Les communistes algériens et leurs luttes
Collectif communiste polex
En novembre 2010, une délégation de 18 personnes, organisée par le Collectif Polex, s’est rendue en Algérie, et y a rencontré les communistes algériens et leurs amis. Un échange-débat très riche a eu lieu au siège du journal Alger Républicain, le samedi 13 novembre, en présence de militants syndicaux, intellectuels, vétérans des luttes de libération nationale et engagés dans les luttes actuelles.
Francis Arzalier, pour le Collectif Polex, a précisé les objectifs des militants français présents :
« Notre voyage a été organisé
par une association française qui s’appelle le Collectif Polex.
L’objectif de cette association est de réfléchir ensemble
et dans un sens militant aux questions internationales, dans une optique anticolonialiste
et anti-impérialiste. A partir de là, nous avons quelques affinités,
depuis longtemps d’ailleurs pour certains d’entre nous, avec par
exemple Alger Républicain, qui est pour nous le journal qui incarne ce
qu' il y a eu de plus glorieux dans le mouvement national algérien,
à savoir les communistes algériens et leurs amis.
Vous savez que, de temps en temps, parce qu' ils ont des contrats à
négocier, les dirigeants politiques français viennent à
Alger, font de longs discours et disent : « Il faudrait
se réconcilier, etc… ». Mais on n’a pas à
se réconcilier. On ne fait pas amende honorable de la période
coloniale parce que les crimes qui s’y sont commis ne furent pas les nôtres.
On les a toujours condamnés et on les a toujours combattus. Ce n’est
pas un problème de réconciliation. Nous avons, en venant vous
voir, une ambition plus grande : celle de favoriser la solidarité
entre militants français et militants algériens, contre l’impérialisme
qui est l’ennemi commun de nos deux peuples. Il y a bien des difficultés
pour y arriver, et cela exige notamment deux ou trois choses :
De notre part, un combat sans concession contre les tentatives
de réhabilitation de la colonisation, qui ne manquent pas en France.
Il faut aussi, dans la même optique, que nous soyons toujours présents
pour combattre ce qu' il y a de toujours actuel en France, à savoir
l’utilisation du racisme, par les autorités. Du racisme contre
les Algériens, les noirs, contre les Roms, contre n’importe qui.
Cela a toujours le même objectif, détourner les travailleurs français,
en les trompant, de leurs véritables problèmes, leur faire oublier
que finalement, ceux qui sont responsables des difficultés qu' ils
connaissent, ceux qui veulent par exemple supprimer le droit à la retraite,
ce ne sont pas les travailleurs algériens ou les Roms, mais tout bêtement
la bourgeoisie française et internationale.
Cela exige aussi un large effort de réflexion sur le passé, et
notamment sur les responsabilités – qui sont indéniables
– des crimes du colonialisme. Il n’y a pas de responsabilité
collective en histoire. Les Allemands en tant que tels n’ont jamais été
responsables des crimes commis par les nazis. Ce sont les nazis qui ont commis
ces crimes et, malheureusement, beaucoup d’Allemands y ont participé.
Mais ce n’était pas une faute imputable à tous les Allemands.
C’est la même chose en ce qui concerne cette période de notre
histoire commune, qu' on a appelée la guerre d’Algérie.
Les criminels français, et ils sont inexcusables, qui ont torturé,
massacré des Algériens simplement parce qu' ils refusaient
la colonisation, avaient au-dessus d’eux, des gens qui leur donnaient
des ordres, qui les encourageaient. Il s’agissait de politiciens, de politiciens
de droite comme De Gaulle et ses amis, ou de politiciens dits de gauche, comme
par exemple le socialiste Mitterrand, dont je vous rappelle qu' il a refusé
de signer, en tant que Ministre de la Justice, le recours en grâce de
certains communistes algériens, condamnés à mort par la
justice coloniale (notamment F. Iveton). Ces crimes sont impardonnables, inoubliables.
Ce ne sont pas les crimes de la France, des Français en général.
Ce sont les crimes de gens précis. Il faut dire de qui, et ne pas l’oublier.
Cette solidarité anti-impérialiste n’est
pas toujours facile à réaliser mais elle est absolument nécessaire.
Elle est d’une grande actualité et nous avons des intérêts
communs.
