Un peu de bon sens à propos d’Ingrid Betancourt et de la Colombie.

Le gouvernement d’extrême droite de Bogota, incarné aujourd’hui par Uribe, est responsable du massacre de milliers d’opposants, paysans et salariés, intellectuels et journalistes, et contrôle l’armée la plus puissante d’Amérique Latine, financée et armée par les USA et Israël, dirigée contre les gouvernements de gauche des pays voisins, Venezuela et Bolivie, Cuba et Nicaragua.
A l’issue d’une opération « militaire » sans le moindre coup de feu, mais avec beaucoup de trahisons monnayées, Ingrid Betancourt et ses quelques compagnons de captivité sont libres : il est normal que sa famille s’en félicite, comme s’en félicitent les proches des trois espions américains libérés avec elle. Mais on ne nous empêchera pas de refuser l’euphorie unanimiste, en posant quelques questions de bon sens :
-Les FARC ont emprisonné une politicienne peu connue, au discours écolo-gauchisant, qui dénonçait avec véhémence le pouvoir colombien. Durant des mois, la télé l’annonçait mourante. Nous l’avons vue en pleine forme physique, transformée par ses années de jungle en une sorte de Bernadette Soubirous en oraison, applaudissant Uribe et ses tueurs, félicitant Sarkozy, Delanoë et Villepin, mais oubliant de remercier Chavez d’avoir tout fait pour négocier sa libération.
-Les FARC ont certes eu tort de croire que des otages leur permettraient de négocier la paix civile, mais que penser de cette euphorie bébête qui transforme une certaine « gauche » française en admirateurs de la droite pro-US en Amérique Latine ?

Francis Arzalier.


Colombie : après l’opération Jaque

Rafael Calcines Armas, journaliste colombien, Prensa latina. Traduction Collectif Polex. 03-07-2008.

Bogota. La paix en Colombie reste à faire, au-delà des premières réactions après la récente libération de l’ex-candidate aux présidentielles, Ingrid Betancourt, et des quatorze autres prisonniers de la guérilla.
Tout le monde est d’accord sur le coup porté aux FARC ces derniers mois, par la disparition pour différentes raisons de ses leaders Manuel Marulanda, Raul Reyes et Ivan Rios. L’opération dite « Jaque » des forces armées colombiennes n’a pas été seulement un succès sérieux d’Uribe, du fait de l’importance politique des libérés, Ingrid Betancourt et les agents US Keith Stancell, Mark Gonsalves et Thomas Howe, pour une éventuelle négociation. Elle l’a été plus encore parce qu' elle a pu s’appuyer sue l’espionnage et l’infiltration de la direction centrale de la guérilla.
Cependant, penser que les FARC sont détruites, comme l’affirment certains milieux politiques et gouvernementaux (de Colombie), c’est sous-estimer les capacités de la guérilla. Ingrid Betancourt elle-même, dès son arrivée à Bogota, a rejeté cette analyse.
Sur le plan interne, le succès de l’action militaire parait renforcer l’option du gouvernement du président Alvaro Uribe d’éradiquer militairement les FARC (politique dite de « Sécurité Démocratique »).
Les responsables militaires eux-mêmes admettent avoir été soulagés à l’issue de l’opération, conclue sans avoir tiré une seule cartouche. Tous les analystes pensent qu' une seule mort parmi les otages (rehenes ?) eut été désastreuse pour le gouvernement (Uribe). Cette fois-là, les autorités ont eu beaucoup de chance, à la différence avec d’autres opérations menées dans le sang et le feu, conclues par la mort des otages.
Pour les partisans de la réélection du président Uribe, l’occasion était exceptionnelle. La grande presse et les partis qui le soutiennent ne cessent de glorifier sa personne et sa politique. Uribe va employer ce succès historique pour promouvoir son influence face à celle de l’armée, alors que sa légitimité était fort discutée.
La Cour Suprême a récemment déclaré illégitime sa candidature éventuelle après avoir découvert les fraudes au cours de son élection à la présidence pour la deuxième fois, en 2006. En réponse, Uribe a proposé un référendum populaire pour légitimer sa réélection de 2006. C’est évidemment dans ce contexte qu' a eu lieu l’opération «Jaque ».
Mais la recherche de la paix dans le pays reste sans réponse. Pour une partie de la société colombienne, la seule option, renforcée, est l’affrontement militaire avec la guérilla. D’autres persistent à chercher le dialogue pour un accord humanitaire qui permettrait la libération de tous les prisonniers restants de la guérilla. Il est en tout cas évident que, du fait de ses conditions très particulières, une autre opération « Jaque » ne pourra se répéter et réussir à nouveau contre les FARC.
Cela implique la nécessité du dialogue à reprendre. Ingrid Betancourt a insisté sur ce point, qui, au moins en deux occasions, a considéré que les présidents Chavez, du Venezuela, et Correa, d’Equateur sont des « alliés très importants » dans la recherche d’une paix négociée. Elle a même appelé à amplifier la médiation internationale, et mentionné spécialement la présidente d’Argentine, Cristina Fernandez, et l’appui du gouvernement français à cette cause.
Cependant, les déclarations du ministre de la défense (colombienne), Juan Manuel Santos, ne laissent aucun doute sur la position du gouvernement (Uribe) : « Nous chercherons la libération des otages par tous les moyens ».


