Pourquoi les Etats-Unis veulent un "changement de régime"
au Soudan
Comaguer
L’arrivée au sommet de l’agenda diplomatique mondial de la
question du Darfour n’est ni l’effet du hasard ni la conséquence
d’une aggravation dramatique et soudaine d’une situation conflictuelle
existant depuis plusieurs années dans cette province occidentale du Soudan.
Le terme gravissime de « génocide » a été lancé
en 2004 par COLIN POWELL au sujet du Darfour. L’abus de ce terme, en contradiction
avec la définition qui en a été fixé par l’ONU
dans la convention internationale contre les génocides adoptée le
9 Décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 Janvier 1951, est une
constante de la politique étrangère des Etats-Unis depuis la disparition
de l’URSS bien qu' ils aient été au nombre des premiers
signataires de la dite convention. Mais ils ont démontré ces dernières
années qu' ils se souciaient comme d’une guigne du droit international
existant et ils préfèrent accuser de ce crime le Soudan qui en est
lui-même signataire que d’autres voisins : Tchad, Congo, République
Centrafricaine qui ne le sont pas.
Alors pourquoi la mode, même si ce mot fait frémir quand il faut
parler de souffrances humaines réelles de populations déjà
très défavorisées, est-elle au « génocide au
Darfour » ?
Un universitaire étasunien, ALEX DE WAAL, qui s’est récemment
penché sur cette question conclut que s’il y a « génocide
» au Darfour alors il y a aussi « génocide » au Congo,
au Burundi, en Ouganda , au Nigéria et dans plusieurs autres pays.
ALEX DE WAAL est directeur du Programme de Recherche en science sociale à
New –York et membre du Global Equity Initiative de Harvard. Il a publié
deux livres très documentés sur Le Darfour dans lesquels il étudie
les particularités sociales, ethniques et culturelles des habitants du
Darfour , particularités réelles et d’une grande diversité
mais qui n’ont rien à voir avec l’image , caricaturale et
sans fondement d’ après lui, véhiculée par les médias
dociles selon laquelle les Darfouriens seraient des « Africains »
victimes « d’Arabes » avec le sous-entendu dévastateur
suivant : les Darfouriens seraient des « gentils Africains » victimes
de « méchants arabes », comprenez le gouvernement de Khartoum.
(Que des arabes aient traversé la Mer Rouge et se soient installés
au Soudan est un fait historique mais il remonte à l’époque
de Mahomet et le brassage a eu le temps de se faire.)
Il y a donc deux façons de parler du Darfour :
- le mode humanitaire : dans une région pauvre d’un pays lui-même
pauvre une « guerre civile » provoque de graves souffrances humanitaires
- le mode politique : le Soudan est l’enjeu des rivalités entre
grandes puissances et il est mis à l’index par les Etats-Unis qui
veulent faire tomber le régime soudanais actuel et la « guerre
civile » n’est pas, loin s’en faut, que le fait de citoyens
soudanais qui s’entretueraient.
Nous ne nous attarderons pas sur le premier mode qui est utilisé par
les ONG générales, comme AMNESTY International, MSF, la Croix-Rouge
et tant d’autres, soit par des ONG spécifiques qui se sont constituées
pour les besoins de cette cause et recherchent surtout une influence sur les
opinions publiques occidentales en vue de préparer celles-ci à
approuver les actions politico-militaires , clandestines et/ou publiques, contre
le pouvoir soudanais, que projettent ou qu' ont déjà entamées
leurs gouvernements. Le montage, rôdé en Yougoslavie, est aujourd’hui
bien connu.
Pourquoi donc cet intérêt pour le Soudan ?
Le Soudan est le plus grand pays d’Afrique, assez peu peuplé :
33 millions d’habitants pour un territoire grand comme 5 fois la France,
peu industrialisé peu équipé – il n’y existe
qu' une seule route goudronnée - soumis à une énorme
pression de l’appareil impérialiste occidental (le démontre
à l’envie la visite officielle de KOUCHNER à Khartoum à
peine un mois après son installation au Ministère des Affaires
Etrangères)
Entre Tropique et Equateur, le pays s’étend sur plus de 2500 km
du Nord au Sud et la haute vallée du Nil, qui sur son territoire se subdivise
en deux grands affluents le Nil Blanc qui prend sa source tout au Sud du pays
et le Nil bleu venu d’Ethiopie, constitue la colonne vertébrale
de ce grand ensemble et concentre la majorité de la population y compris
l’énorme Khartoum qui rassemble plus de 7 millions d’habitants.