Au Sahara, de petits groupes, dirigés par des criminels intégristes
algériens – et dieu sait qu' ils ont sévi ici en Algérie
– prennent des otages. Ces gens-là, s’ils n’existaient
pas, l’impérialisme les inventerait, parce qu' ils lui sont
bien utiles. C’est le prétexte rêvé pour l’impérialisme
français, pour l’impérialisme occidental en général,
les Etats-Unis et l’OTAN, d’intervenir au Sahara au détriment
des pays riverains, parce qu' il y a un gros enjeu qui est finalement le
même qu' à l’époque de la guerre d’Algérie :
celui des richesses du Sahara, richesses énergétiques et minérales.
La grande question est la suivante : Qui va les utiliser? Les peuples riverains
pour se développer ? Ou bien seront-elles accaparées par
les puissances occidentales et les grandes sociétés multinationales ?
Sur ce sujet, nous, militants français et algériens – et
avec nous d’autres militants, maliens par exemple – nous avons un
intérêt commun, c’est de combattre ces gens-là.
Deuxième exemple : vous avez sûrement entendu parler des mouvements
sociaux qui ont lieu en France, et notamment de ces grandes manifestations qui
ont réuni énormément de monde pour essayer d’empêcher
les reculs sociaux que le gouvernement français de Sarkozy veut imposer
à la France. Mais ces régressions sociales, qui est derrière,
finalement ? Ce sont tous les pays d’Europe auxquels on essaie, à
la suggestion du Fonds Monétaire International, de faire accepter des
régressions sociales. Ce FMI impose toujours la même recette, depuis
20 ans maintenant, à tous les peuples, dans des conditions différentes :
restrictions budgétaires, régression sociale, destruction des
acquis sociaux et privatisations.
Les pays africains en ont fait l’expérience un peu partout, Algérie
y compris. Je lisais l’autre jour dans un journal algérien une
interview du directeur du FMI, Dominique Strauss- Khan, qui est en même
temps, je le rappelle au passage, un des grands personnages du Parti Socialiste
Français. Selon lui : « en Algérie, le FMI peut
être satisfait des décisions du gouvernement, la plupart du temps,
mais il devrait accélérer le rythme des privatisations et des
restrictions sociales ».
Donc nous avons les mêmes ennemis, les mêmes intérêts,
et finalement un combat commun à mener. »
Zouheir Bessa, directeur d’Alger Républicain, a résumé l’histoire du journal :
« Créé en 1938 en tant que quotidien,
il reparaît en 1944, en 1962 après l’Indépendance,
ou bien encore en 1990-91, à la faveur du multipartisme et de la liberté
de la presse proclamés, après avoir subi plusieurs interruptions.
Il a été interdit en 1939, à la même époque
que le PCF, sous le prétexte du pacte de non-agression germano-soviétique.
Cette interdiction, de fait, avait touché tout le monde en Algérie,
aussi bien le PCA, Alger Républicain, que le mouvement national.
Alger Républicain a pu reparaître un an après le débarquement
des Américains, avec beaucoup de difficultés, parce que ni les
gaullistes, ni les Américains n’étaient chauds pour autoriser
ce journal qui, inévitablement, allait exprimer un point de vue différent
du leur, même si à l’époque la question coloniale
n’était pas encore placée au centre de la ligne du journal,
puisque la tendance qui dominait la rédaction était socialiste.
Les éléments communistes et nationaux venaient à peine
de faire leur entrée dans le journal.
Alger Républicain a poursuivi cette bataille, et à la fin des
années 40, sa ligne anticolonialiste a été précisée.
C’est à partir de ce moment-là que le journal a conquis
le cœur de la grande masse des Algériens qui avait, enfin, à
sa disposition, un quotidien qui exprimait d’une manière très
nette et très claire son refus de la domination coloniale, tout en mêlant
cette bataille à la lutte pour le socialisme et au soutien de toutes
les causes anticolonialistes, anti-impérialistes et ouvrières
du monde.
