Un peu de bon sens à propos d’Ingrid Betancourt
et de la Colombie.
Le gouvernement d’extrême droite de Bogota, incarné
aujourd’hui par Uribe, est responsable du massacre de milliers d’opposants,
paysans et salariés, intellectuels et journalistes, et contrôle
l’armée la plus puissante d’Amérique Latine, financée
et armée par les USA et Israël, dirigée contre les gouvernements
de gauche des pays voisins, Venezuela et Bolivie, Cuba et Nicaragua.
A l’issue d’une opération « militaire »
sans le moindre coup de feu, mais avec beaucoup de trahisons monnayées,
Ingrid Betancourt et ses quelques compagnons de captivité sont libres :
il est normal que sa famille s’en félicite, comme s’en félicitent
les proches des trois espions américains libérés avec elle.
Mais on ne nous empêchera pas de refuser l’euphorie unanimiste,
en posant quelques questions de bon sens :
-Les FARC ont emprisonné une politicienne peu connue, au discours écolo-gauchisant,
qui dénonçait avec véhémence le pouvoir colombien.
Durant des mois, la télé l’annonçait mourante. Nous
l’avons vue en pleine forme physique, transformée par ses années
de jungle en une sorte de Bernadette Soubirous en oraison, applaudissant Uribe
et ses tueurs, félicitant Sarkozy, Delanoë et Villepin, mais oubliant
de remercier Chavez d’avoir tout fait pour négocier sa libération.
-Les FARC ont certes eu tort de croire que des otages leur permettraient de
négocier la paix civile, mais que penser de cette euphorie bébête
qui transforme une certaine « gauche » française
en admirateurs de la droite pro-US en Amérique Latine ?
Francis Arzalier.
Colombie : après l’opération
Jaque
Rafael Calcines Armas,
Bogota. La paix en Colombie
reste à faire, au-delà des premières réactions après
la récente libération de l’ex-candidate aux présidentielles,
Ingrid Betancourt, et des quatorze autres prisonniers de la guérilla.
Tout le monde est d’accord sur le coup porté aux FARC ces derniers
mois, par la disparition pour différentes raisons de ses leaders Manuel
Marulanda, Raul Reyes et Ivan Rios. L’opération dite « Jaque »
des forces armées colombiennes n’a pas été seulement
un succès sérieux d’Uribe, du fait de l’importance
politique des libérés, Ingrid Betancourt et les agents US Keith
Stancell, Mark Gonsalves et Thomas Howe, pour une éventuelle négociation.
Elle l’a été plus encore parce qu' elle a pu s’appuyer
sue l’espionnage et l’infiltration de la direction centrale de la
guérilla.
Cependant, penser que les FARC sont détruites, comme l’affirment
certains milieux politiques et gouvernementaux (de Colombie), c’est sous-estimer
les capacités de la guérilla. Ingrid Betancourt elle-même,
dès son arrivée à Bogota, a rejeté cette analyse.
Sur le plan interne, le succès de l’action militaire parait renforcer
l’option du gouvernement du président Alvaro Uribe d’éradiquer
militairement les FARC (politique dite de « Sécurité
Démocratique »).
Les responsables militaires eux-mêmes admettent avoir été
soulagés à l’issue de l’opération, conclue
sans avoir tiré une seule cartouche. Tous les analystes pensent qu' une
seule mort parmi les otages (rehenes ?) eut été désastreuse
pour le gouvernement (Uribe). Cette fois-là, les autorités ont
eu beaucoup de chance, à la différence avec d’autres opérations
menées dans le sang et le feu, conclues par la mort des otages.
Pour les partisans de la réélection du président Uribe,
l’occasion était exceptionnelle. La grande presse et les partis
qui le soutiennent ne cessent de glorifier sa personne et sa politique. Uribe
va employer ce succès historique pour promouvoir son influence face à
celle de l’armée, alors que sa légitimité était
fort discutée.
La Cour Suprême a récemment déclaré illégitime
sa candidature éventuelle après avoir découvert les fraudes
au cours de son élection à la présidence pour la deuxième
fois, en 2006. En réponse, Uribe a proposé un référendum
populaire pour légitimer sa réélection de 2006. C’est
évidemment dans ce contexte qu' a eu lieu l’opération
«Jaque ».
