Les révélations du philosophe Français Georges Labica.
1. Sarkozy c’est la recolonisation :
Chez Sarkozy, le projet d’Union méditerranéenne repose sur
des arrière-pensées au service d’un leadership européen
et sans doute d’une position prédominante d’Israël,
autrement dit d’une recolonisation, sans exclure l’appui qui pourrait
être apporté à l’entreprise US sur le Proche et le
Moyen Orient, l’Iran étant plus particulièrement visé.
2. Sarkozy est hostile à l’Algérie
: Il a une attitude de principe plus hostile qu' amicale. Il suffit d’évoquer
son discours de Dakar, dont les considérants paternalistes et coloniaux,
qui révélaient le mépris de l’Africain, avaient suscité
une juste indignation bien au-delà du Sénégal, ou son appui
déclaré à la politique marocaine envers le Sahara occidental,
ou encore ses proclamations réitérées d’inféodation
aux USA et à Israël, émaillées de propos islamophobes,
pour dissiper tout doute quant aux intentions du personnage
3. Sarkozy c’est la fin de la politique arabe
: la page est tournée de ce qui subsistait encore d’une «
politique arabe », défendue par le Président Chirac, dont
le voyage en Palestine était resté mémorable.
4. Sarkozy c’est la mémoire sélective
: Sa phraséologie opère à géométrie variable
: on raye ce qui gêne, la guerre d’Algérie, par exemple,
et on fait, au nom d’une « vieille amitié », l’apologie
de « ces soldats américains qui nous ont libéré »
5. Sarkozy c’est le lobby d’Israël
: Ses déclarations d’allégeance envers les USA se confondent,
en bonne logique, avec celles qu' il réserve à Israël.
A l’occasion de son dernier voyage officiel outre-Atlantique, il a emmené
dans ses bagages, auprès de ministres et de patrons, M. Richard Prasquier,
nouveau Président du CRIF, organe du tout puissant lobby sioniste, dont
la présence n’a curieusement pas été signalée
par les journalistes les plus influents (et les plus serviles).
Le philosophe Français Georges Labica s’est dit pessimiste quant à l’avenir des relations Algéro françaises. Il a souligné, dans une interview à El-Khabar, que les positions du président français, Nicolas Sarkozy, contribuent à la détérioration de ces mêmes relations.
El Khabar : L’Algérie
et la France voulaient signer un traité d’amitié, mais ce
traité n’est plus a l’ordre du jour, quelle sont, selon vous,
les véritables causes qui ont conduit a ce constat ?
Labica : La façon dont a surgi l’idée
d’un traité d’amitié entre la France et l’Algérie
ne m’a pas semblé répondre à l’aboutissement
d’une maturation politique, qui aurait prétendu établir
enfin le bilan d’un demi-siècle de relations confuses et contradictoires,
initiées par une guerre coloniale particulièrement dévastatrice.
Au contraire, la proposition obéissait, de part et d’autre, à
des préoccupations conjoncturelles, fort éloignées des
clarifications historiques dont le besoin se fait toujours sentir. Du côté
français, il s’agissait vraisemblablement, de tenter de rattraper
le retard pris sur les Etats-Unis en matière d’accords économiques
et de contrôle du marché algérien, concernant au premier
chef le pétrole et le gaz. On était prêt, à cette
fin, à tirer un trait, à la fois sur les contentieux du passé
et ceux de l’actualité (immigration, racisme et arabophobie). Il
suffit de rappeler le temps considérable qu' avait pris la reconnaissance
d’une guerre où l’on n’évoquait que «
pacification » et « événements », ainsi que
le débat, récent celui-là, suscité par le projet
d’une loi consignant dans les manuels d’histoire, destinés
aux écoliers, les effets « positifs » de la colonisation.
Du côté algérien, la dénonciation des hypocrisies
d’une telle attitude et, par voie de conséquence, le rejet du traité
s’avéraient tout à fait légitimes, mais on pouvait
également penser qu' elles n’étaient pas indépendantes
de la stratégie du Président, alors favorable aux intérêts
étatsuniens.
El Khabar : Le président Sarkozy prévoit une visite d’Etat
en Algérie en décembre, comment vous voyez cette deuxième
visite depuis son élection ? La première visite de Sarkozy a été
un échec, et n’a abouti a aucun résultat positif, surtout
que les propos tenus par le président Français avais choqués
plus d’un. Peut considérer ça comme une maladresse, ou bien
le qualifieriez vous du style « SARKO » ?
