MADAGASCAR : ENTOURLOUPE LIBERALE

Si la juste revendication du « changement » s’imposait de nouveau et massivement en 2001-2002 à Madagascar face au régime autocratique, libéral et corrompu de Ratsiraka (qui a fait régresser cette île jusqu’à faire partie des dix pays les plus pauvres du monde, avec un revenu annuel par habitant de 250 dollars), elle s’est laissée largement instrumentaliser par une équipée populiste de rechange qui, maintenant, a fini de dévoiler son vrai visage réactionnaire. En fait, en attisant et laissant jouer les luttes pour le pouvoir (y compris à travers leurs dérives ethnicistes) entre fractions dirigeantes pendant cette crise, tout en les contrôlant « de loin », l’impérialisme a réussi le tour de force de réaliser une réorganisation tendancielle du procès néo-colonial inaboutie en vingt ans d’ajustements structurels ravageurs et de plus en plus renforcés sous l’égide des institutions financières internationales.

Le magnat de l’agro-alimentaire Ravalomanana parvenu à être président, c’est un libéralisme tout crin qui s’affiche pour gérer au pas de charge l’Etat et les affaires publiques à la manière du management des entreprises de l’ère de la globalisation capitaliste. Le « développement rapide et durable » (avec insistance sur « rapide ») est ainsi le slogan mis en avant pour déréglementer à tout va l’activité productive et les accumulations capitalistiques, pour accentuer le démantèlement des services publics de santé et d’éducation, pour réactiver le train des privatisations et pour permettre, désormais et au détriment d’une réforme agraire qui favoriserait la multitude de paysans ayant un besoin vital de terres à travailler, l’accès des investisseurs étrangers à la propriété foncière (accès constamment refusé par le peuple malgache depuis le XIXème siècle monarchique et auquel il préfère clairement les baux emphytéotiques).

Mais, pendant que l’extraversion renforcée de l’économie avance à grands pas et alors qu’une flambée du niveau d’endettement du pays est prévisible, les effets du désastre économique et social généré par la longue crise politico-électorale de l’an passé sont toujours là : usines fermées, marasme des activités dérivées, emplois non retrouvés (plusieurs dizaines de milliers, rien que dans les entreprises franches), chute du pouvoir d’achat, baisse des revenus paysans, précarité sanitaire des couches populaires etc. Il est vrai que le nouveau cours libéral actuel, qui prend le relais du précédent (incarné par Ratsiraka, incohérent du point de vue des logiques du Capital et à bout de souffle) se déploie avec le soutien du même puissant conditionnement religieux, voire intégriste, instrumentalisant le thème biblique « Ne crains rien, crois seulement ! » qui a encadré l’avènement de Ravalomanana… Mais l’état de grâce dont a bénéficié la nouvelle direction malgache semble être maintenant en fin de course…

Jean-Claude RABEHERIFARA

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