Le journal a été interdit en septembre 1955, au moment où
le PCA venait lui aussi d’être interdit. Mais durant cette période
très brève, du 1er novembre 1954 (déclanchement de l’insurrection)
à septembre 1955, ce que les Algériens ont surtout retenu d’Alger
Républicain, c’est cette fameuse phrase que les plus âgés
d’entre nous n’ont pas oubliée ; « Alger
Républicain ne dit que la vérité, mais ne peut pas dire
toute la vérité ». La censure s’abattait et le
journal préférait sortir avec des blancs pour alerter les Algériens
sur le progrès de la guerre de libération et sur la répression
féroce qui frappait le peuple algérien. Il préférait
laisser des blancs que s’autocensurer.
En 1962, donc après l’indépendance, le journal a entamé
sa reparution. Ca n’a pas été facile. C’est très
bien raconté dans « La grande aventure d’Alger Républicain »
de H. Alleg et Boualem Khalfa, éditions sociales, livre inscrit dans
le patrimoine national et réédité récemment, grâce
à une subvention du Ministère de la Culture.
Le journal a donc reparu en 1962, très difficilement, parce qu' il
s’est heurté pendant les deux premiers mois de l’Indépendance
à une collusion soit consciente, soit de fait, objective, entre les défenseurs
de l’empire colonial qui étaient restés pendant quelques
mois pour, soi-disant, assurer la transition avant l’instauration d’un
gouvernement algérien légitime, et les dirigeants du mouvement
national qui étaient encore marqués par l’anticommunisme
et qui n’avaient pas renoncé à enfermer le communisme dans
un « cocon de chrysalide », comme c’était
inscrit dans la plate-forme de la Soummam de 1956. Beaucoup de prétendus
démocrates considèrent ce texte comme un document fondateur de
la République algérienne, et qui devrait nous guider dans les
luttes d’aujourd’hui. On ne voit pas comment un texte qui avait
inscrit la décision d’empêcher les communistes de s’exprimer
pourrait être un document de référence. En fait, cela révèle
bien l’existence depuis l’Indépendance, de courants bourgeois
qui, même s’ils ont combattu le colonialisme, l’ont fait pour
remplacer le bourgeois colonial par le bourgeois algérien, et qui ont
utilisé le principe du parti unique pour empêcher le mouvement
ouvrier algérien de s’organiser, et d’apporter au peuple
algérien un prolongement naturel de l’Indépendance, l’abolition
de l’exploitation de classe, qui ne devrait pas remplacer l’exploitation
coloniale.
Donc, pendant ces deux mois, il y a eu des tractations, mais en définitive
le capital de sympathie qu' Alger Républicain avait accumulé
dans l’immense majorité de la population algérienne a eu
raison de tous ces blocages sectaires. Le journal, en dépit de l’absence
d’autorisation officielle des autorités qui s’étaient
installées en juillet et août, est reparu, et il est très
vite devenu le premier quotidien algérien en terme de tirage.
Notre génération avait alors entre 15 et 18 ans : Alger Républicain
nous a fourni une boussole, et c’est en grande partie grâce à
lui que nos yeux se sont ouverts au regard de l’Algérie indépendante,
et que nous avons bénéficié de l’expérience
de ceux qui nous ont précédés et nous ont amenés
à poursuivre leur combat en adhérant au Parti Communiste, devenu
le PAGS en 1966.
Lors du coup d’Etat de Boumediene le 19 juin 1965, Alger Républicain
a refusé d’apporter sa caution au putsch, et il a préféré
se saborder provisoirement plutôt que de publier la proclamation du « Conseil
de la Révolution ». Il était parti de l’idée
que ce coup d’Etat avait été fait par la partie la plus
réactionnaire du pouvoir, qui ne voulait pas de la réforme agraire
dont le projet avait été préparé y compris au sein
du FLN. La vie a montré que les choses étaient beaucoup plus complexes :
c’est un autre débat.
La grande majorité des journalistes d’Alger Républicain,
sa direction, comme la direction du PCA, ont traversé des moments très
difficiles pour continuer le combat et refuser le diktat des nouveaux gouvernants.
Ils ont pris la clandestinité, et l’ont payé très
cher dans leur vie personnelle, familiale. Il y a parmi nous un camarade qui
était à Alger Républicain de 62 à 65, et qui est
entré en clandestinité en 67. Il était membre de la direction
clandestine du PAGS, et il est resté en clandestinité jusqu' en
1989 : vingt-deux ans séparé de sa famille, avec tous les
drames que cela a pu entraîner. C’est très représentatif
de tout le sacrifice, du dévouement de tous les militants communistes
qui ont continué à mener le combat.