Il est divers tant par ses climats, ses reliefs que par ses populations et leurs
cultures et pourtant, pour paraphraser Galilée, il existe.
Il existe :
- parce qu' au travers de son histoire il n’a pas, sauf pendant une
brève période été intégré dans un
empire du Nil qui aurait exercé son empire sur la totalité de
l’immense bassin fluvial
- parce qu' il a échappé aux ferments de division tribale
qui, en Afrique de l’Ouest, a conduit, avec l’appui déterminé
du colonialisme européen et surtout français, à l’émiettement
territorial
- parce que, a contrario, le colonisateur britannique a tout fait pour éviter
qu' au moment de la décolonisation les officiers révolutionnaires
égyptiens n’étendent leur pouvoir sur le Soudan
- parce qu' il y a deux facteurs d’unification : l’islam religion
d’environ 60 % de la population, et la langue arabe elle aussi majoritaire
et qu' en même temps ces deux facteurs d’unification n’ont
pas conduit à l’élimination des minorités linguistiques
culturelles et religieuses, ni même à un bloc musulman unifié,
les appartenances tribales restant vivaces.
Le Soudan est donc un pays africain majoritairement musulman et arabophone
qui à travers la résistance au colonialisme d’abord et confronté
ensuite, après la décolonisation, à de fortes tendances
sécessionnistes tant au Sud qu' au Nord-Est, s’est forgé,
dans le combat et dans des conflits qui ont largement dépassé
l’intensité de celui du Darfour, une unité. Mais on devrait
se souvenir à Washington et ailleurs que le chemin de l’unité
nationale n’est pas toujours tapissé de roses !
Son éclatement, d’intérêt secondaire pour l’impérialisme
tant que ses richesses naturelles étaient difficiles à exploiter
(vu l’immensité du territoire et la pauvreté ou l’inexistence
des réseaux de transport) devient un enjeu central dès l’instant
où ces richesses, au premier chef le pétrole, sont prometteuses,
exploitables et commencent à l’être par des compagnies étrangères
qui pour la plupart ne sont pas des compagnies « occidentales ».
L’impérialisme occidental a donc entamé une action multiforme,
qui n’exclut pas les rivalités comme entre la France et les Etats-Unis,
visant soit à favoriser la sécession de diverses provinces soit
à entamer la « somalisation » du pays c'est-à-dire
la destruction de l’Etat et l’installation d’un chaos où
le pouvoir serait ramassé par des bandes armées vivant de la taxéation
des exportations (comme pour l’opium afghan). Mais cette seconde perspective
est encore lointaine et ne parait guère réalisable sans intervention
militaire US massive.
Ce type d’action a échoué au Sud (voir plus loin) mais pourrait
être repris à l’occasion d’un référendum
prévu par les accords de paix et devant se tenir en 2008 et il a été
engagé au Darfour sitôt le calme revenu au Sud.
QUELQUES POINTS DE REPERE HISTORIQUES
L’histoire du Soudan est longue et complexe et notre propos n’est
pas ici d’en faire un résumé même bref, mais certains
épisodes de l’histoire contemporaine qui ont été
des facteurs de l’unité soudanaise méritent d’être
soulignés.
Ayant été colonisé par la Grande-Bretagne ce pays est peu
connu en France et les publications en langue française le concernant
sont rares. Il a bien existé un « Soudan Français »
mais, au moment de la décolonisation, il a été remplacé
par l’actuel Mali. Sa brusque émergence médiatique, au point
que, dans la mise à l’écart presque complète des
questions internationales dans la campagne présidentielle française,
il a été une des très rares questions abordées et
de la manière la plus consensuelle par les deux finalistes, si elle a
de quoi surprendre s’avère être une opération très
bien organisée.
