Quand les paysans du Delta du Niger ont commencé à manifester leurs protestations, le gouvernement est intervenu militairement. La capacité de réprimer les manifestations des paysans et la non ingérence dans les activités des compagnies pétrolières étrangères sont depuis toujours la clé de voûte des gouvernements nigérians, pour avoir une approbation internationale et pour rester à l’abri des coups d’état. Par ailleurs un « système de corruption transparent » bâillonne ceux qui pourraient défier le gouvernement et les compagnies. Celles-ci, de leur côté achètent la collaboration des leaders les plus influents qui leur garantissent ainsi le passage à travers le territoire.
Un bon exemple est celui de la communauté des Ogons (une des populations du Delta), où les membres du Kagote, un club élitiste accessible seulement à des personnes de haut niveau d’instruction et ayant eu certain pouvoir, et aux vieux leaders de la communauté, peuvent compter sur des privilèges particuliers. Ken Saro Wiwa, écrivain et activiste pour les droits de l’homme liquidé par le régime militaire en 1995, a également bénéficié de ce « système transparent de corruption » au début des années 70, jusqu' en 1990, quand les Ogons ont fondé le Mosop (Mouvement pour la survie du peuple Ogon) : un groupe qui a des racines populaires profondes, et s’est développé à travers des réunions organisées, de la propagande et autres formes de manifestations, devenant ainsi une gigantesque caisse de résonance qui a informé le monde entier des conditions de vie misérables et dangereuses des gens du Delta. Le Mosop a mené d’abord sa contestation en respectant les règles constitutionnelles, en réclamant ses droits au gouvernement nigérian en 1990 et, en 1992, aux compagnies pétrolières, l’indemnisation des trente années de profits confisqués. Aucune des deux initiatives n’a reçu de réponse. Les marches de protestation, en principe pacifiques, des Ogons se sont ainsi transformées, avec des jets de pierres, et par des actions entravant les activités des compagnies.
La bataille lancée par le Mosop a motivé les communautés
des habitants du Delta pour former des groupes et des associations où
se trouvent des militants des droits de l’homme, des groupes politiques
et militaires comme Idera (Association pour la démocratie et les droits
environnementaux de Isoko), le Pusn (Union des gens pour le salut du Nigeria)
et Iye (Jeunes révolutionnaires Ijaw). Les représentants de ces
groupes, par une pratique politique clandestine, ont généré
une conscience dans la population, en créant un réseau solide
de coalitions, qui réunit les différentes régions du Delta
du Niger. A l’heure actuelle, il est difficile de définir le nombre
et la force de ces groupes militants, dont la présence est comme une
épine dans la chair du gouvernement et des compagnies pétrolières.
Aujourd’hui, le Delta du Niger est un volcan qui émet une fumée
noire : personne ne sait si ça se terminera par un simple grondement
ou par une éruption.
* Okechukwu Anyadiegwu est nigérian, écrivain,
et enseigne la langue et la culture Igbo à l’Université
de Padoue.
Edition de vendredi 12 mai de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/12-Maggio-2006/art11.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
un autre article (de Guglielmo Ragozzino, qui dirige l'édition
italienne du Monde Diplomatique) donne des information interessantes sur les
compagnies pétrolières qui exploitent le Delta, voir:
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/12-Maggio-2006/art12.html