L’oligarchie bolivienne exacerbe les tensions

La Paz . Le gouvernement d’Evo Morales fait face aux velléités scissionnistes de la droite, qui refuse ses réformes. Il dénonce une conspiration visant son renversement.

La puissante oligarchie bolivienne affronte violemment le gouvernement d’Evo Morales. Vendredi dernier, les comités civiques des riches départements de Santa Cruz, Tarija, Beni et Panda, cornaqués aux « petrolatifundistes » et aux partis de droite, dont Podemos, ont appelé à une grève de 24 heures, qui a viré au coup de poing : intimidations aux relents racistes à l’encontre des populations indigènes, pris à parti d’un siège de la télévision d’État. Selon plusieurs témoins, un enfant serait mort à Tarija suite à un incendie provoqué par des groupes liés au comité civique local. Une véritable démonstration de force que la droite a été forcée de reconnaître, mais en la minimisant, « quelques petits problèmes par excès d’alcool de quelques personnes », selon le président du comité civique Pro Santa Cruz (CPSCZ), German Antelo.

Si la grève n’a pas connu un franc succès, en dépit de l’appui des organisations patronales ainsi que de certaines municipalités, elle témoigne néanmoins d’une division nette entre l’exécutif de Morales et les départements où la droite joue la carte de la sécession. L’Assemblée constituante, dont le principal mandat est de rédiger une nouvelle loi fondamentale qui devrait voir le jour l’année prochaine, est, une fois encore, au centre de la dispute. La droite, qui s’estime lésée au profit de la « dictature du MAS », dit-elle, rejette le mode de vote de l’Assemblée, qui prévoit l’adoption par majorité simple pour les décisions préliminaires et les deux tiers des voix pour l’adoption finale du texte, soumis par la suite à référendum.

lA GRèVE EST UN PRéTEXTE

Pour la ministre de l’Intérieur, Alicia Muñoz, il ne fait de mystère que l’appel à la grève pour imposer la formule deux tiers des voix pour l’ensemble des décisions de l’Assemblée n’est qu' un prétexte. Selon elle, il s’inscrit dans un « mouvement de conspiration de ceux qui ne résignent pas à être gouvernés par un président indien et à perdre leurs privilèges et leur pouvoir ».

La chose était perceptible depuis la victoire d’Evo Morales, mais elle s’est accélérée après l’annonce du gouvernement en mai dernier de nationaliser les hydrocarbures, notamment le gaz (secondes réserves du continent). Selon les déclarations de Walker, du ministère de la Défense, le comité Pro Santa Cruz, avec à sa tête Germn Antelo, bénéficierait du soutien financier des compagnies pétrolières étrangères Petrobras et Repsol-YPF et ferait l’objet d’une enquête, rapporte Bolpress. Toujours selon l’agence bolivienne, des conseillers de ces compagnies se seraient réunis la semaine dernière à Buenos Aires avec des émissaires du CPSCZ, avec l’aval de la diplomatie américaine, pour finaliser la journée d’action de vendredi dernier, une opération baptisée « Camba », du nom des groupes de frappe des comités civiques.

L’opération « Camba »

Les comités civiques ont promis de ne pas faiblir face aux nationalisations ou encore la réforme agraire, qui, selon eux, spolient leurs départements. Mais en taisant le fait que les oligarchies locales et les entreprises étrangères ont fait main basse, parfois illégalement, sur les richesses du pays au détriment de l’immense majorité des Boliviens. L’opération « Camba » ne vise rien d’autre que la mise à mort de la maîtrise du patrimoine national décidée par Evo Morales, pourtant acte de souveraineté.

Cathy Ceïbe

Article paru dans l' Humanité du 12 septembre 2006

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