L’Empire du MAHDI : le colonisateur mis à la porte
Rattaché à l’empire ottoman au début du 19° siècle
le Soudan sera un des pays que l’impérialisme britannique en expansion
lui arrachera pour assurer son contrôle stratégique sur la route
des Indes : le Soudan a en effet 700 kilomètres de côte sur la
rive occidentale de la Mer Rouge.
Il lui aura fallu au préalable prendre le contrôle de l’Egypte
à l’issue d’un long affrontement avec la France qui ne s’achèvera
qu' en 1881. La mainmise britannique sur le Soudan sera difficile et ne
sera effective qu' à l’issue d’une guerre sanglante.
Le chef soudanais MUHAMMAD AHMAD IBN ABDALLAH dit le MAHDI conduit la résistance
au nom de l’Islam. En effet, à l’exception de sa partie Sud,
le Soudan est islamisé depuis longtemps et sert de pays de transit à
tous les pèlerins venus de l’Afrique subsaharienne qui se rendent
à La Mecque. Le colonisateur s’est installé à Khartoum
et le général anglais GORDON y commande une garnison anglo-égyptienne.
Le 26 Janvier 1885, les troupes du MAHDI s’emparent de Khartoum, tuent
le général GORDON et mettent fin à la toute nouvelle tutelle
anglo-égyptienne sur le pays. Cet épisode est relaté, en
adoptant le point de vue britannique colonialiste ? dans le film KHARTOUM (1966).
Le Soudan devient alors un Etat islamiste indépendant et va le rester
pendant 14 ans. Mais il s’épuise dans des conflits avec ses voisins
: L’Egypte et l’Ethiopie qu' il tente de soumettre à
sa loi et une nouvelle campagne militaire de 3 ans (1896-1899) permet à
la Grande-Bretagne de faire tomber le régime du MAHDI. Le pays ne sera
pas pacifié pour autant et de nombreuses révoltes auront lieu
tant au Nord où elles sont animées par des islamistes qu' au
Sud où les populations ont été christianisées.
Le régime NEIMEIRY
Sitôt renversée la monarchie égyptienne, voulant à
tout prix éviter une annexion du Soudan par les officiers nassériens
progressistes, la Grande-Bretagne accorde l’indépendance au Soudan.
Cependant, en l’absence de lutte centrale de libération, il n’émerge
pas de pouvoir politique national fort jusqu' à une stabilisation
réalisée par le gouvernement militaire du Général
NEMEIRY qui reste à la tête de l’Etat de 1969 à 1985.
Arrivé au pouvoir en compagnie des communistes, NEMEIRY les écarte
et le régime suit en politique internationale une évolution parallèle
à celle du régime égyptien et ne se signale ni par un engagement
tiers-mondiste ni par une position neutraliste. Mais malgré sa taille
et sa diversité géographique, culturelle et ethnique, il reste
uni et NEMEIRY est respecté dans le monde entier pour avoir réintégré
dans le jeu politique national les régions sécessionnistes du
Sud en dotant le pays d’une constitution fédérale qui donne
de larges pouvoirs aux régions.
Le régime AL BASHIR
NEMEIRY est renversé par un coup d’Etat sans effusion de sang,
la situation demeure instable jusqu' en 1989 où le 30 Juin un nouveau
coup d’Etat militaire amène au pouvoir le général
OMAR HASSAN AHMED AL BACHIR. Signe des temps, le nouveau gouvernement est appuyé
par un mouvement islamiste : le Front national islamique (FNI) de HASSAN TOURANI.
AL BACHIR est toujours à la tête du pays et contrairement à
l’image qui a été véhiculée à l’extérieur,
le régime n’est pas un régime islamiste radical. En fait,
le FNI ne rallie ni tous les musulmans – les pratiquants - ni même
tous les islamistes – les musulmans qui veulent faire de l’Islam
la loi d’Etat – qui sont organisés dans d’autres groupes
politiques et l’armée échappe assez largement à leur
influence. Le nouveau pouvoir ne se laisse donc pas contrôler par le FNI.
