La Banque du Sud, nouvelle arme contre Washington
Olivier Ubertalli
C'est la nouvelle astuce du président vénézuélien
Hugo Chavez pour contrer le Fonds monétaire international (FMI) et la
Banque mondiale, et plus largement l'influence financière de Washington.
El Banco del Sur, la Banque de l'Amérique du Sud, a vu le jour dimanche
dernier à Buenos Aires. Il s'agit d'un organisme bancaire régional
intégré, pour l'instant, par sept pays du sous-continent: l'Argentine,
la Bolivie, le Brésil, l'Équateur, le Paraguay, le Venezuela et
l'Uruguay. Le Chili et la Colombie, qui ont pris part aux discussions préliminaires,
ont finalement décidé de ne pas participer au projet.
L'idée consiste à profiter de la bonne santé de l'économie
régionale pour affronter les secousses financières et financer
les besoins d'infrastructure. La banque latina devrait être dotée
d'un capital d'environ 7 milliards de dollars. Le premier financement à
l'étude est celui d'un gigantesque gazoduc de 12 500km qui doit relier
Caracas, La Paz et Buenos Aires et permettre de régler les problèmes
énergétiques de la région. Initialement, Hugo Chavez voulait
que la banque joue aussi un rôle de prêteur dans la région,
ce qui en aurait fait une sorte de FMI du Sud. Finalement, l'accord s'est fait
autour d'un modèle proche d'une banque de développement.
«Il existe d'énormes besoins d'investissements
en Amérique latine, en particulier en matière d'infrastructures,
car le retour de la croissance a créé des goulets d' étranglement.
Mais il serait plus logique de renforcer les institutions existantes, comme
la Corporation andine de financement (CAF) et la Banque interaméricaine
de développement (BID)», estime Daniel Solano, éditeur du
bulletin Marchés d'Amérique latine.
«La Banque du Sud nous donnera un accès à des crédits
que d'autres, comme les banques multilatérales, nous refusent. Elle contribuera
surtout au développement social de nos pays», s'est ému
le chef de l'État de la Bolivie, l'indien Evo Morales.
Cette naissance reflète bien le sentiment des Latinos vis-à-vis
des institutions de Bretton Woods, le FMI et la Banque Mondiale. Elles sont
jugées responsables en grande partie des politiques libérales
«sauvages» des années 80 et 90 qui ont mené plusieurs
pays Latinos à la banqueroute. «Nous sommes tous des enfants des
crises causées par le FMI!» dénonçait récemment
le président vénézuélien, Hugo Chavez. L'Argentine,
par exemple, a appliqué les recettes libérales du FMI en élève
appliqué dans les années 90, privatisant à tour de bras.
Mais en 2001, le pays a sombré dans une terrible crise économique
sans que
le FMI vienne à la rescousse. Ces derniers mois, le Brésil, Argentine,
le Venezuela et l'Équateur ont soldé leur dette vis-à-vis
du FMI afin de ne plus avoir à lui rendre de comptes. Chaque remboursement
témoignait de la même volonté de se libérer de l'intrusion
de l'organisme dans les choix économiques des dirigeants sud-américains.La
récente désignation du Français Dominique Strauss-Kahn
à la direction du FMI a montré que ce poste revient toujours à
un Européen, par tradition. Or, les Sud-Américains n'appuient
pas ce mécanisme, qui, selon l'ex-ministre argentin de l'Économie
Roberto Lavagna, «exclut une bonne partie du monde».
Roberto Lavagna a des raisons de se plaindre: cet économiste a mis fin
à la parité dollar-peso en 2002 et restructuré en 2005
une dette de plus de 100 milliards de dollars, malgré l'avis négatif
du FMI. Sans ces mesures, on se demande aujourd'hui comment l'Argentine afficherait
depuis quatre ans une croissance d'environ 8%.
La nouvelle Banque du Sud se veut plus démocratique
dans son fonctionnement. Chaque État dispose d'une voix et les décisions
se prendront à la majorité absolue. On tente ainsi de rompre avec
la logique des organismes multilatéraux, dominés par les pays
développés. Pour le président brésilien Lula, l'homme
fort de la région, il s'agit d'une question de responsabilité:
«Les pays riches doivent mener des politiques plus favorables avec les
pays plus pauvres.» Le chef d'État du Paraguay, Nicanor Duarte
Frutos, justement à la tête d'un pays jugé très pauvre,
va plus loin: «Nous lançons un processus non seulement d'émancipation
financière, mais aussi de libération politique et de domination
culturelle.»
Tout n'est pas encore réglé, cependant. Les
pays doivent encore définir d'ici à deux mois leur apport au capital
de la banque. Les discussions promettent d'être houleuses.
http://www.cyberpresse.ca/article/20071215/CPMONDE/712151195/6643/CPMONDE
CUBA SOLIDARITY PROJECT http://vdedaj.club.fr/spip/
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