Labica :Je crains que la seconde visite de l’actuel Chef d’Etat
français, en réalité la troisième en comptant celle
du Ministre de l’intérieur qu' il était, ne connaisse
pas plus de succès que la première. Sans doute ses motivations,
qu' il s’agisse d’un rapprochement jugé nécessaire
pour la reprise des affaires ou d’intérêts stratégiques,
sont elles semblables. Elles n’en sont pas moins plombées par une
attitude de principe plus hostile qu' amicale. Il suffit d’évoquer
son discours de Dakar, dont les considérants paternalistes et coloniaux,
qui révélaient le mépris de l’Africain, avaient suscité
une juste indignation bien au-delà du Sénégal, ou son appui
déclaré à la politique marocaine envers le Sahara occidental,
ou encore ses proclamations réitérées d’inféodation
aux USA et à Israël, émaillées de propos islamophobes,
pour dissiper tout doute quant aux intentions du personnage. La maladresse n’y
a nulle part. Quant au « style », il ne consiste guère qu' à
dissimuler sous des gesticulations frénétiques, une solide détermination
réactionnaire.
El Khabar : Etes
vous optimiste quant a l’avenir des relations entre l’Algérie
et la France ?
Labica : Dans l’état actuel
des choses, ma réponse est négative. S’il est vrai que la
politique algérienne a désormais pris ses distances avec les USA,
en limitant les ambitions monopolistiques de groupes, tels Halliburton, et en
refusant l’installation d’une base militaire au Sahara (Africom),
alors qu' il avait pu lui être reproché d’excessives
concessions antérieures, consistant, aux dires d’un ancien dirigeant
de la Sonatrach, en un « véritable abandon de la souveraineté
nationale », au profit d’une « dérive ultra-libérale
incontrôlée » (*), les conditions d’un rapprochement
avec la France, ne sont pas réunies. En effet, du côté du
pouvoir issu des élections présidentielles d’il y a six
mois, il n’y a pas grand-chose à attendre, comme je viens de le
dire. J’ajoute que la page est tournée de ce qui subsistait encore
d’une « politique arabe », défendue par le Président
Chirac, dont le voyage en Palestine était resté mémorable.
Son successeur ne se réclame du gaullisme, comme il le fait de l’exemple
du jeune résistant communiste Guy Môcquet, fusillé par les
nazis, que de manière démagogique, par pur effet de tribune.
El Khabar : Sarkozy parle de regarder vers l’avenir, et oublier le passé,
est ce que c’est possible ?
Labica : S’il s’agit du sien, riche famille de féodalité
magyare, contrainte à l’émigration au moment de la victoire
alliée en 1945, cela peut se comprendre. Quant au reste, la phraséologie
opère à géométrie variable : on raye ce qui gêne,
la guerre d’Algérie, par exemple, et on fait, au nom d’une
« vieille amitié », l’apologie de « ces soldats
américains qui nous ont libéré », - en oubliant au
passage l’Armée rouge qui avait cependant accompli l’essentiel
de la besogne.
Notons qu' il est d’ailleurs de mode aujourd’hui, et pas seulement
en Europe, de célébrer un « devoir de mémoire »,
à caractère singulièrement sélectif !
Et l’avenir, en l’occurrence, pour « Sidi Nicolas »,
ce serait quoi ? Le pétrole ? L’ouverture au camembert du marché
algérien ? Le contrôle de l’immigration, grâce au double
dispositif d’expulsion des « terroristes » en puissance et
de la capture des cerveaux utiles ?
El Khabar : Le président Français a déclaré que
les enfants ne sont pas responsables des actes commis par leurs pères,
vous ne voyez pas là une politique de deux poids deux mesures, alors
que la France avait réclamé et réclame toujours que le
Turques reconnaissent le génocide Arménien ?
Labica : Bien sûr que les enfants ne sont pas responsables des actes commis
par leurs parents ! J’ajoute, s’agissant de la lutte de libération
algérienne, que les enfants en question ont été jalousement
tenus dans l’ignorance. Il m’arrivait assez souvent, au début
de mes cours à l’Université, de demander aux étudiants
ce que leurs parents, et leur père surtout, s’il l’avait
faite, leur avaient raconté de la guerre. Réponse la plus fréquente
: rien. Parfois ils ne savaient même pas que leur famille avait été
concernée. Entre les culpabilités individuelles et les censures
officielles (voir la longue indigence du cinéma), relayées par
un renouveau du racisme anti-Maghrébin, l’oubli fermait l’histoire
à clef. On imagine le sacré travail de mémoire qu' il
aurait fallu et qu' il faut encore entreprendre. Par contre, le tri fonctionne
ici aussi. La conscience morale, qui sert, en sous-main, à retarder l’entrée
de la Turquie dans l’Europe, pousse des hauts cris, concernant le «
génocide arménien ». Mais elle est bien muette devant celui
du Rwandais, où la France est impliquée. Alors, l’Algérie…
El Khabar : Nicolas Sarkozy parle de son nouveau projet d’union méditerranéenne,
comment vous voyez ce projet annoncé, surtout que les autres pays européens
sont mitigés, de même que les pays du Maghreb Arabe, et est ce
que Israël sera appelée à jouer un rôle dans cette
Union?