TOURANI est progressivement écarté du centre du pourvoir et, bien
que la Charia soit officiellement inscrite dans la Constitution, les militaires
se gardent de tout excès doctrinal, bien conscients qu' ils sont
que le maintien de l’unité du pays nécessite le respect
de sa diversité de langues et de religions. Al TOURABI après avoir
occupé d’importantes fonctions dans le régime est d’ailleurs
retourné en prison en 2001.
La véritable raison de la mise à l’index du régime
soudanais par l’Occident et les Etats-Unis en particulier est le soutien
politique qu' il a apporté à l’IRAK au moment de la
guerre du Golfe.
Sans rentrer plus avant dans le récit de l’histoire du Soudan contemporain
il faut noter que les divers régimes qui se succèdent, s’ils
prennent le pouvoir par la force se font ensuite confirmer au pouvoir par des
élections et que le fédéralisme, mis en place par la constitution
de 1975 et qui va être approfondi par une nouvelle constitution en 1999,
reste le mode d’organisation du pays. Donc malgré des révoltes
régionales, au Sud, au Nord-Est, jamais l’unité du pays
n’a été radicalement mise en cause ni de l’intérieur
ni de l’extérieur, aucun de ses voisins n’intervenant si
ce n’est de manière clandestine, contre le Soudan.
Guerres civiles au Soudan : silence sur les unes, tintamarre sur les autres
Parmi ces révoltes régionales, la plus importante va se développer
dans la Sud à partir de 1990. Ce n’est en fait qu' une réactivation
d’une vieille opposition ressuscitée par l’arrivée
au pouvoir à Khartoum des islamistes. Le précédent conflit
entre les régions du Sud où l’Islam est minoritaire, la
population étant majoritairement chrétienne et animiste (sans
séparation nette entre les deux pratiques religieuses) et le pouvoir
central s’était achevé en 1975 par les accords d’Addis-Abeba
et la mise en place de la constitution fédérale. Mais la nouvelle
guerre civile ne donnera pas lieu à une intense activité médiatique
en Occident pour la simple et bonne raison qu' elle a d’importants
soutiens en Occident même : chrétiens fondamentalistes des Etats-Unis
et sionistes qui vont les uns et les autres s’employer à diaboliser
le régime « islamiste » de Khartoum avec le secret espoir
de parvenir à la partition du pays et à l’indépendance
du Sud.
Le Mouvement pour libération du Soudan : le MPLS et son bras armé
: l’ APLS, sont dirigés par JOHN GARANG, un officier formé
aux Etats-Unis et il bénéficie de nombreuses sympathies à
l’étranger : Etats-Unis bien sûr, Israël et l’Ouganda
voisin par où arrivent armes et munitions. Mais ces sympathies ne s’arrêtent
pas à l’idéologie. Le Sud Soudan renferme d’importantes
richesses pétrolières. Les premières recherches et les
premières découvertes avaient été le fait de sociétés
occidentales au premier rang desquels l’étasunienne CHEVRON qui
avait conduit des explorations à la fois en off-shore sur la Mer rouge
et dans le Sud. Mais la guérilla du Sud rendait impossible la poursuite
de cette activité et CHEVRON comme TOTAL ont abandonné la partie.
Or, pour pouvoir vendre le pétrole du Sud Soudan sur le marché
mondial il faut traverser le centre et le nord Soudan et atteindre la Mer Rouge.
Donc si le pouvoir central ne laisse pas passer le pétrole entre les
gisements du Sud et la mer Rouge, il est inutile du point de vue d’une
multinationale US ou européenne dont la préoccupation première
n’est pas le développement du Soudan de l’extraire. L’idée
peut alors germer de renverser le régime soudanais et d’utiliser
la guérilla du Sud pour l’affaiblir. Une guerre civile de ce type,
dont l’issue peut favoriser la capitalisme occidental, ne suscite aucune
commisération dans nos médias ni aucun projet de « guerre
humanitaire » comme il s’en déroulait une à la même
période en Yougoslavie. Cette guerre a eu lieu, elle a causé d’importantes
pertes humaines et d’importants déplacements de population, mais
l’impérialisme qui la favorisait en sous-main ne lui a pas fait
beaucoup de publicité.
