Mais le Mali possède une riche histoire qui rappelle à l’esprit l’apogée
de la civilisation africaine avant que la traite des esclaves ne vienne
décimer le continent. Au début du 14e siècle le Mali constituait le
pôle principal d’un empire plus vaste que l’Europe médiévale
située sur la route commerciales s' étendant du Moyen-Orient à la Côte d’Or de l'Afrique.
Cette route passait par la légendaire cité de Tombouctou, située dans
l’aride région du Mali septentrional connue sous le nom de Sahel,
au bord du désert du Sahara. On dit que Mansa (ou Kakan) Moussa, le
souverain malien du 14e siècle, se rendit une fois à la Mecque avec
une suite de 60.000 serviteurs, dont chacun portait un lingot d’or.
Il fit don de tellement d’or au Caire que sa générosité ruina
le marché médiéval de l’or.
Réduit à l’extrême pauvreté et dépourvu de tout accès à la mer,
le Mali d’aujourd’hui continue néanmoins à produire et
exporter de l’or ainsi que du coton. Ces deux produits représentent
80 % des exportations du pays. Avec ses 1.241.341 kilomètres carrés,
le Mali est deux fois plus vaste que le Texas, mais seulement 4 %
du territoire est cultivable, principalement le delta Intérieur du
puissant fleuve Niger, qui trouve sa source dans les montagnes de
la Guinée voisine et se dirige vers le nord-est pour ensuite se retourner
vers le sud-ouest à travers le Niger et le Nigeria et se déverser
enfin dans les champs pétrolifères du Nigeria dans le Golfe de Guinée.
Plus d’un million des 12,5 millions de Maliens habitent la capitale
Bamako, une ville aux rues bordées d’arbres et aux maisons de
bois qui donne plutôt l’impression d’un village géant.
De nombreux Maliens vivent dans le dénuement le plus complet –
il est plutôt question de survie – à peu prés autant qu' en
Bolivie. 10 % des habitants sont des nomades, principalement des Touaregs
au nord du pays.
Le taux de mortalité infantile au Mali est de plus de 100 sur 1000
naissances effectives. Le taux d’alphabétisation adulte est
en-dessous de 50 pour cent.
Mais quiconque se promène sur le Pont des Martyrs reliant les rives
nord et le sud du Niger sera frappé par l’activité bouillonnante
tant de la population que de la circulation. La plupart des habitants
semblent bien s’y porter, la densité du parc de mobylettes et
vieilles voitures étant comparable à ce que l’on constate dans
n’importe quelle ville moderne. Poursuivez à travers le marché,
d’une longueur de plusieurs pétés de maisons, en direction de
la grande mosquée : la plupart des gens marchent le long des étroites
rues bondées de la capitale, les femmes vêtues des plus belles couleurs,
et les hommes souvent grands. Tout le monde est occupé à vendre ou
acheter quelque chose dans ces rues, surtout des produits manufacturés
bon marché du monde entier.
Le Mali avait un gouvernement progressiste quand il obtint son indépendance
de l’Empire français en 1960, mais depuis, tout comme la plupart
des états d’Afrique francophone, il s’est laissé attirer
par le néo-colonialisme français La monnaie du Mali , le franc CFA,
est liée à l’euro, tout comme celle des Bahamas ou de l’équateur
est indexée sur le dollar. Les seuls emplois réels sont à rechercher
dans l’administration, le chemin de fer, en voie de privatisation,
ou les mines d’or, mais 80 % des gens vivent de la terre et
les prix du coton sont si bas sur le marché mondial que l’agrobusiness
impérialiste élimine peu à peu les producteurs locaux.
L’AFRIQUE AU CENTRE DES PREOCCUPATIONS
Les organisateurs du Forum Social Mondial avaient choisi cette ville
pour accueillir la session Afrique de son édition 2006 du 19 au 23
janvier. Les militants maliens ont organisé, malgré la modicité des
infrastructures existantes, un ensemble de 600 réunions qui se sont
déroulés à la période convenue dans les universités, les palais des
congres, les musées et les salles de conférence de Bamako. Selon les
intrépides organisateurs, dont l’ancienne ministre de la culture
Aminata Traore, quelque 15-20.000 personnes, la plupart d’Afrique
francophone, dont de nombreux agriculteurs villageois, ont participé
au FSM de Bamako.
