« Affaires » libyennes.
Comaguer
Au fil des jours et des lectures n°89
La guerre de Libye qui semble maintenant s’installer
dans la durée a laissé apparaitre de nombreuses divergences au
sein d’une coalition à géométrie éminemment
variable. Ces divergences dans la stratégie comme dans les objectifs
ne font que refléter l’instabilité et la dureté des
rapports entre alliés, rapports reflétant une crise économique
à laquelle n’échappe aucun d’entre eux. Cas classique
d’exacerbation des contradictions inter-impérialistes qui n’est
pas sans rappeler la période ayant précédé l’éclatement
de la première guerre mondiale.
Une des ces contradictions a été mise à jour par un journaliste
italien Franco Bechis qui, à la fin du mois de Mars, a publié
deux articles comportant d’intéressantes révélations
sur les dessous économiques de la politique de la Présidence française
vis-à-vis du régime libyen.
La traduction française d’un de ces articles
a été publiée par le Réseau Voltaire, http://www.voltairenet.org/auteur125277.html
l’autre publié sur le blog de Franco Bechis http://fbechis.blogspot.com/2011/03/ma-quale-gheddafi-sarko-ha-dichiarato.html
n’a pas été traduit en français mais constitue un
complément indispensable au premier.
Pour commencer qui est Franco Bechis ? Rédacteur en chef du quotidien
Libero, il appartient et se revendique du centre droit. Dans la conjoncture
politique italienne présente il faut comprendre ce positionnement comme
celui d’une droite proche à la fois du patronat et du Vatican mais
prenant ses distances par rapport à une droite au pouvoir : Berlusconi,
Fini, Bossi et consorts divisée, de plus en plus instable et imprévisible
et qui ne doit son maintien au pouvoir qu' à l’inconsistance
de l’opposition parlementaire. Cette droite qui pense en termes de compétitivité,
de parts de marché, dont le langage est celui du Capital est évidemment
très consciente de la concurrence entre pays impérialistes.
qu' elle soit très attentive à la politique
extérieure du locataire de l’Elysée et qu' elle jette
une lumière crue sur ses échecs n’est donc pas pour surprendre.
Quand à partir de 2003 le régime libyen est redevenu fréquentable,
les pays européens se sont tous rués sur ce marché longtemps
fermé pour cause d’embargo. La France a offert en priorité
ses produits habituels : avions de chasse (le fameux Rafale toujours à
la recherche d’un client étranger) centrales nucléaires
et à en croire les communiqués de la Présidence de la République
au lendemain de la spectaculaire visite de Kadhafi à Paris en Décembre
2007, les contrats étaient quasiment signés. Il n’en fut
rien et Dassault dut se contenter d’une modeste modernisation de quatre
anciens Mirage. Des espoirs avaient également entretenus d’un contrat
pour la construction d’un métro à Tripoli mais la Deutsche
Bahn appuyée par l’ancien chancelier Schröder l’avait
finalement emporté. L’Italie très prompte elle aussi à
se réconcilier avec son voisin libyen avait eu quelques succès :
pétroliers d’ abord puisque l’ENI était devenu
le plus important pétrolier étranger en Libye, industriels ensuite
puisque la FINMECCANICA avait conclu un accord de partenariat avec le fonds
souverain libyen pour mettre à disposition de l’Etat libyen ses
compétences et ses productions en aéronautique et en électronique.
FINMECCANICA devait en particulier mettre en place la surveillance électronique
des frontières Sud de la Libye pour freiner l’immigration. Enfin
au point de vue du matériel militaire la Russie avait pris la place de
la France pour la fourniture d’avions et d’hélicoptères.
Franco Bechis a donc de bonnes raisons de penser que le locataire
de l’Elysée tout à sa colère de voir lui échapper
tous ces marchés avait dés le milieu de l’année 2010
décidé d’en finir avec le colonel Kadhafi. Il avait trouvé
dans l’entourage du Colonel le traitre qui prendrait sa place et il ne
restait plus qu' à trouver le moment propice au renversement du
régime. Il arriva avec les soulèvements tunisien et égyptien
La mise à la retraite de Ben Ali et Moubarak permettait d’emboucher
les trompettes de la « révolution arabe » (expression
de circonstance qui a aujourd’hui disparu du vocabulaire médiatique
dominant) et de crier « Au suivant » en installant à
Benghazi une équipe hétéroclite bricolée dans d’obscures
officines et que l’on présenterait comme un gouvernement.
Mais il fallait en même temps tout faire pour garder le bénéfice
commercial de la paternité de la guerre de Libye et de la position de
premier assaillant – à défaut d’être le premier
contributeur aux opérations militaires ce qui est impossible vue la disproportion
des moyens entre les Etats-Unis et les autres pays.
C’est là qu' interviennent les céréaliers français (voir article du réseau Voltaire) très présents dans la préparation du complot de Paris telle qu' elle est relatée par Franco Bechis. En effet comme l’Egypte et les autres pays du Maghreb la Libye est un fort importateur de blé et les céréaliers français en étaient les premiers fournisseurs, les céréaliers des Etats-Unis très puissants sur le marché mondial, se « contentant » de monopoliser l’énorme marché du blé égyptien, le premier du monde. Impliquer les céréaliers français dans la préparation du coup d’Etat c’était s’assurer que le nouveau régime libyen ne changerait pas de fournisseur après son installation. Pour les « Rafale » on verrait …. l’expérience ayant montré que les Etats-Unis avaient jusqu' à présent réussi à empêcher la moindre exportation de cet avion (et ayant par contre accepté qu' il soit adapté pour apponter sur les porte-avions US en cas d’indisponibilité du Charles de Gaulle).
Le déroulement de la guerre de Libye laisse penser que la Perrette Elyséenne risque fort de renverser son port au lait et ses « amis » coalisés attendent ce moment avec jubilation car tous font déjà la balance comptable prévisionnelle des dépenses certaines de la guerre et des futures recettes éventuelles pour la reconstruction du pays et ont certainement sélectionné d’autres remplaçants de Kadhafi que celui présélectionné par Paris, l’ex chef du protocole Mesnari, « réfugié » à Paris à l’Hôtel Concorde Lafayette.
Source : http://comaguer.over-blog.com