Le journal est reparu en 1990 (pluripartisme proclamé) dans des conditions
plus difficiles qu' on ne le pensait. Le multipartisme de façade
certes a servi à désamorcer une crise grave, mais il a été
prévu d’en haut, avec des objectifs très précis,
et a coïncidé avec une très grande confusion dans le mouvement
communiste algérien, puisque les gorbatchéviens algériens,
les gens des services de sécurité du pouvoir, les ennemis du socialisme
se sont tous coalisés, ligués, pour casser à la fois le
PAGS et Alger Républicain. Tant et si bien que la ligne du journal était
devenue très sinueuse. On trouvait aussi bien des articles qui soutenaient
les luttes des travailleurs que d’autres qui non seulement dénonçaient
ces mêmes luttes, comme celle de dockers de 1993, mais encourageaient
même à l’arrestation des responsables du syndicat du port
d’Alger.
Heureusement, ceux qui voulaient la liquidation du journal ont pu être
isolés. Ils sont partis d’eux-mêmes. Mais le journal a subi
une répression encore plus insidieuse, et l’absence totale de financement
de l’Etat. Alors que tous les journaux qui s’étaient engagés
dans la lutte contre l’intégrisme, y compris les journaux qui prônaient
la réconciliation avec eux, bénéficiaient de subventions
de l’Etat, sous la forme déguisée de pages publicitaires.
Alger Républicain a été privé de tout cela.
En Algérie comme en France, aucun journal révolutionnaire ne bénéficie
de publicité de la grande bourgeoisie, et il ne peut survivre que s’il
est appuyé par un grand mouvement populaire. Hélas, ce mouvement
populaire, ouvrier a été cassé par les conspirateurs gorbatchéviens
qui ont détruit le PAGS, et en même temps l’offensive du
mouvement intégriste s’est attaquée à tous ceux qui
représentaient le mouvement progressiste. Il y a eu des centaines d’assassinats,
d’enlèvements de progressistes, des gens qui ont échappé
par miracle à la mort, d’autres qui ont été obligés
de partir, de s’exiler1.
Bref, c’est un moment de très grand malheur que nous avons vécu,
et le journal a été obligé d’arrêter sa publication
en 1994. Nous avons essayé en 2003 de le faire reparaître et d’en
faire un hebdomadaire. Nous n’avons pas réussi. Mais nous n’avons
pas perdu l’espoir qu' un jour Alger Républicain renaisse
en tant que quotidien, et pas seulement lui, mais toute la presse révolutionnaire
qui défend les intérêts des travailleurs, de la paysannerie
pauvre, des déshérités, des jeunes chômeurs, qui
aspirent à rompre avec le capitalisme et la domination impérialiste.
Nous sommes persuadés qu' un jour ou l’autre des forces nouvelles
vont se lever dans ce pays et, comme les générations des années
30, 40, 50, 60, porteront ce journal sur leurs épaules et en feront un
grand journal. »
Un militant âgé témoigne :
« Chaque fois qu' il y a eu une répression contre Alger Républicain, c’est qu' il y avait parallèlement et en même temps une répression contre les communistes. En 39, en 55, 56, et en 62. En novembre 62 le PCA avait été interdit, et il fallait donc liquider Alger Républicain. Nous avons été contraints à la clandestinité, et ensuite les attaques intégristes contre les communistes ont été préparées de cette façon…Il y a eu répression administrative, mais aussi physique, de liquidation. Ensuite, sur les problèmes de matériel, je sais qu' on appelle notre journal « le petit mendiant ». Nous avons tendu la main tout le temps, parce que nous n’avons pas voulu prendre les subsides des privilégiés ou des politiciens à leur service. Quand il y a eu le coup d’Etat de 1965, on nous a enlevé le siège que nous avions gagné sur la presse coloniale. Nous sommes sortis uniquement avec nos vestes. Nous avions rédigé le journal, il est sorti à l’imprimerie. L’armée est venue et nous l’a saisi. Elle nous a interdit de rentrer dans nos anciens locaux. Et il n’y a pas eu de dédommagement. Alors qu' aujourd’hui, les intégristes qui ont tué, assassiné, violé, on leur donne des retraites et des compensations ! Tout cela parce qu' ils savent très bien que pour nous, le communisme, ce n’est pas du passé. Nous avons rêvé, et nous avons lutté pour faire avancer un rêve. Mais nous ne croyons pas que c’est du passé, nous croyons que c’est l’avenir. Et je crois que c’est pour cela que la bataille va continuer.