Le seul acte de guerre impérialiste direct sera le bombardement décidé
par CLINTON d’une usine de médicaments de Khartoum supposée
produire des armes biologiques et le prétexte en sera la présence
sur le sol soudanais de « terroristes islamistes » accusés–
à tort ou à raison – d’être impliqués
dans le premier attentat contre le WORLD TRADE CENTER de New-York (1993).
Le pétrole rassemble au lieu de diviser
Cependant, malgré la guerre civile qui se prolonge et fait des dizaines
de milliers de victimes, la sortie de crise se met progressivement en place.
Le Gouvernement soudanais ouvre la porte à de nouvelles compagnies pétrolières
: chinoises, malaisiennes et indonésiennes. Elles reprennent les recherches
dans le Sud, commencent l’exploitation et lancent en accord avec le gouvernement
la construction d’un pipeline conduisant le pétrole d’abord
à Khartoum où elles construisent une raffinerie et ensuite vers
un nouveau port pétrolier sur la Mer Rouge au sud de Port-Soudan. Parallèlement
est mis en place un accord de partage des revenus pétroliers entre la
région productrice et le pouvoir central. Les conditions de la paix civile
se trouvent donc progressivement réunies et en 2002 l’accord est
signé entre le MPLS et le gouvernement de Khartoum. JOHN GARANG, qui
mourra très peu après dans un accident d’hélicoptère
vite classé, peut-être trop vite, comme dû à de mauvaises
conditions atmosphériques, est nommé Vice-président du
Soudan et le Soudan devient à partir de 1999 un acteur - de taille moyenne
pour le moment mais les recherches se poursuivent et sont prometteuses - du
marché pétrolier mondial au nez et à la barbe des multinationales
US.
Le Sud pacifié, le Darfour entre en scène
Pour les stratèges en déstabilisation
de Washington le Darfour est un vrai cas d’école. Un région
éloignée de la capitale, mal reliée au reste du pays par
des routes qui ne sont pas toujours praticables, plus facile d’accès
pour ses voisins : Tchad et Libye que pour le pouvoir central, une région
porteuse de promesses pétrolières et une guerre civile conduite
par deux groupes rivaux ayant plus de velléités de participer
au partage d’une future manne pétrolière que d’indépendance
politique. Le choix est clair : il faut faire mûrir l’abcès
pour intervenir de plus en plus ouvertement. Bien sûr on peut sans tarder
faire parvenir des armes aux rebelles par l’Ouest et la Tchad, copiloté
par la France mais dont le dictateur entretient également de très
bons rapports avec les Etats-Unis se prête volontiers à ce jeu
en soutenant un des deux groupes rebelles : le MJE. Mais il faut frapper plus
fort. Le Soudan est donc classé dans les pays dangereux et la campagne
médiatique mondiale pour faire accepter l’idée d’intervention
est lancée. On peut la dater du jour de 2004 où Colin Powell lance
l’arme de destruction politique massive : l’accusation de «
génocide ». Il consacrait ainsi la réussite de la campagne
antisoudanaise lancée par le lobby sioniste aux Etats-Unis et entérinée
par le Congrès US. Celui-ci avait adopté en effet le SUDAN PEACE
ACT signé par BUSH en Octobre 2002 et qui donnait au département
d’Etat les moyens financiers de ses interventions « humanitaires
» en même temps qu' il sanctionnait économiquement le
Soudan.
A partir de cette date, le projet d’intervention militaro-humanitaire
est clair et officiel. Face à lui, le gouvernement soudanais résiste.
Il accepte une présence militaire de troupes de l’Union Africaine
au Darfour. Il refuse par contre la présence de casques bleus de l’ONU
car, comme cela s’est vérifié au Sud Liban après
l’attaque israélienne en 2006, les soldats de l’ONU sont
presque tous des soldats des pays de l’OTAN. Il voit bien également
que le Pentagone est depuis le début de la « guerre contre le terrorisme
» en train de prendre pied de plus en plus solidement en Afrique Orientale
: base militaire à Djibouti (dans des locaux aimablement mis à
disposition par l’armée française, maintenant bombardement
de la Somalie et invasion éthiopienne du territoire sous direction US.
