Bolivie : exacerbation de la lutte des classes
Hugo Moldiz Mercado (Visiones Alternativas)
Ce premier mai a été celui où , en Bolivie, on a assisté au paroxysme de la lutte des classes entre un bloc social des indigènes, paysans, travailleurs et pauvres des villes qui ont juré de défendre et d’approfondir le processus révolutionnaire dirigé par Evo Morales- le premier président indigène de l’Amérique latine- et le bloc colonial-bourgeois, qui appuyé par l’impérialisme étasunien, cherche à restaurer son pouvoir politique.
Le « jour des travailleurs » a été
celui où se sont retrouvés le gouvernements socialiste et le peuple
bolivien, unis aux autres gouvernements et peuples d’Amérique latine,
devant « l’épreuve du feu », afin de bloquer une plus
grande avancée des forces réactionnaires, et aboutir à
l’échec d’une processus. Echec dont les conséquences
sur le continent seraient complexes, suivant ce qu' il ressort d’une
lecture de la dernière réflexion du dirigeant historique de la
Révolution cubaine, Fidel castro.
« L’épreuve du feu » est pour les mouvements sociaux
du vieux syndicalisme révolutionnaire rassemblé dans la Centrale
Ouvrière Bolivienne (COB) et les partis de gauche qui ne sont pas en
situation de gouverner pour qu' ils ne répètent pas les erreurs
stratégiques des décades 1970 et 1980 – face alors au gouvernements
du militaire nationaliste et progressiste Juan Torres et celui du reformiste
Hernan Siles respectivement- quand il n’ont pas identifié l’ennemi
principal et qu' ils ont aplani le chemin du retour de la droite, mais
aussi pour le gouvernement, le MAS et les mouvements sociaux indigènes
et paysans qui ont la responsabilité d’impulser un grand rassemblement
national et patriotique.
La présence du secrétaire exécutif de la COB, Pedro Montes, dans l’événement de la Place Murillo où Morales a nationalisé l’entreprise des Télécommunications (ENTEL), aux mains de la multinationale italienne Euro Telecom Internationale, et a approfondi le processus de nationalisation du pétrole, est un signal positif d’une alliance stratégique entre la totalité des classes défavorisée et le gouvernement.
Un point positif pour le futur.
La confrontation de classe est hors de doute. De fait, la
montée ultime de l’affrontement entre révolutions et contrerevolution,
entre le futur et le passé, est apparu dans toute sa clarté entre
août et décembre 2007, quand la pression des classes défavorisées
a ouvert un passage, avec le plein appui du gouvernement, pour débloquer
l’Assemblée constituante qui pendant un an avait été
virtuellement paralysée par les forces de droite.
Si la situation bolivienne actuelle devait avoir un précédant
ce serait ce moment de février et octobre 2003, quand un puissant soulèvement
national et populaire a chassé le président Gonzalo Sánchez
de Lozada, l’emblème du néolibéralisme, là
l’épreuve du feu a permis de mesurer ce que la mobilisation des
pauvres des villes et des champ est capable de déployer pour battre,
en un court moment, les plans de déstabilisation de la droite et de l’impérialisme.
Le bloc indigène –populaire, constitué dans les décades
de résistance anticoloniale et anticapitaliste, est obligé, pour
garantir sa présence et son pouvoir, de serrer les rangs autour d'un
un gouvernement qui en deux ans et quatre mois leur a donné plus qu' en
182 ans d’histoire républicaine ou les classes dominantes lui ont
refusé : l’accès à la santé, à l’éducation,
et aussi à la sécurité sociale.
Grâce à la solidarité révolutionnaire internationale
de Cuba et du Venezuela, la Bolivie, avec sa population de 9 millions d’habitants,
a bénéficié de plus de 12 millions d’actes médicaux,
plus de 250 mille personnes ont été opérées de la
vue et plus de 12.000 personnes ont été sauvées de la mort.
Plus de 515.000 hommes et femmes ont été arrachées à
l’obscurité de l’analphabétisme.
A ces conquêtes, dont seuls peuvent se rendre compte ceux qui viennent dans un pays comme la Bolivie – le plus pauvre après Haïti en Amérique latine- ou le connaissent en profondeur, il faut encore ajouter la Rente de la Dignité, qui a bénéficié à plus de 700.000 anciens, et le Bon Juancito Pinto pour les enfants en âge d’aller à l’école jusqu' au septième grade et que le président Evo Morales a promis d’augmenter les prochaines années jusqu'au huitième grade.