Pour la première fois en cinq ans d’existence du FSM, les questions
africaines étaient au centre des préoccupations. Selon l’organisateur
malien Mamadou Goita, à il y avait plus de 300 personnes des zones
rurales du Mali, et 8000 étaient venues des pays voisins. Tous ont
participé au forum et enrichi les débats, ceci n’était jamais
arrivé auparavant. à
Lors de la première manifestation du 19 janvier, des milliers de personnes
ont défilé dans les rues de Bamako jusqu' au Stade National,
exigeant un commerce mondial plus juste, l’abandon des projets
de privatisation du chemin de fer, la fin des subventions à l’agrobusiness
impérialiste, la liberté du Sahara Occidental et l’annulation
de la dette. Pour les Africains, qui pour la première fois pouvaient
discuter de leurs problèmes de tous les jours devant le monde entier,
le forum était l’occasion d’exprimer un certain nombre
de revendications essentielles. Un commerce agricole plus juste, Grèce à la fin des subventions à l’agrobusiness impérialiste, le développement
de l’industrie en Afrique, le meilleur accueil des immigrés
en Europe, la protection de l’environnement dans les pays pauvres,
l’annulation de l’écrasant fardeau de la dette figuraient
tous au programme.
Le 23 janvier un groupe d’invités étrangers du Liban, de Turquie,
de Syrie, de Suède, de Belgique et des USA se rendit dans un restaurant
local prés de la gare ferroviaire. Alors que nous prenions congé,
quelques jeunes Maliens nous implorèrent de communiquer au FSM et
au monde entier le message suivant : à tout ce que nous voulons, c’est
du travail. Nous préférerions rester travailler ici. Sinon nous serons
obligé d’aller travailler en Europe. à
Cette gare se situait à un bout de la voie ferrée reliant Bamako à Dakar (Sénégal) qui vit la grêve historique de 10 mois de 1947-48,
laquelle joua un rôle primordial dans la lutte de la région pour l’indépendance.
L’auteur-cinéaste Sénégalais Sembene Ousmane a fait connaître
l’histoire de cette grêve au monde entier sous forme littéraire
dans son roman Les Bouts de Bois de Dieu.
Au FSM, les Maliens ont attiré l’attention sur le problème essentiel
de la privatisation du chemin de fer et de sa vente éventuelle à une
multinationale basée au Canada.
LE FARDEAU MORTEL DE LA DETTE
En raison de l’intox autour du prétendu engagement à annuler
la dette des pays les plus pauvres par le biais de l’initiative
pour les pays pauvres très endettés (PPTE) , certains pourraient penser
que le problème de la dette a été en grande partie résolu. En fait,
cette initiative a eu peu de résultats concrets.
Depuis les années quatre-vingt-dix, les principales puissances impérialistes
ont utilisé l’arme du fardeau de la dette pour faire appliquer
par le Fonds Monétaire International ce que l’on nomme une politique
néo-libérale à l’encontre des pays endettés d’Afrique,
d’Asie et d’Amérique Latine. Sans l’approbation
du FMI, ces pays ne peuvent obtenir les nouveaux crédits dont ils
ont besoin pour fonctionner dans l’économie mondiale.
L’on exige à présent que les gouvernements africains lèvent
les barrières douanières qui protègent les producteurs locaux, qu' ils
dénationalisent leurs industries, réduisent leurs dépenses publiques
en matière de santé, d’éducation et de subventions aux produits
alimentaires, et qu' ils ouvrent leur marché, pour que leurs
économies restent des sources de matières premières et de main d’œuvre
bon marché pour les multinationales, tout en devant des intérêts aux
banques. En 1999, par exemple, les pays PPTE ont remboursé 1860 millions
de dollars de plus que ce qu' ils ont reçu sous la forme de nouveaux
prêts.
En raison des politiques de la banque Mondiale et du FMI, le revenu
moyen a baissé en Afrique, alors que la pauvreté du continent augmentait.
Ces politiques sont toujours imposées aux pays PPTE qui ont bénéficié
d’allégements de dettes, dont le Mali.
En Guinée et au Zimbabwe, l’incapacité à servir les intérêts
de la dette a conduit le FMI, la Banque Mondiale et les pays occidentaux à geler toute aide, ce qui n’a fait qu' accélérer la détérioration
des économies respectives.