Colombie : appel à la négociation
Communiqué de Tribuna Popular (Anncol)
Extraits, traduction collectif Polex. 03-07-2008.

( après la libération d’Ingrid Betancourt et des trois espions étasuniens par l’armée colombienne…), plus que jamais Anncol appelle à garder la tête froide et les pieds sur terre.
Le peuple n’a pas à supporter une politique de terrorisme d’Etat, menée par les forces militaires et narcoparamilitaires, instruments de l’empire étasunien, qui est en dernière analyse l’arrière plan de la guerre en Colombie. Plus de 100 000 morts depuis 1964, massacres, disparitions et assassinats collectifs, exécutions extrajudiciaires : tout ce sang innocent abreuve le sol de notre patrie. Il suffit amplement à prouver que l’oligarchie colombienne ne peut persister à suivre le chemin de la guerre.
A Anncol, nous pensons qu' il est nécessaire d’appeler les deux parties, guérilla et gouvernement, à ne pas rater une occasion historique. Aux uns, nous disons de ne pas se fermer à l’éventualité de changements qui, tôt ou tard devront se produire… Aux autres, de ne pas empêcher les changements dans la vie de la nation permettant une issue politique au conflit social et armé interne, que supportent les Colombiens…
Une fois pour toute, le futur de la Colombie ne peut être la guerre civile. Nous appelons à la négociation et à ouvrir des espaces de paix et de justice sociale dans notre patrie martyrisée. Nous appelons le peuple colombien à manifester dans tout le pays, en rappelant que le régime narco-paramilitaire d’Alvaro Uribe ne peut se servir de son action militaire pour se justifier des délits qu' il a commis au nom de la narco-para-politique uribiste…
Vive la lutte pour la paix et la justice sociale !


L’opinion de Fidel Castro (04-07-2008)

J’ai exprimé avec clarté notre position en faveur de la paix en Colombie., et nous ne sommes ni favorables à l’intervention militaire étrangère, ni à la politique de force que les Etats-Unis prétendent imposer à tout prix.
J’ai critiqué avec énergie et franchise les méthodes objectivement cruelles de l’enlèvement et de la rétention de prisonniers dans les conditions de vie de la jungle. Mais je ne suggère à personne de déposer les armes car, ces cinquante dernières années, ceux qui l’ont fait n’ont pas survécu à la paix. La seule chose que je me permets de suggérer aux guérilleros des FARC, c’est seulement qu' ils fassent part à la Croix Rouge internationale, par n’importe quel moyen, de leur volonté de libérer les otages et les prisonniers qui sont encore en leur pouvoir, sans aucune condition. Je ne prétends pas que l’on m’écoute ; mon devoir est d’exprimer ce que je pense. Toute autre conduite ne servirait qu' à récompenser la déloyauté et la trahison. Je ne soutiendrai jamais la Paxé romana que l’empire prétend imposer à l’Amérique latine.

Fidel Castro.
Juventud Rebelde (extraits), La Havane.

 

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