Il sait d’expérience que le régime Ougandais qui a apporté
un soutien régulier au MPLS et à l’APLS pendant la rébellion
du Sud est un allié fidèle des Etats-Unis et que les services
secrets israéliens et les agences de sécurité israéliennes
y sont très actives. Il sait que le TCHAD, pays considéré
comme le plus corrompu d’Afrique par Transparency International, s’est
beaucoup rapproché des Etats-Unis depuis que le pétrole tchadien
est exploité par EXXON. L’Egypte ne lui est pas hostile mais elle
est alignée sur les Etats-Unis. Le Soudan est quasiment encerclé.
Il va donc négocier avec les rebelles du Darfour et parvenir à
un accord de paix très complet accordant de nombreux droits économiques
et sociaux aux régions du Darfour. Cet accord de paix établi en
3 langues : arabe, français et anglais et que nous avons pu consulter
pourrait servir de modèle de sortie de crise dans de nombreux pays où
existent des conflits analogues. Malheureusement un des groupes rebelles, le
MJE, soutenu par le régime tchadien, va refuser de le signer et le calme
ne revient pas.
LE PETROLE SOUDANAIS
Ce document (non reproduit sur ce site-ndlr) de 2002 fait apparaître
le pipeline de 1500 km qui alimente Khartoum et Bashair le nouveau port pétrolier
à 25 km au sud de Port Soudan, les zones concédées aux
compagnies pétrolières étrangères et montre que
les concessions atteignent maintenant le Sud Darfour
Sur cette carte figurent les noms des compagnies pétrolières
concessionnaires. On remarque qu' y figure encore la française TOTAL
et il se chuchote dans les milieux pétroliers que TOTAL pourrait bien
être aussi un sous-traitant sur les périmètres concédés
à la malaisienne PETRONAS
La GREATER NILE PETROLEUM OPERATING COMPANY regroupe la chinoise CNPC, la malaisienne
PETRONAS, la soudanaise SUDAPET. A l’origine en faisait également
partie la canadienne TALISMAN. Celle-ci, soumise à des pressions «
humanitaires » aux Etats-Unis et au Canada a cédé en 2003
sa participation à l’indienne VIDESH, filiale de la plus grande
entreprise pétrolière et gazière indienne : ONGC.
Il y manque les périmètres concédés depuis à
la NATIONAL IRANIAN GAS CORPORATION (Compagnie nationale iranienne du gaz) concessions
qui témoignent de la qualité des relations entretenues aujourd’hui
par Khartoum et Téhéran et ceux concédés à
la société pétrolière yéménite dans
la région Nord-Ouest prés de la Libye.
Projecteurs « humanitaires » sur le Soudan, silence
sur l’Ouganda
Note sémantique : désormais nous utiliserons
l’expression « faire le Kouchner » pour symboliser toute agitation
médiatique visant à caricaturer toute situation de tension ou
de conflit et à systématiquement prendre parti en faveur des grands
intérêts du capitalisme occidental s’ils sont convergents
ou en faveur des grands intérêts du capitalisme français
s’ils sont divergents avec ceux des autres pays impérialistes.
L’encadrement idéologique et le programmation de l’activiste
médiatique KOUCHNER sont assurés par l’« INTERNATIONAL
CRISIS GROUP » groupe d’influence siégeant à Bruxelles
et dont CHRISTINE OCKRENT est une dirigeante. Les Notes que produit l’ICG
annoncent souvent des mois à l’avance les grands thèmes
qui feront ensuite la une des médias internationaux.
http://www.crisisgroup.org
Au nombre des membres du Conseil d’administration de
l’ICG on compte : Chris Patten, ancien commissaire européen, Joschka
Fischer, ancien ministre des affaires étrangères d’Allemagne,
Zbigniew Brzezinsky, grand stratège de la politique US dans les années
80, SOROS le milliardaire financeur de révolutions de couleurs, le général
WESLEY CLARK chef des bombardements de l’OTAN sur la Yougoslavie et pas
mal d’anciens premiers ministres ou chefs d’Etat : belge, hollandais,
chilien, philippin...sans oublier l’ancien premier ministre finlandais,
aujourd’hui président d’honneur de l’ICG MARTTI AHTISAARI,
chargé par la « Communauté internationale » (lire
Washington et Bruxelles) d’arracher le Kosovo à la Serbie.