De façon générale, il faut à l’Afrique $ 80 milliards pour assurer
la fourniture de soins médicaux de base, l’enseignement primaire
et l’eau potable à ses populations, les plus pauvres du monde,
firent valoir des délégués de la république Démocratique du Congo.
Pourtant, les pays les plus pauvres du Sud doivent rembourser plus
de $ 300 milliards de dettes en moyenne aux pays développés.
Ce qu' il faut avant tout, c’est l’annulation sans
conditions de la dette ainsi que des réparations pour compenser les
énormes richesses qui ont été volées à l’Afrique ces cinq derniers
siècles.
Au FSM de Bamako 600 réunions ont été organisées dans neuf sites différents
de la capitale. Un autre problème qui fut abordé concernait l’immigration.
Un groupe entier d’immigrés d’Afrique de l’Ouest
venait juste d’être expulsé du Maroc au terme d’une marche
d’une année poursuivie à travers le continent dans l’espoir
d’un accès à l’Europe avec un emploi ou un autre, aussi
ingrat ou sous-payé qu' il soit.
Lors de l’un des forums intervinrent dans le débat à la fois
des Africains qui racontaient le triste sort qui leur était réservé en Europe et des Européens progressistes, principalement de France
et d’Italie, qui essaient de travailler en solidarité avec les
Africains et de lutter pour les droits de tous les travailleurs. Un
Angolais raconta comment il avait été séparé de sa famille pendant
sept mois sans aucun contact alors qu' il essayait désespérément
d'atteindre l' Europe. Jusqu' alors il n’était parvenu
que jusqu'au Mali.
Le FSM ne fait pas de demandes globales, et ne s’organise pas
non plus pour les faire aboutir. Mais les participants ont exprimé
leur satisfaction d’avoir pu rencontrer d’autres personnes
du continent qui travaillent elles aussi pour le progrès humain.
L’APPEL DE BAMAKO
De plus, un groupe de 80 intellectuels opposés à la mondialisation
et militants politiques, dont des économistes et syndicalistes marxistes,
se sont réunis les 18-19 janvier à Bamako, juste avant l’ouverture
du Forum Social Mondial polycentrique. Le rassemblement, qui ne constituait
pas une activité officielle du FSM mais dont les invités ont ensuite
participé à de nombreux débats au FSM , a fait une déclaration à la
fin de la réunion : l’Appel de Bamako.
L’appel vise à favoriser le débat et l’action sur toute
une série de points posant des problèmes majeurs à l’humanité.
Ils comprennent le besoin de créer un front uni des travailleurs et
de lutter contre la domination impérialiste et l’hégémonie militaire
américaine; les problèmes des sociétés paysannes menacées de destruction
par leurs concurrents occidentaux bénéficiant de subventions; la gestion
démocratique des médias et la diversité culturelle ; enfin, la lutte
contre les politiques néo-libérales centrées uniquement sur le marché.
L’un des objectifs majeurs de l’Appel de Bamako est de
promouvoir la solidarité entre, d’un côté, les travailleurs
et les progressistes des pays impérialistes et, de l’autre,
les mouvements populaires des pays opprimés. L’appel insiste
sur l'importance attachée par les participants à la définition d'
objectifs alternatifs de développement afin de viser à un équilibre
entre sociétés, d'abolir l’exploitation de classe, de sexe,
de race et de caste et de tracer un itinéraire vers un nouveau rapport
de forces entre Nord et Sud.
L’économiste égyptien et président du Forum du Tiers Monde Samir
Amin, qui est professeur à l’Université de Dakar chez le voisin
Sénégalais, nomma cette assemblée pré-FSM une ‘conférence de
Bandung des peuples’, marquant ainsi le 50e anniversaire de
la conférence des pays non-alignés de 1955 qui s’était tenue à Bandung en Indonésie. Certains leaders politiques maliens impliqués
dans le FSM organisèrent et participèrent également à la conférence,
dont Aminata Traore.
Au nombre des 80 participants aux débats pré-FSM figuraient Bernard
Founou-Tchuigoua et Babacar Diop Buuba, tous deux professeurs d’université à Dakar (Sénégal), l’ancien député européen portugais Miguel
Urbano Rodrigues, la journaliste politique chilienne Marta Harnecker,
l’éditeur Franco-Libanaise Leila Ghanem et l’animateur
du site internet rebelion.org Luciano Alzaga.
