Référendum sur la « réconciliation nationale » en Algérie

après la loi sur la « concorde civile » adoptée en 1999, et persévérant dans sa politique de conciliation avec les islamistes, le Président Bouteflika a décidé de soumettre à référendum, le 29 Septembre prochain, son projet de « charte pour la paix et la réconciliation nationale ». Que faut-il en penser ?

D'abord il s'agit là d'un problème intérieur à l'Algérie et, par principe, nous nous interdisons toute ingérence. Sa solution est l'affaire du peuple Algérien. Lui seul peut décider de la suite à donner à la « période noire » qui a duré plus d'une décennie et fait des dizaines de milliers de morts. Il faut espérer qu'il puisse se prononcer librement et en toute connaissance de cause.

Bien sûr, les amis de l'Algérie ne peuvent s'empêcher, et c'est tout à fait normal, de s'interroger sur le bien fondé de la démarche engagée par le Président Algérien. Permettra t-elle au pays d'en finir durablement avec le terrorisme et de retrouver enfin une stabilité et une sécurité totales ?

après la mort du Président Boumedienne, l'ouverture de plus en plus grande au capitalisme national et étranger, les remises en cause brutales de toutes les conquêtes sociales et politiques acquises à l'indépendance, et les promesses d'améliorations cent fois répétées et jamais tenues, ont entraîné un rejet massif et profond du pouvoir en place. Celui-ci s'est obstinément refusé à voir que la dégradation catastrophique de la situation sociale dans les villes et les campagnes, le chômage de masse, l'extension de la misère, de la corruption, des injustices, l'absence de toute perspective d'amélioration…constituaient un terreau idéal sur lequel pouvait s'implanter et se développer le terrorisme islamique. Les assoiffés de pouvoir, à tous les niveaux ont trouvé, en particulier chez les jeunes chômeurs, un milieu réceptif aux conceptions les plus rétrogrades de l'islam que le régime, pour des raisons de classe évidentes, avait jusque là plutôt tolérées voire encouragées. Les élections législatives de Décembre 1991 avaient révélé la gravité de la coupure entre le peuple et ses dirigeants.

Loin de remettre en cause l'ouverture au capitalisme, et jusqu'à l'arrivée de Bouteflika, les dirigeants successifs ont tout misé sur la seule répression pour en finir avec le terrorisme. L'armée et les forces de police ont été efficaces, mais il faut voir qu'elles ont été largement aidées par le peuple, horrifié par les exactions sanglantes des terroristes, et que des maquis subsistent encore et restent actifs dans certaines zones du pays.

Bouteflika lui, nie également toute relation entre situation sociale et terrorisme. Mais à l'inverse de ses prédécesseurs, il renonce à la répression et mise sur l'aspiration profonde à la paix des Algériens. Il croit possible de résoudre le problème par une large amnistie et un appel à la « réconciliation nationale ».

On peut se demander si cette démarche suffira à faire barrage aux ambitions des islamistes, et si elle n'aura pas en fin de compte pour résultat de leur donner plus de liberté d'action, ce qui se traduirait inévitablement par une recrudescence du terrorisme. En effet, que vaut la promesse, pour le moins nébuleuse, «  d'interdire d'activité politique » les plus extrémistes d'entre eux ? Comment situer de façon précise la frontière entre les « modérés et les extrémistes » ?

En vérité, si la répression ferme et sans concession des crimes du terrorisme aveugle reste un impératif nécessaire et moral, il est illusoire de penser que l'Algérie pourrait retrouver définitivement la paix et la stabilité tant que la dramatique situation sociale des masses populaires continuera de stagner, voire de s'aggraver.

Aucune amélioration réelle et durable n'est à espérer tant que l'Algérie restera sous la coupe du FMI et des multinationales.

Apparemment le Président Bouteflika n'a pas l'intention d'entrer en résistance.

J. Molina

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