La récupération par l’Etat de ENTEL, ce premier mai, implique que les classes défavorisées face à un tel défi appuient le gouvernement dans sa volonté de poursuivre la nationalisation des hydrocarbures, réalisées le premier mai 2006, à travers le contrôle majoritaire de quatre entreprises – Chaco, Andina, Transredes et CLHB- que le néolibéral Sánchez de Lozada avait livré aux transnationales .
Ils ne veulent pas partager, même pas le minimum
En face, les classes dominantes, qui se sont assuré
dans les organisations civiques le soutien de leur débilité et
aussi de partis inexistants, sont en pleine offensive, sous la bannière
des autonomies, pour liquider toute possibilité de construire une société
non capitaliste, "socialiste communautaire », comme l’a dit
Evo Morales aux nations Unies il y a peu.
La contre offensive contre le processus bolivien est dirigée par une
bourgeoisie agroexportatrice située dans le département oriental
de Santa cruz, à l’Est de La paz, et par un groupe réduit
de famille, autour d’une quarantaine, qui concentrent plus de 75% de terre
productives de ce département dans leurs mains.
La droite, qui ne reconnaît pas la théorie de la lutte des classes
mais qui l’applique à la perfection, sent avoir en main la queue
de la poêle et avance avec détermination, y compris jusqu' à
la partition du pays, déjà elle sait comment aggraver la crise
ou comment manœuvrer pour retourner les FFAA contre le gouvernement, et
elle s’est refusé à entamer le dialogue que les autorités
ont proposé sous toutes les formes possibles.
Les motivations contrerévolutionnaires de la débile et dépendante
bourgeoisie constituent, comme on le voit, une totalité qui mêle
les ambitions politico-symboliques aux intérêts économiques.
Dans un pays, où la constitution des classes sociales a été
marquée par son fort contenu raciste, les classes dominante – blanches
dans leur fondement et leur vision du monde- se refusent à accepter que
la Bolivie, un pays pour lequel ils éprouvent un sentiment patrimonial,
soit conduit par un indien. Le refus de Evo Morales, est aussi sur le fond,
le refus de la classe et de l’identité qu' elle porte.
Politiquement, le drapeau de l’autonomie, qui occulte les intentions cachées
séparatistes cherche à faire approuver un état autonomiste
qui s’attribuerait les compétences nationales pour les donner aux
classes dominantes, qui se sont constituées historiquement par le centralisme
étatique, le pouvoir politique qu' ils ont perdu partiellement depuis
le moment où Morales a pris ses fonctions dans le Palacio Quemado leur
serait restitué .
Le gouvernement bolivien n’a pas refusé la demande de plus d’autonomie aux côté du pouvoir municipal qui existe déjà, et a été amplifié par l’Assemblée Constituante, pour les trois autres (régional, provincial et indigène), alors que le discours de l’opposition, amplifié par les moyens de communication, exacerbait le mensonge dans une espèce de guerre ou , comme dans toutes les guerres la première victime est la vérité. Economiquement, la rachitique bourgeoisie bolivienne, voit avec préoccupation le processus de récupération étatique des ressources naturelles et les avancées que, à chaque fois contradictoirement, le président Morales fait avancer pour à la fois ré-impulser le rôle de l’Etat dans l’économie et asseoir les bases d’une économie communautaire qui se caractérise par le dépassement de l’aliénation du travail.
Le programme gouvernemental, qui s’est mis en place
depuis l’arrivée de Morales au gouvernement et que l’on trouve
décrit dans le texte constitutionnel approuvé à Oruro,
reconnaît quatre types de propriétés : d’Etat, privée,
communautaire et coppérative. La Bourgeoisie installée en Bolivie,
hautement dépendante du Capital transnational, n’est pas disposée
à faire des concessions et se refuse y compris à admettre la possibilité
de partager le pouvoir avec les classes défavorisées qu' elle
exploite, comme toute bourgeoisie, pour se reproduire, mais qu' elle méprise
aussi pour la couleur de sa peau et la nature de ses noms de famille.
Il ne faut pas être très soupçonneux pour se rendre compte
que derrière cette offensive de classe, de dimensions internationales,
on retrouve les Etats-Unis qui ne tolèrent pas la dignité et la
souveraineté de « l’Indien Morales » a donné
à son peuple, qui aujourd’hui est appelé à faire
preuve de sa grandeur et de son esprit indomptable.
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• Hugo Moldiz analyste, écrit pour l’hebdomadaire
La Epoca de Bolivia.
• Traduit par Danielle Bleitrach
• 2/5/08