Il y avait aussi Wen Tiejun et Jinhua Dai de l’Université de
Pékin, la rédactrice en chef du périodique cubain ‘Marx maintenant’
Isobel Monal, les économistes radicaux Brésiliens Paolo Nakatini et
Rosa Marques et le vice-président du Parti Communiste Brésilien (PcdoB)
Jose Reinaldo Carvalho, l’économiste français Rémy Herrera,
le spécialiste suédois du syndicalisme Ingmar Lindberg, Antonio Tujan
de l‘Institut d’économie Politique des Philippines, Mamdouh
Habashi du Groupe Anti-Mondialisation égyptien, le physicien belge
Jean Bricmont ainsi que l’américain John Bellamy Foster, rédacteur
de ‘Monthly Review’.
Ignacio Ramonet du ‘Monde Diplomatique’, Bernard Cassen
d’Attac-France, le Jésuite belge anti-militariste François Houtart
et l’auteur anti-mondialiste Susan George, qui s’étaient
déjà impliqués dans tous les forums sociaux majeurs antérieurs, ont
également pris la parole.
En sus des invités officiels, il y avait également des groupes de
jeunes d’anciennes colonies françaises, en particulier du Sénégal,
du Bénin et du Togo. Des coopérants Cubains présents au Mali, en particulier
médicaux, furent aussi de la partie.
Pour mener les débats le groupe tout entier se divisa en 10 commissions
séparées. Ces dernières débattirent pendant trois heures chacune, à raison de 5 commissions à la fois. Certaines des commissions décidèrent
d’essayer de mettre sur pied des commissions de contrôle permanentes,
dans des domaines tels que l’impérialisme et l’environnement.
ALARCON DEMANDE DES MESURES ANTI-IMPERIALISTES
Le président de l’Assemblée Nationale cubaine, Ricardo Alarcon,
prit également part aux discussions. Il émit quelques suggestions
pratiques, par exemple que l’Appel de Bamako ne se contente
pas seulement de mettre en place un forum anti-impérialiste qui définirait
un programme ou lancerait des idées, mais qu' il s’organise
en vue de coordonner des actions anti-impérialistes.
En fait l’Appel de Bamako préconise quelques actions bien précises.
L'une d'entre elles s'avère le soutien aux journées mondiales de manifestations
contre l'occupation des 18-19 mars.
L'appel vise à renforcer le mouvement de protestation contre la guerre
et les occupations, ainsi qu'exprimer sa solidarité avec les réfugiés
des points chauds de la planète. Dans cet ordre d'idées, il est essentiel
que la manifestation mondiale contre la guerre en Irak et la présence
militaire en Afghanistan
prévue pour les 18-19 mars 2006 coïncide avec :
- l'interdiction de l'utilisation et de la production d'armes nucléaires
ainsi que la destruction des arsenaux existants
- le démantèlement de toutes les bases militaires situées en dehors
du territoire national, en particulier la base de Guantanamo.
- la fermeture immédiate de toutes les prisons de la CIA
Il appelle également à la solidarité avec la Palestine et la vigilance
quant à une intervention américaine contre le Venezuela et la Bolivie.
Pour résumer, l'Appel de Bamako, élaboré sur la base des thèmes principaux
discutés dans les groupes de travail, exprime son désir de :
(i) forger un internationalisme qui rassemble les peuples du Sud et
du Nord souffrant des ravages engendrés par la dictature des marchés
financiers et par le déploiement mondial incontrôlé des multinationales;
(ii) forger une solidarité des peuples d'Asie, d'Afrique, d'Europe
et des Amériques confrontés aux défis du développement au XXIe siècle;
(iii) parvenir à un consensus politique, économique et culturel qui
soit une alternative à la mondialisation militarisée néolibérale ainsi
qu' à l'hégémonie des Etats-Unis et de leurs alliés.
A Caracas (Venezuela), où la seconde session du FSM Polycentrique
s'est terminée le 30 janvier, le président Hugo Chavez a préconisé
la création d'une organisation internationale qui décide d'actions
anti-impérialistes.
Il est prévu que le FSM 2007 se déroule à Nairobi (Kenya).
Catalinotto représentait le Centre d'Action International (International
Action Center – USA) aux réunions qui lancèrent l'Appel de Bamako.
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