Mais la recherche de la paix dans le pays reste sans réponse. Pour une
partie de la société colombienne, la seule option, renforcée,
est l’affrontement militaire avec la guérilla. D’autres persistent
à chercher le dialogue pour un accord humanitaire qui permettrait la
libération de tous les prisonniers restants de la guérilla. Il
est en tout cas évident que, du fait de ses conditions très particulières,
une autre opération « Jaque » ne pourra se répéter
et réussir à nouveau contre les FARC.
Cela implique la nécessité du dialogue à reprendre. Ingrid
Betancourt a insisté sur ce point, qui, au moins en deux occasions, a
considéré que les présidents Chavez, du Venezuela, et Correa,
d’Equateur sont des « alliés très importants »
dans la recherche d’une paix négociée. Elle a même
appelé à amplifier la médiation internationale, et mentionné
spécialement la présidente d’Argentine, Cristina Fernandez,
et l’appui du gouvernement français à cette cause.
Cependant, les déclarations du ministre de la défense (colombienne),
Juan Manuel Santos, ne laissent aucun doute sur la position du gouvernement
(Uribe) : « Nous chercherons la libération des otages
par tous les moyens ».
Colombie : appel à la négociation
Communiqué de Tribuna Popular (Anncol)
( après la libération d’Ingrid Betancourt
et des trois espions étasuniens par l’armée colombienne…),
plus que jamais Anncol appelle à garder la tête froide et les pieds
sur terre.
Le peuple n’a pas à supporter une politique de terrorisme d’Etat,
menée par les forces militaires et narcoparamilitaires, instruments de
l’empire étasunien, qui est en dernière analyse l’arrière
plan de la guerre en Colombie. Plus de 100 000 morts depuis 1964, massacres,
disparitions et assassinats collectifs, exécutions extrajudiciaires :
tout ce sang innocent abreuve le sol de notre patrie. Il suffit amplement à
prouver que l’oligarchie colombienne ne peut persister à suivre
le chemin de la guerre.
A Anncol, nous pensons qu' il est nécessaire d’appeler les
deux parties, guérilla et gouvernement, à ne pas rater une occasion
historique. Aux uns, nous disons de ne pas se fermer à l’éventualité
de changements qui, tôt ou tard devront se produire… Aux autres,
de ne pas empêcher les changements dans la vie de la nation permettant
une issue politique au conflit social et armé interne, que supportent
les Colombiens…
Une fois pour toute, le futur de la Colombie ne peut être la guerre civile.
Nous appelons à la négociation et à ouvrir des espaces
de paix et de justice sociale dans notre patrie martyrisée. Nous appelons
le peuple colombien à manifester dans tout le pays, en rappelant que
le régime narco-paramilitaire d’Alvaro Uribe ne peut se servir
de son action militaire pour se justifier des délits qu' il a commis
au nom de la narco-para-politique uribiste…
Vive la lutte pour la paix et la justice sociale !
L’opinion de Fidel Castro (04-07-2008)
J’ai exprimé avec clarté notre position
en faveur de la paix en Colombie., et nous ne sommes ni favorables à
l’intervention militaire étrangère, ni à la politique
de force que les Etats-Unis prétendent imposer à tout prix.
J’ai critiqué avec énergie et franchise les méthodes
objectivement cruelles de l’enlèvement et de la rétention
de prisonniers dans les conditions de vie de la jungle. Mais je ne suggère
à personne de déposer les armes car, ces cinquante dernières
années, ceux qui l’ont fait n’ont pas survécu à
la paix. La seule chose que je me permets de suggérer aux guérilleros
des FARC, c’est seulement qu' ils fassent part à la Croix
Rouge internationale, par n’importe quel moyen, de leur volonté
de libérer les otages et les prisonniers qui sont encore en leur pouvoir,
sans aucune condition. Je ne prétends pas que l’on m’écoute ;
mon devoir est d’exprimer ce que je pense. Toute autre conduite ne servirait
qu' à récompenser la déloyauté et la trahison.
Je ne soutiendrai jamais la Paxé romana que l’empire prétend imposer
à l’Amérique latine.
Fidel Castro.
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