Zouheir Bessa tient à saluer
la présence dans la délégation venue de France de communistes
algériens d’origine européenne :
« Ils étaient en Algérie, ils étaient au PCA,
ils ont pris une part active à la guerre de libération. Je vois
Jean-Pierre, son épouse, Georges, son épouse Denise. Des membres
du PCA qui ont fait de la prison. Je précise que Georges est aussi président
des Amis d’ Alger Républicain en France.
Le 19 mars 1962, le PCA avait imprimé une déclaration pour saluer
cette victoire sur le colonialisme français, et Jean-Pierre était
parmi ceux qui avaient été chargés de la transporter. Il
tombe sur un barrage militaire. Ils le fouillent, et le trouvent en possession
de ces tracts. C’était après le cessez-le-feu. Un officier
voulait le fusiller. Heureusement il y a eu une opposition parmi les soldats
de la patrouille ! Il l’a échappé belle ! Il part
pour rejoindre sa planque qui se trouve dans un quartier arabe. On le voit entrer.
On le prend pour quelqu' un de l’OAS, et il a eu du mal à
convaincre les gens ! Un exemple probant de la situation dans laquelle
se trouvaient alors nos camarades d’origine européenne. »
Témoignage de Georges Perlès :
« Au lendemain de l’indépendance,
la majorité des Européens et les patrons ayant quitté l’Algérie,
les usines étant abandonnées, les travailleurs en ont pris possession.
En ce qui me concerne, j’ai été président du Comité
de gestion de la SOFRAMA. On était parti avec 200 travailleurs. On est
arrivé à 1 500 travailleurs. On a construit l’usine
de textile de Batna. On a fait l’extension de l’usine, sous la direction
du Comité de gestion. On a fait l’extension de l’usine de
câblerie électrique, en Comité de gestion. Donc, cela fonctionnait.
Beaucoup de Comités marchaient bien, et de nombreux travailleurs se sont
formés grâce à eux. Un beau jour, une délégation
du FLN vient dans l’usine, réunit les travailleurs. Ils parlaient
en arabe. Ils croyaient que je ne comprenais pas l’arabe. Ils disaient
textuellement : « Comment ? après l’indépendance
vous avez encore un Européen qui vous commande ? ». Quinze
jours après, ils ont dit : « On va faire des élections ».
J’ai eu zéro voix. Encore quinze jours, et une délégation
de travailleurs vient chez moi : « Ils nous ont trompés,
reviens ! ». Je n’y suis pas retourné.
Cela permet de voir que la politique anti-ouvrière a commencé
dès l’indépendance, et même au temps de Boumediene,
et par la suite, ça c’est accentué.
Je veux aussi parler d’Alger Républicain. Zouheir fait une bonne
démonstration du rôle de ce journal qu' il faut défendre
absolument. Je suis président d’une Association en France qui soutient
le journal. Nous avons 280 abonnés, et nous sommes à peu près
120 dans l’Association. On fait des réunions, on a fait un gala,
on mène pas mal d’actions et de manifestations pour soutenir ce
journal. Seulement, si on considère qu' Alger Républicain
est une arme qu' il faut maintenir coûte que coûte, par tous
les moyens, on a de plus en plus de difficultés du fait que le journal
ne paraît pas régulièrement. En Algérie, vous devez
faire un effort extraordinaire pour que ce journal puisse continuer à
sortir. Même s’il ne paraît que deux ou trois fois par an.
Mais il faut le sortir de façon à le maintenir, parce que les
gens ont fait des souscriptions. On a un potentiel important pour le journal
en France. La majorité des copains qui sont venus avec nous sont abonnés
ou membres de l’Association .Voila ce que je voulais dire au nom
de l’Association. »
A la demande des militants algériens, un échange nourri a lieu entre les participants à la rencontre sur les capacités de lutte actuelles des communistes français, du PCF, du journal l’Humanité, et de la CGT, mais aussi sur la solidarité nécessaire, entre progressistes algériens et français.