Pendant que les médias-mensonges et les perroquets « humanitaires
» font les Kouchner sur le Soudan et le Darfour ils observent un silence
scrupuleux sur la situation lamentable des droits de l’homme chez son
voisin du Sud : l’Ouganda.
Pourtant la dictature civile de MUSEVENI, fidèle allié des Etats-Unis,
est une des plus féroces d’Afrique. Mais tout est pardonné
au régime ougandais pourvu que le pays obéisse scrupuleusement
à la Banque Mondiale et qu' il serve d’exutoire, à
peine clandestin, à toutes les richesses minières extraites, depuis
des décennies, illégalement des provinces de l’Est du Congo
et qui rejoignent le marché mondial en passant par Kampala. Ce trafic
est facile car il porte sur des produits : or, diamants, coltan (minerai double
de Colombium et de tantale utilisé en quantité croissante dans
toutes les « puces » électroniques) très chers au
kilo et dont le transport ne nécessite pas de grosses infrastructures
routières aujourd’hui inexistantes dans cette région.
La solution du problème du Darfour est autant au Tchad qu' au Soudan
Au printemps 2004, le sous secrétaire d’Etat US pour les questions
africaines HERMAN J.COHEN souligne dans une interview à Radio France
International que la Tchad joue un rôle destructeur dans le conflit du
darfour. L’été 2006 il déclare sur le site web de
l’association « International Peace Operation » : «
Déby doit partir pour le bien du Tchad et du Soudan ». Il ne fait
qu' officialiser le soutien matériel et financier du dictateur tchadien
aux rebelles du Darfour.
La Chine en première ligne
La Chine a joué un rôle important dans
le règlement de la guerre du Sud en fournissant les bases matérielles
de l’accord pétrolier. Cet accord qui lui assure un approvisionnement
régulier en pétrole soudanais – elle est destinataire de
85 % des exportations - a aussi permis la mise en exploitation des gisements,
la construction de la raffinerie de Khartoum qui approvisionne l’économie
soudanaise, la construction du pipeline et au total un progrès substantiel
de l’économie soudanaise et une amélioration des finances
publiques du pays.
Simultanément elle favorise la modernisation économique du pays
dans d’autres secteurs et a par exemple équipé l’industrie
cotonnière soudanaise de matériel nouveau permettant croissance
de la production et des exportations textiles.
Ces interventions chinoises qui favorisent le décollage économique
du Soudan se font en arrachant celui-ci à l’influence du FMI et
de la Banque Mondiale, en l’arrachant à la domination des multinationales
pétrolières occidentales et donc clairement sur une trajectoire
de confrontation avec les intérêts capitalistes occidentaux
Bien acceptée par le gouvernent soudanais – le Soudan a fait partie
des pays africains amis reçus en grande pompe à Pékin à
l’automne 2006 pour le sommet Chine-Afrique, directement visée
par l’offensive étasunienne qui vise à l’évincer
du pays, elle s’implique de plus en plus dans la recherche d’une
fin de conflit au Darfour. Elle vient de nommer un envoyé spécial
pour le Darfour : LIU GUIJIN, et en liaison avec l’Union africaine et
l’ONU elle s’emploie à favoriser la fin des combats, le retour
à une vie normale – des troupes chinoises du Génie vont
aller sur place pour aider à reconstruire les infrastructures élémentaires
- et l’application des accords de paix.
Face à cette situation où ils sont perdants sur tous les tableaux,
il ne reste aux Etats-Unis que la politique du pire : celle de la dramatisation
médiatique de la crise du Darfour, du sabotage des efforts de paix et
ensuite le recours à la force, pour installer à Khartoum un régime
qui leur soit soumis.
Cette politique est tellement lisible qu' aux Etats-Unis le mouvement d’opinion
pour le « salut du Darfour » « SAVE DARFOUR » bien relayé
par le lobby sioniste et les milieux hollywoodiens mobilise aujourd’hui
plus dans la rue que les mouvements de protestation contre la guerre d’IRAK
et que le principal slogan des manifestants à l’adresse du gouvernement
US est « Quittez l’Irak, allez au Darfour » !
Bulletin 166 Comaguer
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