Shuar. La société Corriente n’a
pas commenté les allégations que le journal canadien Dominion
a été le premier à publier.
Le Front de défense de l’Amazonie, qui représente
les indigènes et les paysans, a intenté une poursuite de plusieurs
milliards de dollars contre Texaco, accusant ce géant de l’industrie
pétrolière d’avoir adopté des pratiques qui ont causé
d’énormes dommages à l’environnement et rendu malades
les résidents vivant à proximité des lieux d’extraction.
Dans un rapport rédigé en 2008, un expert nommé par le
tribunal a affirmé que les déversements de pétrole brut
et l’abandon en grande quantité de liquides toxiques dans des centaines
de puits non bouchés ont causé un grand nombre de cancers parmi
la population et entraîné la disparition de tout un peuple indigène
: les Tetete.
La pollution et les maladies qui découlent de l’extraction
pétrolière sont à l’origine de l’opposition
actuelle à l’exploitation minière industrielle. De plus,
les expériences vécues par les opposants à l’exploitation
minière dans d’autres pays latino-américains, comme au Pérou
et au Guatemala, ont incité davantage les Équatoriens à
résister.
Gonzalo Esp’n, un leader indigène ayant participé
aux blocages des routes du mois de janvier dans la province andine centrale
de Cotopaxéi, affirme que le gouvernement devrait réguler l’exploitation
minière à petite échelle et investir dans l’agriculture
paysanne et durable.
Selon lui, « l’exploitation minière à
grande échelle consiste simplement à permettre que nos ressources
naturelles soient exportées vers d’autres pays qui nous les renverront
sous forme de produits manufacturés. »
Les Intag, une communauté andine du nord, et les Sarayaku,
une communauté amazonienne, ont montré comment résister.
Depuis le début des années 1990, ces deux communautés empêchent
les compagnies minières et pétrolières de s’implanter
sur leurs territoires respectifs. Elles ont noué des alliances avec des
groupes de défenseurs de l’environnement urbains et des groupes
de soutien en Europe et en Amérique du Nord pour faire pression sur les
entreprises étrangères et le gouvernement équatorien.
Le 24 janvier, dans son discours hebdomadaire radiodiffusé,
quelques jours après les manifestations les plus importantes, Rafael
Correa s’est engagé à poursuivre l’exploitation minière
à grande échelle. « Il est absurde que certains veuillent
nous forcer à rester comme des mendiants assis sur un trésor »,
a-t-il déclaré.
Les leaders indigènes et paysans sont en train d’envisager
la possibilité de former une coalition en vue de rivaliser avec Rafael
Correa aux élections du mois d’avril. Bien que la réélection
du président soit pratiquement assurée [1], les militants espèrent
gagner un certain nombre de sièges à l’Assemblée
nationale de façon à accroître la visibilité du mouvement.
« La CONAIE continuera de lutter pour les droits territoriaux
et contre la pollution de l’environnement », a déclaré
récemment la confédération indigène. « Nous
allons surveiller de près les concessions minières et dénoncer
les cas pour lesquels il n’y aura pas eu de consentement préalable
libre et éclairé, par tous les moyens disponibles, y compris les
mécanismes internationaux. »
En Équateur, et dans les pays du Sud, ce sont souvent
les peuples les plus opprimés qui résistent à l’exploitation
minière et expriment une nouvelle manière de concevoir le développement
durable.
Pour Susan, une militante Kichwa adolescente, les peuples indigènes
de l’Équateur sont en train de s’unir pour continuer d’avoir
accès à l’eau propre dont dépend leur survie.
« Nous sommes en train de prouver que nous ne sommes
pas des moins que rien », dit-elle. « Nous sommes un peuple entier
qui se bat. »
Notes:
[1] [RISAL] Le président Correa a été réélu
à la présidence le dimanche 26 avril 2009.
Source : In These Times, 28 février 2009. http://www.risal.info/spip.php?article2493
Traduction : Arnaud Bréart, pour RISAL.info.
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