Labica : Pour moi, ce projet est un très vieux rêve, qui remonte
au temps de la guerre de libération, quand on aspirait à la création
d’un grand Maghreb, qui aurait inclus l’Algérie, le Maroc,
la Tunisie et la Libye. Encore au-delà, l’union des nations de
la Méditerranée me paraît répondre à une véritable
nécessité géopolitique, obéissant elle-même
à plusieurs ordres de raisons, que j’énumère brièvement
: d’abord l’histoire, qui n’englobe pas uniquement les cultures,
religions incluses, mais également, les manières de vivre, les
coutumes, la cuisine, les comportements et les goûts ; ensuite, sur ces
bases, les complémentarités économiques, de production
et d’échange, qui pourraient faire pièce à cette
Union européenne d’hégémonie voracement capitaliste
et belliciste (OTAN) ; enfin, la possibilité de réduire et d’éliminer
l’impérialisme US sur la mare nostrum (notre mer). Or, on peut
tenir pour assuré qu' une telle ambition se situe aux antipodes
du projet sarkozien, qui usurpe frauduleusement son prestige, pour faire passer,
en l’absence de dispositions concrètes, quelques arrière-pensées
au service d’un leadership européen et sans doute d’une position
prédominante d’Israël, autrement dit d’une recolonisation,
sans exclure l’appui qui pourrait être apporté à l’entreprise
US sur le Proche et le Moyen Orient, l’Iran étant plus particulièrement
visé.
El Khabar :
Comment voyez-vous le rapprochement Franco-américain, surtout que vous
avez toujours dit que « Sarko » était l’homme des Américains
?
Labica : Ses fidèles eux-mêmes
nomment Sarkozy « l’Américain ». Ce n’est ni
une boutade, ni un sobriquet, mais bien la réalité d’un
engagement constamment rappelé par l’intéressé. Il
a passé ses premières vacances de Président, non pas dans
l’une des résidences réservées aux chefs d’Etat
français sur le territoire national, mais aux USA, auprès de son
ami Bush. On sait que les déclarations d’allégeance qu' il
multiplie envers ce dernier se confondent, en bonne logique, avec celles qu' il
réserve à Israël. A l’occasion de son dernier voyage
officiel outre-Atlantique, il a emmené dans ses bagages, auprès
de ministres et de patrons, M. Richard Prasquier, nouveau Président du
CRIF, organe du tout puissant lobby sioniste, dont la présence n’a
curieusement pas été signalée par les journalistes les
plus influents (et les plus serviles). Quel paradoxe de constater que cette
soumission intervient au moment précis où ledit Bush se voit disqualifié
dans son propre pays tandis que lui et son acolyte subissent des défaites
sur les terrains mêmes qu' ils avaient choisi de dominer, -Afghanistan,
Irak, Liban.
On ne s’avancera pas beaucoup en assurant que nombre de Français
ne partagent pas ces engagements.
Les effets de la gueule de bois qui avait saisi une majorité (seulement
électorale) de citoyens du « pays des Droits de l’Homme »,
semblent se dissiper au bout d’à peine six mois. Revendications,
mécontentements et colères, provoqués par les promesses
non tenues, les mensonges et les pitreries, en sont venus à concerner
les secteurs les plus divers de la population et à susciter des manifestations
allant jusqu' aux grèves : cheminots, gaziers, électriciens,
marins pêcheurs, postiers, enseignants, étudiants, lycéens,
infirmières, internes des hôpitaux, journalistes, mais aussi, artistes
lyriques, buralistes, restaurateurs, avocats, magistrats, gendarmes et policiers,
. Que peut-on en penser, en écartant toute prophétie ? Plusieurs
scénarios se présentent. Il sera a priori fort difficile, compte
tenu de la faiblesse et du réformisme syndical majoritaire, de regrouper
les disparités revendicatives en un mouvement unique. Or, coupés
les uns des autres, les groupes sociaux sont menacés de subir le sort
des Curiace de la légende, qu' ils soient défaits par l’obtention
de quelques carottes ou par leur isolement. Il se peut aussi que le gouvernement,
qui s’est engagé à ne pas céder, impose l’épreuve
de force à telle catégorie, les cheminots par exemple, et, prenant
le prétexte d’une revendication catégorielle, peu soutenue
par l’opinion, telle les régimes spéciaux de retraites,
parvienne à faire adopter son programme libéral de réformes
qui en finira avec l’ensemble des acquis sociaux et pèsera sur
l’exigence commune du pouvoir d’achat.
L’aggravation continuelle des inégalités de toutes sortes
et les difficultés existentielles s’étendant à des
couches sociales jusque là épargnées n’en préparent
pas moins les nouvelles étapes de la contestation.
Transmis par Djamal Benmerad Bruxelles